politique de la ville
Question de :
M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité sur la nécessité de lancer un contrat spécifique pour la cohésion sociale en Seine-Saint-Denis. En effet, comme cela avait pu être déjà mis en place dans le cadre du développement social des quartiers des contrats de ville, la spécificité du département de la Seine-Saint-Denis nécessite une prise en compte particulière au niveau de ses difficultés et des moyens à y mettre en place. Le nombre de quartiers concernés par la politique de la ville, de zone franche, de dispositifs de rénovation urbaine réclame que la Seine-Saint-Denis puisse bénéficier d'un dispositif sui generis particulier. Il serait notamment intéressant, voire indispensable que l'État et le département de la Seine-Saint-Denis, avec l'appoint de la région, puissent réaliser un contrat de cohésion sociale à l'échelon de l'ensemble du département. L'ensemble des critères des difficultés urbaines se motiverait et permettrait ainsi de bien préciser au regard et à l'écoute de la population que ce département de banlieue est considéré comme prioritaire pour l'État. Il lui demande donc s'il compte répondre favorablement à cette proposition qui est attendue par l'ensemble des élus du département de la Seine-Saint-Denis.
Réponse en séance, et publiée le 7 juin 2006
CRÉATION D'UN CONTRAT SPECIFIQUE
POUR LA COHESION SOCIALE EN SEINE-SAINT-DENIS
M. Éric Raoult. Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, avant de poser ma question, je tiens à adresser un message de soutien aux nombreux policiers et pompiers qui, durant la nuit, ont essuyé, pendant deux heures, les tirs de pierres et de cocktails Molotov d'une cinquantaine de voyous à l'entrée de la Grande Borne, et un message de solidarité à M. Claude Vazquez, maire communiste de Grigny, et à M. Julien Dray, député socialiste de l'Essonne, qui ont fait face avec courage à une situation que nous avons connue à Montfermeil lundi dernier.
Vous le voyez, mes chers collègues, les émeutes urbaines dépassent de loin les clivages politiques.
Madame la ministre, vous le savez pour y être venue à plusieurs reprises, la Seine-Saint-Denis n'est pas un département comme les autres. J'appelle donc votre attention sur l'intérêt qu'il y aurait à y lancer un contrat spécifique pour la cohésion sociale.
Un dispositif particulier a déjà été mis en place par le passé, sous le regard avisé du président de cette séance, dans le cadre du développement social des quartiers, puis avec les contrats de ville. La spécificité de la Seine-Saint-Denis nécessite en effet une prise en compte particulière, compte tenu de la situation qu'elle connaît et des moyens dont elle dispose.
L'ampleur des difficultés liées au chômage, à la dégradation urbaine, mais aussi, il faut bien le reconnaître, à une immigration mal maîtrisée, a été reconnue à de nombreuses reprises et au plus haut niveau. Le Président de la République, en répondant au courrier du président du conseil général, M. Borloo et M. Hortefeux, en recevant une délégation du conseil général, et vous-même, madame la ministre, en parcourant ce département à plusieurs reprises, l'ont observée.
Le nombre de quartiers concernés par la politique de la ville - plus de vingt-quatre communes ont un contrat de ville -, les huit zones franches urbaines déjà existantes et la mise en place d'un vaste programme de rénovation urbaine, puisque le programme national de rénovation urbaine engage 30 milliards d'euros sur 262 quartiers et concerne plus d'une trentaine de villes du département, témoignent d'un effort important, sans parler de l'engagement national pris dans le cadre du projet ENL pour le logement social et de l'installation d'un préfet délégué à l'égalité des chances.
Tous ces efforts en faveur de l'égalité des chances et l'ampleur des chantiers engagés impliquent que la Seine-Saint-Denis puisse bénéficier d'un dispositif sui generis particulier. Il serait notamment intéressant, voire indispensable, que l'État et le département de la Seine-Saint-Denis, avec l'appui de la région Île-de-France, puissent réaliser un contrat de cohésion sociale spécifique. Sa mise en place permettrait d'affirmer la priorité que le Gouvernement accorde à notre département et à ses quartiers difficiles, ainsi que l'action qu'il mène en faveur de l'égalité des chances dans un département particulièrement exposé aux difficultés. Elle pourrait dès lors être modélisée à travers le pays.
Madame la ministre, envisagez-vous, étant donné votre attachement à ce dossier, de prendre des mesures particulières pour la Seine-Saint-Denis, notamment en mettant en place un contrat spécifique de cohésion sociale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, avant de vous répondre, je tiens à m'associer à vos propos préliminaires, plus particulièrement à votre hommage et à votre soutien aux forces de l'ordre. Je rappelle combien l'action du ministère de l'intérieur est complémentaire à celle du ministère de la cohésion sociale, puisque la cohésion sociale ne va pas sans le maintien de l'ordre public. Je le répète avec force : la continuité de ces actions est indispensable.
