procédures
Question de :
M. Jean Dionis du Séjour
Lot-et-Garonne (1re circonscription) - Union pour la Démocratie Française
M. Jean Dionis du Séjour interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, le 9 novembre 1997, une personnalité connue et aimée des Agenais était lâchement assassinée par un ressortissant Franco-marocain. Celui-ci se réfugia immédiatement après les faits au Maroc pour échapper à la justice française, qui l'a condamné par contumace à une peine de réclusion criminelle d'une durée de vingt-sept ans. La population agenaise dans sa diversité avait été choquée et meurtrie par cet assassinat particulièrement sordide, perpétré par un franco-marocain qui profite de son statut binational pour se réfugier dans son pays d'origine. La justice marocaine, comme c'est son droit le plus strict, a décidé de juger son ressortissant sur la base du jugement rendu en France. Mais les faits sont là : près de neuf ans après ce meurtre, ce procès n'a toujours pas eu lieu. La famille de la victime, comme l'ensemble des Agenais, sont scandalisés et révoltés devant ce qu'ils ressentent comme une incapacité à rendre justice. En effet, le procès de l'assassin est reporté régulièrement depuis septembre 2004. La raison de ce report est connue : l'impossibilité d'entendre au Maroc le témoin clé dans cette affaire qui se trouve à Agen. Nous pouvons comprendre les craintes légitimes de celui-ci qui a peur pour sa vie s'il se rend au Maroc. Il nous faut prendre acte de ce refus de fait de témoigner au Maroc et organiser immédiatement son audition en France par la justice marocaine. La procédure est connue, c'est celle de la commission rogatoire internationale. Elle permet aux magistrats marocains de venir entendre le témoin à Agen. C'est pourquoi il lui demande ce qu'attend le tribunal de Casablanca pour mettre en oeuvre cette commission rogatoire internationale ; qu'ont fait vos services et notre diplomatie pour convaincre leurs homologues marocains du bien-fondé de cette procédure et pour la faciliter ? Cette affaire est dans une impasse, et cela une ville entière, une région entière ne l'acceptent pas et ne l'accepteront jamais. Déjà les jugements les plus durs circulent à Agen et l'on se demande : qui couvre-t-on dans cette affaire ? Quelles pressions sont à l'oeuvre sur la justice marocaine pour qu'elle ne dise pas le droit ? quels intérêts, sans doute financiers, voulons-nous protéger dans les relations franco-marocaines pour que notre pays soit d'une telle timidité dans cette affaire ? Il sait l'intention de la famille de la victime d'en appeler directement au roi du Maroc pour qu'en tant que chef de la magistrature marocaine il use de son autorité pour faire bouger les choses ; lui, en tant que représentant du peuple, appelle à son Gouvernement et lui demande quand ce procès, déjà à trois reprises renvoyé, aura lieu ; quels actes le Gouvernement est prêt à poser pour donner suite à un jugement rendu au nom du peuple français ?
Réponse en séance, et publiée le 7 juin 2006
COOPERATION JUDICIAIRE FRANCO-MAROCAINE DANS LE DOMAINE PENAL
M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour exposer sa question, n° 1647, relative à la coopération judiciaire franco-marocaine dans le domaine pénal.M. Jean Dionis du Séjour. Madame la ministre déléguée au commerce extérieur, je salue votre présence, mais je regrette l'absence du garde des sceaux qui s'honorerait à s'impliquer personnellement dans la résolution de ce qui devient, jour après jour, un vrai scandale judiciaire.
Le 9 novembre 1997, Jean-Louis Fillol, personnalité connue et aimée des Agenais, était lâchement assassiné par Fayçal Mesfaoui, franco-marocain. Celui-ci se réfugia au Maroc immédiatement après les faits pour échapper à la justice française, qui l'a condamné par contumace à une peine de réclusion criminelle d'une durée de vingt-sept ans.
La population agenaise, dans sa diversité, avait été choquée et meurtrie par cet assassinat particulièrement sordide perpétré par un franco-marocain qui profite de son statut binational pour se réfugier dans son pays d'origine. La justice marocaine, comme c'est son droit le plus strict, a décidé de juger son ressortissant sur la base du jugement rendu en France.
Mais les faits sont là : près de neuf ans après ce meurtre, ce procès n'a toujours pas eu lieu. La famille de la victime et les Agenais sont scandalisés et révoltés devant ce qu'ils ressentent comme une incapacité à rendre justice à Jean-Louis Fillol.
Le procès de l'assassin Fayçal Mesfaoui a été reporté trois fois depuis septembre 2004. Imaginez la peine, l'humiliation de Mme Fillol et de ses fils ! La raison de ces reports est connue : l'impossibilité d'entendre au Maroc le témoin clé de cette affaire, qui se trouve à Agen. Nous pouvons comprendre les craintes légitimes de celui-ci, qui a peur pour sa vie s'il se rend au Maroc. Mais il nous faut prendre acte de ce refus de fait de témoigner au Maroc et organiser immédiatement son audition en France par la justice marocaine.
