permis de conduire
Question de :
Mme Pascale Gruny
Aisne (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Mme Pascale Gruny attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur le dispositif du permis aménagé, dit « permis blanc ». La lutte contre la violence routière est un grand chantier du Président de la République et chacun peut mesurer les effets positifs des mesures récentes prises par le Gouvernement. Ainsi, afin d'établir la certitude de la sanction pour le délinquant et limiter les risques de réitération, la loi a supprimé la possibilité pour le juge d'accorder un permis blanc pour les délits routiers les plus graves. Il s'avère toutefois que l'application systématique de cette sanction est problématique. En effet, le retrait du permis de conduire est bien souvent synonyme de perte d'emploi pour les intéressés. Il pense notamment aux professionnels de la route dont l'emploi est alors menacé. Or, le département de l'Aisne souffre aujourd'hui d'une situation socio-économique difficile. De plus, les territoires ruraux comme le département axonais sont fortement pénalisés par l'absence d'octroi de permis aménagé, en raison notamment de la faiblesse du réseau de transports publics. De même, une autre forme de délinquance routière tend alors à se développer, dont on ne parle pas assez : la conduite sans permis. L'éventuelle réhabilitation du permis aménagé sous le contrôle du juge exclurait bien sûr les conducteurs condamnés pour de lourdes infractions, comme la conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou sous l'emprise de stupéfiants, et les délits de grand excès de vitesse. Eu égard à l'intérêt que représente l'autorisation d'un permis aménagé dans certains cas, il lui demande de lui indiquer si cette mesure, assortie des conditions précédemment citées, pourrait être à nouveau envisagée en France.
Réponse en séance, et publiée le 28 juin 2006
PERSPECTIVES DE RETABLISSEMENT
DU PERMIS DE CONDUIRE BLANC
Mme Pascale Gruny. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le dispositif du permis aménagé, dit " permis blanc ". La lutte contre la violence routière est un grand chantier du Président de la République, et chacun peut mesurer les effets positifs des mesures prises récemment par le Gouvernement dans ce domaine.
Afin de rendre la sanction certaine pour le délinquant et de limiter les risques de réitération, la loi a supprimé la possibilité pour le juge d'accorder un permis blanc pour les délits routiers les plus graves. Toutefois, l'application systématique de cette sanction est problématique. En effet, le retrait du permis de conduire est bien souvent synonyme de perte d'emploi pour les intéressés, notamment les professionnels de la route.
Le département de l'Aisne souffre aujourd'hui d'une situation socio-économique difficile et, comme dans tous les territoires ruraux, son réseau de transports publics est peu développé, ce qui rend très pénalisante l'impossibilité d'obtenir un permis aménagé. En outre, celle-ci est à l'origine d'une autre forme de délinquance routière, qui tend à se développer et dont on ne parle pas assez : la conduite sans permis.
L'éventuelle réhabilitation du permis aménagé sous le contrôle du juge exclurait bien entendu les conducteurs condamnés pour de lourdes infractions, comme la conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou sous l'emprise de stupéfiants et les délits de grand excès de vitesse. Eu égard à l'intérêt que représente l'autorisation d'un permis aménagé dans certains cas, pourriez-vous indiquer à la représentation nationale si cette mesure, assortie des conditions précédemment citées, pourrait être à nouveau envisagée en France ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame Gruny, le Gouvernement est conscient des difficultés rencontrées par les conducteurs sanctionnés dans leur activité professionnelle et, plus généralement, dans leurs déplacements. Mais, depuis quatre ans, nos résultats - 8 000 vies sauvées et 100 000 blessés évités - ont été essentiellement obtenus grâce à un meilleur respect des règles et à une exemplarité des sanctions, que le Gouvernement et les associations avaient appelés de leurs voeux.
Le " permis blanc " a donné lieu, par le passé, à de nombreux abus et cette pratique nuisait à la crédibilité de la peine de suspension du permis de conduire pour les délits routiers. C'est la raison pour laquelle la loi du 12 juin 2003 a supprimé cette pratique pour les délits routiers les plus graves et mettant en danger la vie d'autrui. Ainsi, l'aménagement des peines de suspension du permis de conduire prononcées à titre principal ou complémentaire n'est plus possible en cas d'homicide et de blessures involontaires, de mise en danger de la vie d'autrui, de délit de fuite, de conduite malgré la suspension ou la rétention du permis de conduire, de conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou de stupéfiants, de refus de se soumettre aux vérifications en matière d'alcool ou de stupéfiants, de conduite sans assurance et de dépassement de la vitesse maximale autorisée de 50 kilomètres/heure ou plus.
Compte tenu des bons résultats obtenus ces quatre dernières années et des graves conséquences pour la sécurité de tous les usagers de la route que peuvent entraîner ces infractions, il n'apparaît pas opportun de modifier la réglementation existante ou d'envisager un nouvel aménagement. Cette réglementation est, certes, sévère - dans mon propre département, de nombreuses personnes se plaignent de ne plus pouvoir exercer leur activité parce que leur permis de conduire a été suspendu -, mais je crains, si nous baissons la garde, que les statistiques ne se dégradent et que les morts et les blessés ne soient plus nombreux.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Si je vous ai bien compris, un permis blanc devrait pouvoir être encore accordé à des personnes qui n'auraient pas commis de délits graves, tels que le dépassement de plus de 50 kilomètres/heure de la vitesse autorisée. Or, actuellement, aucun permis blanc n'est accordé. Si je vous ai interrogé sur ce sujet, c'est parce que le commissaire de police de Saint-Quentin m'a informée que des personnes de plus en plus nombreuses roulaient sans permis, de peur de perdre leur emploi. Je me suis ainsi aperçue, la semaine dernière, que l'un des chauffeurs de l'entreprise de transports dans laquelle je continue à avoir une activité avait travaillé pendant neuf mois sans permis de conduire à notre insu : il avait simplement déclaré avoir perdu celui-ci.
S'il faut bien entendu durcir les sanctions en cas de délit grave, le juge doit pouvoir apprécier la situation de la personne qui a commis un petit délit. Si vous avez roulé à 56 kilomètres/heure au lieu de 50 kilomètres/heure, vous perdez un point. À ce compte-là, un jeune peut rapidement perdre son permis - qui ne compte que six points - et se retrouver sans emploi.
Mme Christine Boutin. Absolument !
Mme Pascale Gruny. Dans ma circonscription, je suis connue pour ma sévérité en matière de sécurité routière, mais la répression à tout prix a ses limites.
M. Jacques Remiller. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame Gruny, Dominique Perben sera très attentif à vos propos, dont je me ferai l'interprète auprès de lui. Néanmoins, entre la suspension du permis de conduire et la perte de vies humaines, je n'hésite pas une seconde. Il nous faut peut-être faire preuve de plus d'imagination, mais les sanctions ont été un élément dissuasif très important et ont permis de sauver de nombreuses vies humaines. On ne peut donc renouer avec un laxisme qui a causé beaucoup de dégâts dans les familles.
Auteur : Mme Pascale Gruny
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité routière
Ministère interrogé : intérieur et aménagement du territoire
Ministère répondant : transports, équipement, tourisme et mer
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 27 juin 2006