Question orale n° 1682 :
collectivité départementale : Mayotte

12e Législature

Question de : M. Mansour Kamardine
Mayotte (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Mansour Kamardine attire l'attention de M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement sur la loi du 21 juillet 2003, qui a étendu le champ d'intervention de l'ANPE à la collectivité départementale de Mayotte à compter du 1er janvier 2005. C'est dans ce cadre que le décret n° 2004-253 du 19 mars 2004 a créé la délégation de l'Agence nationale pour l'emploi de Mayotte, laquelle doit être dirigée par un délégué, assisté dans l'exercice de ses missions par un comité de l'Agence nationale pour l'emploi de Mayotte. Elle est enfin dotée d'une enveloppe budgétaire fixée de la même façon que celle attribuée à chaque délégation régionale (art R. 326-1 du code du travail applicable à Mayotte). Or, contrairement aux prescriptions légales et réglementaires, l'ANPE a décidé, malgré les protestations tout à la fois du représentant de l'État dans l'île et des élus de cette collectivité et de la direction générale de l'ANPE, de créer une agence de l'ANPE sous dépendance de la Réunion en lieu et place de la délégation réglementaire. Cette organisation a très rapidement atteint les limites de son efficacité quant aux moyens financiers et humains attribués à Mayotte. Il lui demande de lui indiquer les raisons qui ont justifié cette mise de fait sous tutelle de Mayotte, qui est la collectivité française qui connaît la plus grave fracture sociale de toutes les collectivités, et de lui préciser les mesures qu'il entend prendre pour faire respecter la loi et, au-delà, donner à la délégation mahoraise les moyens de s'impliquer plus avant mais durablement dans la lutte contre le chômage et dans le développement social de l'île.

