bateaux de pêche
Question de :
M. Louis Guédon
Vendée (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Louis Guédon désire attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur la situation difficile des ramendeuses de filets de l'Ile-d'Yeu. Le règlement européen n° 1239/98 du 8 juin 1998 interdisant les filets maillants dérivants a très largement et très durablement menacé l'économie islaise, tournée essentiellement vers la pêche. Si les marins-pêcheurs ont pu bénéficier de mesures compensatoires, il n'en est rien des femmes ramendant les filets de pêche. Pleinement associées à l'entreprise de pêche, elles en étaient un des éléments essentiels. Aujourd'hui, la quarantaine de femmes frappées de plein fouet par l'interdiction se retrouvent totalement démunies ; aucune mesure financière, aucune aide à la reconversion n'a été prévue. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer les propositions qu'il compte faire et les mesures qu'il compte prendre afin de permettre à ces femmes de bénéficier d'une légitime indemnisation pour perte d'emploi et des moyens nécessaires pour réussir leur reconversion.
Réponse en séance, et publiée le 5 mars 2003
SITUATION DES RAMENDEUSES DE FILETS DE PÊCHE
DE L'ÎLE D'YEU
M. le président. La parole est à M. Louis Guédon, pour exposer sa question, n° 169, relative à la situation des ramendeuses de filets de pêche de l'île d'Yeu.
M. Louis Guédon. Monsieur le ministre de l'agriculture, l'interdiction des filets maillants dérivants par le règlement européen du 8 juin 1998 modifiant le règlement du 29 avril 1997 a très brutalement rompu l'équilibre économique de l'île d'Yeu. Cette île est en effet l'une des rares sur la côte atlantique à avoir su, jusqu'à aujourd'hui, conserver son activité traditionnelle de pêche.
La fin des filets maillants dérivants a opéré une fracture dans cette tradition. Nombre de marins ont dû arrêter leur activité ; d'autres ont pu se reconvertir. Toutefois, la plupart ont pu bénéficier des aides européennes en raison du préjudice causé par ce règlement. Par décision du Conseil européen en date du 17 décembre 1998, il a pu être dérogé aux critères d'éligibilité de l'instrument financier d'orientation de la pêche, l'IFOP, afin que les Etats membres puissent établir des plans de reconversion.
L'économie des navires fileyeurs profitait à deux types d'emploi : ceux des équipages, tout d'abord, qui ont bénéficié des mesures que je viens de rappeler - c'était une question de justice ; mais également des emplois d'autant plus méritants qu'ils sont restés dans l'ombre, ceux des femmes dénommées « ramendeuses », qui avaient pour tâche de fabriquer, de réparer ou de préparer les engins de pêche, les filets, objet d'autant plus de soins qu'ils étaient particulièrement fragiles. Ces femmes, au nombre d'une quarantaine aujourd'hui, faisaient partie intégrante de l'entreprise de pêche. L'excellence de leur travail a permis aux pêcheurs insulaires de bénéficier d'outils performants, gage d'une pêche de qualité. Je rappelle que le port de L'Ile-d'Yeu était le premier port thonier français.
En raison de la reconversion des pêcheurs vers des pêches à la senne ou à la palangre, ces femmes ont perdu leur emploi sans qu'aucune indemnisation ne vienne compenser le préjudice financier et moral causé par le règlement du 8 juin 1998. Plus résistants en effet, ces nouveaux engins, les sennes et les palangres, n'exigent pas le même soin que les filets utilisés avant 2001.
Le désarroi de ces femmes et le préjudice qu'elles ont subi sont d'autant plus grands qu'il n'existe sur l'île que peu de possibilités de reconversion. La pêche est en effet une mono-activité économique, et le tourisme reste à un stade très artisanal et ne permet pas de créer des emplois permanents.
Une mesure de justice sociale élémentaire voudrait pourtant qu'elles puissent, en leur qualité de membres actifs d'une entreprise de pêche - en fait, elles appartenaient à l'équipage, même si elles restaient à terre - bénéficier d'une juste indemnisation.
La direction générale de la pêche de Bruxelles, si elle a considéré que ces femmes ne pouvaient pas bénéficier des indemnisations consenties aux marins pêcheurs, n'en a pas moins reconnu le bien-fondé de leur requête. Toutefois, monsieur le ministre, il ne semble pas exister de fonds susceptibles d'être actionnés pour leur venir en aide. En effet, ni l'IFOP, ni le fonds social européen, le FSE, ne peuvent en l'état actuel de la législation être employés.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de prendre cette demande en considération et de bien vouloir nous faire connaître les mesures de réparation, justes et attendues que vous comptez prendre pour permettre à ces femmes de bénéficier d'une équitable compensation pour le préjudice subi. N'est-il pas nécessaire de mettre en place les conditions acceptables leur permettant de préparer sereinement leur reconversion ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, comme vous l'avez rappelé, il est interdit, depuis le 1er janvier 2002, d'utiliser les filets maillants dérivants pour pêcher certaines espèces, notamment le thon germon. Or, je ne l'ignore pas, cette pêcherie était emblématique de l'île d'Yeu.