La procédure est connue, c'est celle de la commission rogatoire internationale. Elle permet aux magistrats marocains de venir entendre le témoin à Agen. Notre question est dès lors très simple : qu'attend le tribunal de Casablanca pour mettre en oeuvre cette commission rogatoire internationale ? Qu'ont fait nos services et notre diplomatie pour convaincre leurs homologues marocains du bien-fondé de cette procédure et pour la faciliter ?
Le cabinet du garde des sceaux a toujours été à l'écoute et m'a toujours reçu avec beaucoup d'humanité, mais le constat est là : cette affaire est dans une impasse, et cela une ville entière et une région entière ne l'acceptent pas et ne l'accepteront jamais. Déjà, les jugements les plus durs circulent à Agen. Qui couvre-t-on dans cette affaire ? Quelles pressions sont à l'oeuvre sur la justice marocaine pour qu'elle refuse de dire le droit ? Quels intérêts, sans doute financiers, voulons-nous protéger dans les relations franco-marocaines pour que notre pays soit d'une telle timidité dans cette affaire ?
Je sais l'intention de la famille Fillol d'en appeler directement au Roi du Maroc pour que, en tant que chef de la magistrature marocaine, il use de son autorité pour faire bouger les choses. Je sais aussi son intention d'en appeler à l'opinion publique internationale grâce à un réseau de journalistes amis. Quant à moi, en tant que représentant du peuple, j'en appelle à mon gouvernement. Nous voulons aujourd'hui autre chose que des bonnes paroles. Qu'a fait M. le garde des sceaux pour faciliter la mise en place de la commission rogatoire internationale ? Quand ce procès, déjà à trois reprises renvoyé, aura-t-il lieu ? Que compte faire notre gouvernement pour donner suite à un jugement rendu au nom du peuple français ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. le garde des sceaux, à qui je me substitue avec beaucoup de modestie.
Vous avez souhaité connaître les suites judiciaires réservées par les autorités marocaines aux faits d'assassinat commis par un de leurs ressortissants, le 9 novembre 1997 à Agen, dont M. Jean-Louis Fillol a été la victime.
La gravité du crime commis, les circonstances dans lesquelles il a été perpétré ont toujours été prises en compte dans la conduite de la procédure judiciaire engagée dès 1997 à Agen et qui s'est conclue par la condamnation par contumace du coupable à une peine de réclusion criminelle.
Si l'auteur de ces faits a cru pouvoir échapper à la justice en se réfugiant dans son pays d'origine, les services du ministère de la justice ont fait en sorte que la justice puisse tout de même s'exercer à son encontre. En effet, ils ont assuré la transmission d'une dénonciation officielle des faits aux autorités marocaines, lesquelles ont immédiatement procédé à l'interpellation de l'auteur de cet assassinat. Ce dernier est, depuis lors, toujours écroué au Maroc.
Le garde des sceaux regrette cependant, comme vous et comme la famille de la victime de ces horribles faits, que la procédure de jugement suivie au Maroc soit régulièrement reportée du fait de la non-comparution de témoins résidant en France alors qu'ils ont pourtant été régulièrement convoqués.
Je puis vous assurer que le garde des sceaux a mobilisé ses services ainsi que ceux de notre représentation diplomatique et consulaire au Maroc pour suivre et oeuvrer à l'avancement de cette procédure. M. le garde des sceaux a appelé l'attention de son homologue marocain sur cette affaire. En outre, il a tout naturellement informé les victimes des éléments dont il dispose.
La solution que vous préconisez, à savoir l'envoi d'une commission rogatoire internationale par la juridiction de Casablanca, a été suggérée à la juridiction marocaine saisie de cette affaire. Sans avoir écarté cette possibilité, la juridiction de jugement a, du fait du changement de sa composition, été tout récemment dans l'obligation procédurale de convoquer à nouveau ces témoins à une audience fixée en septembre prochain.
Soyez assuré que les services du ministère de la justice veilleront à ce que les témoins soient dûment convoqués et, en cas de non-comparution, à ce que la solution la plus efficace soit rapidement mise en oeuvre afin que justice soit rendue à la famille de la victime de cet assassinat.
M. Éric Raoult. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
M. Jean Dionis du Séjour. Madame la ministre, je vous remercie pour cette réponse digne, mais elle ne me rassure pas. Il est en effet malheureusement fort probable que le procès prévu pour septembre prochain soit à nouveau reporté, car la raison de fond, à savoir que le témoin clé a peur de se rendre au Maroc, n'a pas disparu.
Cette affaire - j'y mets moi aussi de la passion et de la dignité - n'est pas seulement un scandale pour une famille et pour toute une région ; elle est aussi un scandale pour le droit international. La justice peut-elle être rendue dans une telle affaire, qui met en cause deux pays signataires d'une convention bilatérale d'aide judiciaire ? Si la France compte vraiment au Maroc, qu'elle le montre ! Nous attendons de notre justice et de notre diplomatie une efficacité sinon dans l'immédiat, du moins dans les mois qui viennent.
Auteur : M. Jean Dionis du Séjour
Type de question : Question orale
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 6 juin 2006