réseaux
Question de :
M. Alain Gest
Somme (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Alain Gest attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur les modalités de l'aménagement numérique du territoire. La plupart des régions se sont investies ces dernières années dans la mise en place de « réseaux régionaux » haut débit, destinés à répondre aux besoins de l'enseignement et de la recherche, puis d'un public plus large couvrant, notamment, les centres de formation d'apprentis (CFA), les centres publics de formation professionnelle, les espaces publics numériques (EPN), les hôpitaux, les centres culturels. Les modalités de mise en oeuvre de ces réseaux sont strictement définies par la loi. En effet, une directive européenne de 2002 a prescrit le strict respect de la concurrence entre les opérateurs de télécommunications. Cette directive a été transposée dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 22 juin 2004. Cette loi a introduit l'article L. 1425-1 dans le code général des collectivités territoriales qui permet aux collectivités territoriales de disposer de nouveaux moyens d'intervention en la matière, tout en affirmant l'importance de la mise en concurrence. Ainsi plus de quarante conseils généraux et de nombreuses agglomérations ont lancé des services publics haut débit dans les conditions imposées par la loi, qui exige notamment que la collectivité ne desserve pas l'utilisateur final (sauf carence des opérateurs privés) et respecte strictement la concurrence. Les réseaux régionaux créés avant la loi ne s'y conforment pas et créent des distorsions de concurrence en ne permettant pas aux opérateurs ne possédant pas de réseaux propres (clients par nature des réseaux publics) de postuler efficacement pour desservir les établissements de formation. Dans le département de la Somme, le conseil général et la communauté d'agglomération d'Amiens investissent, 32 millions d'euros dans une infrastructure publique depuis 2000 puis dans un réseau public en 2004. Les opérateurs qui le louent sont de facto exclus des appels d'offres, de la région pour la couverture haut débit des lycées et centres de formation. En effet, en contradiction avec la loi, le conseil régional loue des lignes spécialisées qu'il exploite en régie ou avec l'aide surprenante de l'université technologique de Compiègne qu'il subventionne à cet effet. Dans ces conditions, tout opérateur ne possédant pas de réseau ne peut concourir alors même qu'il pourrait offrir des services haut débit à partir du réseau public. Le préfet de région a été saisi à plusieurs reprises de ce problème mais s'est refusé à intervenir au motif que la position de la direction générale des collectivités locales n'encourageait pas une position claire du représentant de l'État. Pourtant, une circulaire du 24 janvier 2005 signée par le secrétaire d'État aux collectivités locales et une circulaire du ministère de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche en date de janvier 2006 précisent sans ambiguïté la position de l'État. En conséquence, il lui demande de lui indiquer les moyens qu'il compte mettre en oeuvre afin de remédier à cette situation propice aux contentieux et de permettre des pratiques conformes au cadre législatif.
Réponse en séance, et publiée le 31 mai 2006
MODALITES DE L'AMENAGEMENT NUMERIQUE
DU TERRITOIRE
M. Alain Gest. Monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer avec vous la question de l'aménagement numérique du territoire lorsque vous vous êtes rendu dans notre beau département de la Somme.
Ces dernières années, la plupart des régions se sont investies dans la création de réseaux régionaux haut débit destinés à répondre tout d'abord aux besoins de l'enseignement et de la recherche, puis à ceux d'un public plus large, couvrant notamment les centres de formation d'apprentis, les centres publics de formation professionnelle, les espaces publics numériques, les hôpitaux et les centres culturels.
Les modalités de mise en oeuvre de ces réseaux sont strictement définies par la loi, puisqu'une directive européenne de 2002, qui prescrit le strict respect de la concurrence entre les opérateurs de télécommunications, a été transposée dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 22 juin 2004. Cette loi a introduit dans le code général des collectivités territoriales le fameux article L. 1425-1, qui permet à ces dernières de disposer de nouveaux moyens d'intervention en la matière - c'est-à-dire de devenir opérateur d'opérateurs -, tout en affirmant l'importance de la mise en concurrence.
Plus de quarante conseils généraux et de nombreuses agglomérations ont ainsi lancé des services publics haut débit dans les conditions imposées par la loi, laquelle exige notamment que la collectivité ne desserve pas l'utilisateur final - sauf en cas de carence des opérateurs privés - et respecte strictement la concurrence. Or les réseaux régionaux créés avant la loi ne s'y conforment pas et créent des distorsions de concurrence, car ils ne permettent pas aux opérateurs ne possédant pas de réseaux propres - qui sont la majorité et qui sont les clients par nature des réseaux publics - de postuler efficacement pour desservir les établissements de formation.
Depuis six ans, le conseil général de la Somme et la communauté d'agglomération d'Amiens ont investi 32 millions d'euros dans une infrastructure publique, puis dans un réseau public. Or les opérateurs qui le louent sont de facto exclus des appels d'offres de la région pour la couverture haut débit des lycées et centres de formation. En effet, en contradiction avec la loi, le conseil régional loue des lignes spécialisées qu'il exploite en régie ou avec l'aide - assez surprenante - de l'université technologique de Compiègne, qu'il subventionne à cet effet. Dans ces conditions, tout opérateur ne possédant pas de réseau ne peut concourir, alors même qu'il pourrait offrir des services haut débit à partir du réseau public.
