Question orale n° 1615 :
La Poste

12e Législature

Question de : M. Patrick Braouezec
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains

A l'heure où La Poste annonce des bénéfices record (plus de 500 millions d'euros), les conditions d'accueil et de traitement des usagers vivant dans les quartiers populaires que connaît bien la Seine-Saint-Denis continuent chaque jour de se dégrader. Depuis des années, La Poste développe, de manière délibérée, une politique visant à ne maintenir dans ces territoires que le strict minimum qui ne peut satisfaire les besoins des populations locales. Une fois encore, elles sont victimes d'un déséquilibre flagrant de traitement par rapport à des territoires plus aisés. M. Patrick Braouezec demande quels moyens M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie envisage de mettre en oeuvre afin de résorber ces inégalités territoriales et de rendre effective la notion de service public postal de qualité et égal pour tous.

Réponse en séance, et publiée le 31 mai 2006

RESPECT DE LA MISSION DE
SERVICE PUBLIC DE LA POSTE

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour exposer sa question, n° 1615, relative au respect de la mission de service public de La Poste.
M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, alors que le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, a annoncé, le 3 mai dernier, une hausse de 49 % du bénéfice net pour 2005 s'élevant ainsi à plus de 557 millions d'euros, les conditions d'accueil et le traitement des usagers de la Seine-Saint-Denis ne cessent de se dégrader. Je dis bien " usagers " et non " clients ", puisqu'il s'agit de celles et ceux qui devraient bénéficier d'un service public. Ce glissement sémantique est loin d'être innocent et suppose non seulement un traitement commercial, mais surtout une discrimination par l'argent.
À l'heure actuelle, les postes de la Seine-Saint-Denis subissent de sérieux dysfonctionnements : les temps d'attente sont de plus en plus longs, le nombre de guichet ouverts est en totale inadéquation avec les besoins de la population locale et ne cesse de diminuer, les bureaux sont très mal entretenus, les appareils automatiques tombent en panne trop fréquemment, les retards dans la distribution sont de plus en plus courants, le traitement des usagers est différencié selon qu'on habite dans un quartier où les entreprises sont implantées ou non... et j'en passe ! Retirer un recommandé ou acheter des timbres devient donc un véritable parcours du combattant pour les Dionysiennes et les Dionysiens qui doivent allier patience et sérénité et surtout oublier leur dignité.
Ce sous-investissement chronique de La Poste pose le problème plus général de la carence et de la dégradation de l'ensemble des services publics : nous ne comptons plus les guichets fermés dans les bureaux de la caisse d'allocations familiales, les services hospitaliers sont en pleine hémorragie et le personnel de l'éducation nationale est géré de façon calamiteuse, en piochant systématiquement et dans l'urgence dans les listes complémentaires, alors qu'il serait nécessaire de créer 450 postes.
Il existe pourtant à Saint-Denis un besoin criant de services publics, compte tenu de la réalité sociale. Le simple fait que la direction de La Poste de la Seine-Saint-Denis, département comptant 1 400 000 habitants, ait enregistré plus de 900 000 ouvertures de comptes l'année dernière, démontre, par exemple, toutes les attentes placées dans cette structure.
C'est ce traitement inégal, fondé sur des préoccupations financières et trop récurrent dans nos villes, que je tiens à dénoncer. Votre gouvernement entend certes prendre des mesures pour rétablir un certain équilibre entre les quartiers " difficiles " et le reste du territoire, mais quelle image pensez-vous renvoyer à nos concitoyens quand ceux-ci sont traités en citoyens de seconde catégorie, chaque fois qu'ils ont affaire aux services publics, ou plutôt à ce qu'il en reste ?
Les quartiers populaires urbains ne sont pas les seuls à être dans la ligne de mire de votre gouvernement. Je pense notamment à mes collègues représentant les territoires ruraux, pour qui la présence d'un bureau de poste représente un enjeu de cohésion sociale et territoriale. Ils doivent souvent mener une dure bataille, même si elle s'avère parfois vaine, en compagnie de leurs concitoyens. Zones rurales fragiles et quartiers populaires urbains, même combat, serait-on tenté de scander !