Conformément aux dispositions de la décision du Conseil du 14 décembre 1998, seuls les propriétaires de navires et les marins-pêcheurs qui avaient pratiqué la pêche au filet maillant dérivant en 1995, en 1996 ou en 1997 ont été indemnisés par le versement d'une prime forfaitaire individuelle, modulée selon le degré du préjudice subi, dont je tiens les montants à votre disposition. L'opération d'indemnisation de ces bénéficiaires, identifiés par cette décision du Conseil, s'est achevée à la fin du mois d'avril de l'année dernière.
Comme vous le soulignez, cette opération a suscité des demandes reconventionnelles de la part de personnes qui s'estimaient également lésées par l'interdiction du filet maillant dérivant, parmi lesquelles les femmes qui réparaient les filets de pêche, les remailleuses ou ramendeuses, au nombre d'une quarantaine, toutes basées à l'île d'Yeu. Ce travail représentait environ 50 % de leur activité globale.
Mes services ont saisi en avril dernier la direction générale de la pêche de la Commission européenne du cas de ces remailleuses de filets maillants dérivants. Il est apparu que leur demande pouvait être satisfaite dans le cadre d'une action collective, mise en oeuvre par les professionnels dans le domaine de la formation, et financée par l'IFOP.
Cependant, cette possibilité s'est révélée inadaptée à la situation insulaire de ces femmes, qui ne souhaitaient pas, pour des raisons familiales compréhensibles, quitter l'île d'Yeu.
Par ailleurs, il était nécessaire de prendre en compte les débouchés restreints de l'île en termes de diversification économique au-delà de la pêche.
La solution faisant appel à l'IFOP ne correspondant pas aux attentes des demandeurs, seule une option privilégiant un traitement au cas par cas pouvait donc être envisagée.
Dans cette hypothèse, le financement devait être recherché en dehors des possibilités offertes par le budget du ministère chargé de la pêche. C'est pourquoi j'ai pris contact avec mon collègue François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, afin qu'une solution adaptée à la situation particulière de ces femmes puisse être trouvée.
Un travail conjoint a été engagé par la direction départementale des affaires maritimes et par l'Agence nationale pour l'emploi de chalands. Chaque remailleuse a été reçue personnellement afin d'examiner les conditions de son inscription en qualité de demandeur d'emploi et de déterminer le contenu d'une formation rémunérée permettant de valoriser son expérience professionnelle.
Avec mon collègue chargé des affaires sociales, je mobilise tous les moyens disponibles pour faire face aux difficultés particulières créées à l'île d'Yeu par cette norme européenne. Ensemble, nous souhaitons que les solutions les plus pragmatiques et les plus utiles puissent être rapidement trouvées.
M. le président. La parole est à M. Louis Guédon.
M. Louis Guédon. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse.
Je sais que vous avez parfaitement conscience de la gravité de la situation de ces femmes qui vivent dans un cadre insulaire et qui ne peuvent se reconvertir sur le continent.
Comme tous les gens de la côte, je connais aussi votre action récente - et je vous ai remercié à l'époque pour cela - afin de tenter de sauver les pêcheries du littoral atlantique face aux décisions européennes et, en particulier, à celles de M. Fischler qui sont assez incompréhensibles.
Je rappelle que l'île d'Yeu était la seule île de l'Atlantique qui avait su garder une activité maritime, alors que toutes les autres îles ont maintenant une activité diversifiée, et que c'était le premier port français thonier. Il ne faut pas que tous ces gens qui ont oeuvré avec foi et courage pour l'aménagement du territoire soient pénalisés par une décision qui ne nous appartient pas, puisqu'elle est européenne, et subissent celle-ci de plein fouet. Je prends bonne note, monsieur le ministre, que vous-même et le ministre des affaires sociales avez pris ce dossier à coeur et tenter de lui trouver une issue favorable. Je forme des voeux pour qu'il en soit ainsi et que des solutions soient trouvées qui puissent redonner espoir à ces familles de l'île d'Yeu.
Auteur : M. Louis Guédon
Type de question : Question orale
Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 mars 2003