Réponse en séance, et publiée le 21 juin 2006

MISE EN PLACE DE LA DELEGATION DE L'ANPE
DE MAYOTTE

Mme la présidente. La parole est à M. Mansour Kamardine, pour exposer sa question, n° 1682.
M. Mansour Kamardine. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
Mayotte connaît, on le sait, un taux de chômage de 40 %. C'est en effet la partie du territoire national la plus sinistrée dans ce domaine. Une réflexion a été menée et, en 2003, le législateur a décidé d'étendre à Mayotte l'intervention de l'ANPE, dont la mission essentielle est de participer au placement des demandeurs d'emploi. Le texte de 2003 dispose également que, à l'instar de ce qui se passe au plan national, les communes prennent part elles aussi à ce processus.
Pourtant, l'ANPE qui intervient aujourd'hui à Mayotte est installée exclusivement à Mamoudzou. D'où la nécessité pour les demandeurs d'emploi - qui sont déjà exclus et connaissent une situation de précarité - d'engager d'importants frais de transport afin de se rendre sur place.
Par ailleurs, les moyens qui ont été attribués à l'ANPE ne correspondent pas aux souhaits du législateur, pas plus qu'au décret du 19 mars 2003, prévoyant la présence d'une délégation nationale de l'ANPE à Mayotte, dirigée par un délégué nommé par le directeur général.
Aujourd'hui, pour des raisons qui ne nous ont pas été communiquées, nous disposons non pas d'une délégation de plein exercice, mais d'une agence rattachée à la délégation de La Réunion. Nous en avons eu confirmation, récemment encore, pendant les travaux de la mission d'information sur les minima à Mayotte, problème auquel, madame la présidente, vous êtes aussi sensible que moi. Les auditions ont révélé que le chef d'agence est comme un kamikaze, obligé d'assumer seul toutes les tâches, quand ce n'est pas l'entretien des locaux.
On ne peut continuer à dire aux Mahorais qu'ils doivent donner la priorité à l'emploi et refuser l'assistance, sinon l'assistanat, et, dans le même temps, refuser à cette délégation les moyens de fonctionner normalement.
Ma question est simple : quelles raisons s'opposent à ce que cette délégation devienne une véritable délégation de plein exercice ? Il va sans dire, en effet, que six personnes ne peuvent réduire un chômage qui touche près de 40 % de la population sur un territoire où celle-ci n'a d'autre objectif que de travailler.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux anciens combattants.
M. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le député, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. Larcher, retenu par une obligation, qui m'a demandé de vous apporter les réponses que vous souhaitez.
L'ANPE est présente à Mayotte depuis 2004. Dans un premier temps, un cadre de l'établissement, installé dans les locaux de la direction départementale du travail et de l'emploi, a étudié le marché local de l'emploi afin de préparer l'implantation de l'établissement à Mayotte. Le Gouvernement est en effet conscient de la situation particulière de ce territoire en matière d'emploi. Les résultats de cette étude ont montré que l'ANPE devait d'abord trouver sa place dans le contexte particulier mahorais et que seule une évaluation sérieuse permettrait d'apprécier le juste périmètre de son organisation locale et d'évaluer la graduation de cette évolution.
Le choix a donc été fait d'ouvrir, le 5 décembre 2005, en présence du directeur général, une unité de plein exercice. Cette unité bénéficie de l'autonomie opérationnelle, dispose de ses propres locaux et compte aujourd'hui cinq conseillers, placés sous l'autorité d'un directeur d'agence. La proximité de la délégation départementale de la Réunion a permis de lui apporter instantanément l'appui logistique et les ressources nécessaires à son fonctionnement. En effet, il n'était pas envisageable de mettre en oeuvre l'ensemble des fonctions telles que la maintenance informatique, la gestion financière ou les services de ressources humaines dans un délai très court.
L'unité mahoraise, implantée à Mamoudzou, remplit aujourd'hui correctement sa mission et démontre sa capacité d'intervention, tant auprès des demandeurs d'emploi que des employeurs de l'île. Le préfet de Mayotte a d'ailleurs souligné son dynamisme dans une note du 19 avril dernier, qualifiant cette unité d'opérateur incontournable du marché de l'emploi local. Nous faisons en sorte de privilégier tout ce qui peut résoudre le problème du chômage, lequel est insupportable.
Il s'agit bien d'une première étape vers la création d'une ANPE de Mayotte. Elle donnera lieu à une évaluation après une période suffisante de fonctionnement et, bien évidemment, à un réajustement de sa configuration et des moyens affectés si nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Mansour Kamardine.
M. Mansour Kamardine. Cette réponse me laisse un peu sur ma faim. En effet, le décret du 19 mars 2004 dispose que la délégation de l'Agence nationale pour l'emploi de Mayotte est dirigée par un délégué nommé par le directeur général de l'Agence nationale pour l'emploi et placé sous son autorité, et que le délégué est assisté dans l'exercice de ses missions par le comité de l'Agence nationale. Or, deux ans après la création de l'agence, ce comité n'est toujours pas en place.
Par ailleurs, aux termes du même décret, le directeur de l'agence rend compte aux ministres chargés de l'emploi et de l'outre-mer des activités du service, communique chaque mois aux ministres chargés de l'emploi et de l'outre mer les éléments permettant l'établissement des statistiques. Rien de tout cela n'est fait, et pour cause : l'agence manque cruellement de moyens de fonctionnement. Dès le 5 décembre, lors de l'inauguration, le préfet et moi l'avions dit au directeur général de l'ANPE. Aujourd'hui, nous ne disposons d'aucune statistique et nous n'avons pas de réponse à apporter à des gens qui souffrent de ne pouvoir travailler.
On nous parle de l'autonomie de l'agence, mais le chef d'agence est obligé de demander l'autorisation au délégué de la Réunion pour acheter une enveloppe. Est-ce cela l'appui logistique et l'autonomie dont on parle ? Manifestement, le diagnostic des besoins de l'agence - que l'on a pourtant pris le temps d'établir - a sous-évalué ces besoins.
Je demande donc instamment que des mesures soient prises pour favoriser le plein exercice et la pleine intégration de cette agence, qui est au coeur des besoins de la collectivité départementale de Mayotte en matière d'emploi. La philosophie du Gouvernement que j'ai l'honneur de soutenir n'est-elle pas de refuser l'assistanat et de tout mettre en oeuvre pour que les gens travaillent ?

Données clés

Auteur : M. Mansour Kamardine

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : emploi, cohésion sociale et logement

Ministère répondant : emploi, cohésion sociale et logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 juin 2006

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