À mon tour, j'exprime donc ma solidarité à M. Claude Vazquez et à M. Julien Dray, tout comme à vous-même, ainsi qu'à M. Xavier Lemoine, qui, vous l'avez rappelé, a été amené à faire face aux mêmes difficultés.
Chacun connaît votre attachement à l'évolution des politiques de la ville et se souvient des nombreuses initiatives que vous avez prises, lorsque vous aviez la responsabilité de ces dossiers au gouvernement.
Aujourd'hui, le Gouvernement a souhaité, afin de clarifier la situation entre l'État et les collectivités locales, mettre en place un nouveau type de contractualisation. Ces contrats urbains de cohésion sociale ne sont en fait que la déclinaison des très nombreux travaux parlementaires, notamment de l'excellent rapport du sénateur Pierre André. Ils ont pour objectif d'associer l'État et les communes, l'idée étant de permettre aux associations d'avoir un interlocuteur unique, dans un but de simplification, et d'associer, en périphérie, les départements et les régions. Ces contrats dont signés pour trois ans et reconductibles une fois après évaluation, dimension que nous avons souhaité privilégier, puisque toute politique de la ville a besoin, pour être reconnue, d'être renforcée.
Nous avons toujours considéré la Seine-Saint-Denis comme un département devant bénéficier de manière prioritaire et presque naturelle de la politique de la ville. Vous l'avez souligné : il est le premier concerné par la rénovation urbaine et représente à lui 10% de la totalité de l'effort réalisé dans ce domaine. Ce n'est que justice, car il connaît des difficultés lourdes et massives, qui justifient tous ces investissements.
Huit zones franches urbaines y ont été créées et deux autres vont l'être très prochainement. Par ailleurs, vous le savez, la Seine-Saint-Denis est l'un des départements qui a le plus bénéficié de la réforme de la dotation de solidarité urbaine : trente-quatre communes ont ainsi perçu près de 10 millions d'euros supplémentaires au titre de cette dotation en 2005 et 11 millions en 2006. Entre 2004 et 2009, près de 50 millions supplémentaires devraient être alloués à ces communes.
Enfin, les crédits affectés aux contrats de ville ont considérablement évolué. Vous avez vous-même voté un budget historique en matière de politique de la ville, en progression de 68 %, et votre département a bénéficié de la création d'un des six postes de préfet délégué à l'égalité des chances.
J'ai bien entendu votre question. La concentration particulière de difficultés que connaît la Seine-Saint-Denis justifie peut-être une approche particulière, à l'échelle du département. Mais j'attire votre attention sur un point : pour parler d'un contrat de cohésion sociale à l'échelle départementale, il faudrait aussi pouvoir parler d'un financement à l'échelle départementale, voire régionale. Aujourd'hui, malheureusement, ce n'est pas encore le cas.
Pour autant, nous souhaitons que ces partenariats se mettent en place, notamment avec la région Île-de-France, et nous souhaitons les développer en matière de rénovation urbaine. Si nous pouvions le faire demain en matière de cohésion sociale, ce serait une avancée importante au bénéfice de l'ensemble des habitants de la Seine-Saint-Denis. Cette approche serait le signe d'une solidarité à l'échelle départementale et régionale. Pour cela, il faut que nous nous mettions autour d'une table et que nous rassemblions l'ensemble des élus, pour chercher le moyen de faire plus encore pour ce département.
M. le président. La parole est à M. Éric Raoult.
M. Éric Raoult. Madame la ministre, je reconnais bien votre bonne volonté, mais, comme vous l'avez souligné, il faut être plusieurs pour se mettre autour d'une table. Je suis persuadé que mon ami et collègue Julien Dray, vice-président de la région, sera particulièrement sensibilisé, après les difficultés qu'il a connues cette nuit, aux propositions de notre département, au sein duquel les élus majoritaires, toujours désireux de tables rondes, accepteront bien volontiers celle que nous leur proposerons à propos du contrat départemental.
Vous avez affirmé votre solidarité avec M. Xavier Lemoine, maire de Montfermeil. Je n'oublie pas non plus M. Claude Dilain, maire socialiste de Clichy-sous-Bois qui, après avoir accompagné Mme Ségolène Royal à Bondy et entendu ses propos, radicalement contraires aux mesures qu'il applique dans sa commune, s'est senti dérouté. Dans les jours qui viennent, je serai amené à lui réaffirmer ma solidarité
Auteur : M. Éric Raoult
Type de question : Question orale
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : cohésion sociale et parité
Ministère répondant : cohésion sociale et parité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 juin 2006