Le préfet de région a été saisi à plusieurs reprises de ce problème, mais il s'est refusé à intervenir au motif que la position de la direction générale des collectivités locales n'était pas suffisamment claire. Pourtant, une circulaire du 24 janvier 2005, signée par le secrétaire d'État aux collectivités locales, et une autre du ministère de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche en date de janvier 2006 précisent sans ambiguïté la position de l'État.
En conséquence, je vous demande, monsieur le ministre, de m'indiquer les moyens que vous comptez mettre en oeuvre pour remédier à cette situation propice aux contentieux et permettre des pratiques conformes au cadre législatif.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le député, comme vous le soulignez, la plupart des régions ont mis en place, sous la forme de marchés de services, un service régional haut débit permettant le raccordement en haut débit des communautés de l'enseignement et de la recherche au sens large. Ces plaques régionales haut débit sont connectées au réseau national RENATER, qui est précisément destiné à assurer l'interconnexion des réseaux régionaux pour la partie éducative au niveau national et international.
La plupart des marchés publics conclus par les régions pour assurer ces prestations arrivent à échéance en 2006 ou 2007. À cette occasion, le fonctionnement de ces plaques régionales devra être mis en conformité avec la loi pour la confiance dans l'économie numérique de juin 2004, qui donne des compétences étendues aux collectivités territoriales en leur permettant d'établir et d'exploiter des réseaux haut débit sur leurs territoires, dans le respect de la concurrence entre les opérateurs privés.
Face à la diversité des montages mis en place par les régions, le ministère de l'intérieur a procédé en 2005 à une expertise technique et juridique approfondie sur la nature des opérations en cause, en associant les principaux acteurs de ce dossier : l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes - l'ARCEP -, le ministère de l'éducation nationale et de la recherche, ainsi que des représentants des régions, notamment l'Association des régions de France. Cet examen conjoint a permis de mettre en évidence que si le recours à des marchés de services restait possible, un marché public conclu par la région seule pour le compte de l'ensemble des acteurs n'était pas satisfaisant. En effet, la passation d'un marché public ne se justifie que pour satisfaire les besoins propres de la collectivité concernée. Or, en matière d'éducation, la loi a confié des compétences distinctes à l'État pour les universités, à la région pour les lycées et aux départements pour les collèges.
Parce que ces marchés de services desservent l'ensemble de la communauté éducative, voire d'autres services ou établissements publics tels que les services du conseil régional ou des hôpitaux, le groupement de commandes est apparu comme une des solutions juridiques les plus appropriées. Elle permet de concilier le respect de la concurrence avec le respect de la procédure des marchés publics, chaque collectivité concluant son propre marché pour ses besoins propres.
Naturellement, de tels marchés ne sauraient en aucun cas exclure les opérateurs clients de réseaux haut débit mis en place par les collectivités territoriales dans le cadre de la loi de juin 2004. Bien au contraire, la présence de ces opérateurs doit être de nature à stimuler la concurrence en réponse aux marchés publics. Permettez-moi à cet égard de saluer l'initiative du conseil général de la Somme - sous la conduite énergique et dynamique de son précédent président, vous-même - et de la communauté d'agglomération d'Amiens, qui ont réalisé une infrastructure haut débit, afin de favoriser le développement des nouvelles technologies sur leur territoire.
Le 20 février 2006, le ministère de l'éducation nationale et de la recherche a adressé aux recteurs d'académie une circulaire reprenant cette analyse et préconisant le recours au groupement de commandes, solution que le préfet de la région Picardie examine actuellement avec la collectivité régionale. Cette circulaire recommande également que les marchés de services soient mis en cohérence avec les réseaux constitués par les collectivités territoriales dans le cadre de la loi de juin 2004, afin de tirer profit au maximum des initiatives publiques menées sur le territoire en matière d'aménagement numérique.
Plus spécifiquement, j'ai demandé au préfet de la région Picardie de réunir, en collaboration avec le recteur, les différentes collectivités territoriales pour étudier la manière dont pourrait être organisée une meilleure coordination des différentes initiatives publiques permettant de concourir à la desserte des établissements d'enseignement, de formation et de recherche. Je peux vous assurer, monsieur Gest, que je veillerai personnellement à ce que les directives adressées au préfet de la région Picardie soient suivies d'effet le plus rapidement possible, et je vous propose que nos collaborateurs respectifs restent en contact pour le vérifier.
M. le président. La parole est à M. Alain Gest.
M. Alain Gest. Monsieur le ministre, je vous remercie de cet engagement, qui me paraît important pour que, grâce au choix que nous avons fait il y a six ans d'initier un réseau public, nous puissions répondre à l'avenir aux innombrables demandes de nos concitoyens et contribuer à un aménagement du territoire équilibré en matière de haut débit. Je souhaite donc que, grâce à votre intervention, le préfet fasse appliquer la loi, laquelle n'est pas faite pour protéger quelque opérateur que ce soit.
M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire. Nous sommes d'accord !
Auteur : M. Alain Gest
Type de question : Question orale
Rubrique : Télécommunications
Ministère interrogé : intérieur et aménagement du territoire
Ministère répondant : intérieur et aménagement du territoire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 mai 2006