Un an après la mobilisation du 5 mars 2005 à Guéret, c'est une convergence nationale des collectifs de défense et de développement des services publics qui prend le relais en organisant par exemple une journée de défense des services publics réunissant les associations, les syndicats, les usagers et les élus qui se battent chaque jour pour le maintien du service public et, surtout, contre la logique marchande commandée en haut lieu par les impératifs dictés par l'OMC.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je demande un rattrapage du niveau du service public postal à Saint-Denis. Comment comptez-vous garantir la nécessaire égalité de traitement entre les usagers, le respect des droits fondamentaux et les missions de service public que doit assurer La Poste ? Allez-vous engager le président de La Poste à utiliser les 557 millions de bénéfices - en grande partie dus à des compressions de personnel - pour créer les 15 000 à 20 000 emplois nécessaires pour assurer un service correspondant à ces objectifs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, le contrat de plan signé entre La Poste et l'État pour les années 2003 à 2007 réaffirme que le réseau des points de contact évolue en étroite concertation avec les collectivités territoriales et participe à l'évolution des territoires.
La loi du 20 mai 2005 prévoit la couverture du territoire en services postaux de proximité. Ces règles ne pourront autoriser, sauf circonstances exceptionnelles, que plus de 10 % de la population d'un département se trouve éloignée de plus de cinq kilomètres ou de plus de vingt minutes de trajet automobile des plus proches accès du réseau de La Poste. Cela vaut pour le milieu rural, mais répond aussi à votre question sur le service public en général.
Par ailleurs, La Poste adapte ses points de contact à l'évolution des modes de vie et de consommation des clients, sous des formes diversifiées et sur la base de conventions territoriales adaptées à la diversité des territoires.
De plus, cette loi de 2005 prévoit la création d'un fonds postal national de péréquation territoriale destiné à concourir au financement de la contribution de La Poste à l'aménagement du territoire. Ainsi, les points de contact situés dans les zones urbaines sensibles bénéficient d'une majoration significative du montant qu'ils reçoivent au titre du fonds. Les ressources de ce fonds proviendront de l'allégement de la fiscalité locale dont bénéficie La Poste en contrepartie de sa mission d'aménagement du territoire.
Des moyens existent donc, et toutes les évolutions sont conduites avec le souci du dialogue avec les élus, en particulier dans le cadre des commissions départementales de présence postale territoriale, au sein desquelles figure un représentant de l'État chargé notamment de veiller au bon déroulement des processus d'information et de concertation préalables aux adaptations de la présence postale.
C'est ainsi qu'en zone urbaine sensible, comme sur le reste du territoire, l'adaptation des bureaux de poste fait l'objet d'une concertation préalable avec les maires des communes concernées et d'une consultation des comités techniques paritaires. Cette adaptation repose à la fois sur la fréquentation des bureaux et sur la sécurité des quartiers. En particulier, l'aménagement des horaires d'ouverture de ces bureaux doit être en adéquation avec l'environnement commercial et la fréquentation de la clientèle, mais aussi avec les services publics de proximité.
La Poste est également un acteur de la politique de la ville. Le contrat de plan signé entre elle et l'État indique notamment que La Poste poursuit ses actions en faveur des territoires prioritaires des contrats de ville pour y conforter sa présence et soutenir l'action des postiers qui y travaillent.
Le bilan d'exécution de cette convention fait apparaître une action très importante de La Poste pour améliorer sa présence dans les territoires prioritaires : le montant des investissements engagés s'élève à 15 millions d'euros, cofinancés à hauteur de 5,4 millions d'euros par les pouvoirs publics.
Enfin, la relance de la politique de rénovation urbaine et la création de l'Agence nationale de rénovation urbaine ont conduit à modifier les règles de financement des projets en zone urbaine sensible et une réflexion est en cours en vue de signer une nouvelle convention entre La Poste et l'ANRU.
Les dispositifs que La Poste doit mettre en oeuvre et les moyens dont elle dispose sont, je pense, de nature à répondre à vos préoccupations, aussi bien milieu urbain que rural.
M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.
M. Patrick Braouezec. Je prends note de votre réponse, monsieur le ministre, mais vous n'avez rien dit quant à l'utilisation des 557 millions de bénéfices pour 2005. Peut-être seront-ils utilisés dans le cadre des dispositions que vous venez d'évoquer !
Quant à la consultation des élus locaux au sein des commissions départementales, les huit maires de la communauté d'agglomération que je préside se plaignent chaque jour des conditions d'accueil et de service de La Poste, qu'il s'agisse d'ailleurs d'agences implantées dans des quartiers dits sensibles ou de centres villes.

Données clés

Auteur : M. Patrick Braouezec

Type de question : Question orale

Rubrique : Postes

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 30 mai 2006

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