Question orale n° 1716 :
mutualité sociale agricole

12e Législature

Question de : M. Arnaud Montebourg
Saône-et-Loire (6e circonscription) - Socialiste

M. Arnaud Montebourg appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les vives inquiétudes des agriculteurs quant à l'avenir de leur régime social. Dès sa mise en place au 1er janvier 2005, le fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA) présentait un déficit cumulé de 3,2 milliards d'euros, hérité du BAPSA (budget annexe des prestations sociales agricoles). Dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2005, l'État, considéré par la Cour des comptes comme le débiteur de cette dette transmise au FFIPSA, l'a partiellement reconnue et un apurement d'une partie de la dette de trésorerie contractée par la caisse centrale MSA a pu intervenir pour un montant de 2,5 milliards d'euros. Alors que le FFIPSA présente à nouveau un déficit pour l'année 2005 de l'ordre de 1,4 milliard d'euros, les assurés s'inquiètent de l'avenir de leur système. Ce sont plus de 6 milliards d'euros qu'il est nécessaire de trouver afin de garantir l'avenir du système social agricole, à l'heure où les transferts de charges vers la CADES ne sont plus envisageables et où le fonds de solidarité vieillesse présente également un déficit cumulé de plus de 3,7 milliards d'euros. Il lui demande quelles mesures il envisage de prendre à cet égard.

Réponse en séance, et publiée le 30 novembre 2006

FINANCEMENT DU REGIME SOCIAL AGRICOLE

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour exposer sa question, n° 1716.
M. Arnaud Montebourg. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, je crois que votre attention a déjà été appelée à plusieurs reprises sur les vives inquiétudes que ne manque pas de susciter, plus particulièrement dans le milieu agricole, l'examen au Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Jusqu'en 2004, le régime des non-salariés agricoles bénéficiait d'une subvention de l'État, destinée à équilibrer le budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, qui a disparu depuis pour être remplacé par le FFIPSA. À la clôture de l'exercice pour 2001, le BAPSA ne présentait aucun besoin de financement supplémentaire. Les contributions publiques au travers des diverses taxes - TVA, alcool, tabacs, contribution sociale des sociétés - et la compensation démographique permettaient d'équilibrer le régime. Fin 2002, alors que les contributions professionnelles des agriculteurs avaient augmenté de 4 %, le BAPSA accusait une diminution des concours publics de plus de 3 milliards d'euros, nécessitant de nouvelles recettes à hauteur de 3,1 %. À la fin de l'année 2005, le FFIPSA accusait un déficit de 1,4 milliard d'euros, soit un besoin de financement supplémentaire de 8,9 %, tandis que les concours publics reculaient de 2,5 % entre 2004 et 2005. Nous avons pu voir, à l'occasion de l'examen du PLFSS pour 2007, que les estimations pour l'année 2006 font ressortir un nouveau déficit de 1,9 milliard et que, en 2007, les prévisions du ministère font état d'un déficit attendu de 2,1 milliards.
Si le Gouvernement a souhaité apurer partiellement la dette du FFIPSA par le versement d'une subvention de 2,5 milliards d'euros, il apparaît de moins en moins probable que le régime social agricole puisse s'équilibrer de lui-même. Ainsi, il aura à faire face, à la fin de l'année 2007, à une dette de quelque 6,1 milliards d'euros - c'est à-dire à peu près le budget du ministère -, dans l'hypothèse où les prévisions du Gouvernement n'auront pas été exagérément optimistes. Si l'État s'engage, d'année en année, à assumer ses responsabilités vis-à-vis des agriculteurs, il ne livre pourtant à la représentation nationale aucune des mesures qu'il entend prendre pour y parvenir. Le seul outil mis à la disposition de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, gestionnaire du FFIPSA, est l'autorisation de recourir à un emprunt de trésorerie auprès du consortium, CALYON - qui, je crois, est en rapport avec le Crédit agricole -, dans la limite du plafond fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, à savoir 7,1 milliards d'euros. La seule réponse est donc l'endettement, qui, nous le savons, bride les marges de manoeuvre ultérieures. Cette possibilité d'un emprunt de trésorerie permet à la Caisse de garantir le versement des prestations auxquelles ses assurés ont droit, mais elle ne règle en rien le fond du problème.
Le président de la MSA, Gérard Pelhate, a exprimé son inquiétude face au désengagement de l'État. Le syndicat majoritaire, la FNSEA, est tout aussi inquiet, estimant que la situation est intenable et des plus préoccupantes pour l'avenir du régime. Vous avez expliqué dernièrement au président de la MSA qu'il se trompait. Le comité de surveillance du FFIPSA, présidé par notre collègue UMP Yves Censi, a pourtant lui-même déploré un " manque total de perspectives " et a proposé le recours à un emprunt.
Pas de perspective, explosion de la dette. Qu'allez-vous faire, monsieur le ministre ? Il serait utile que, devant la représentation nationale, votre parole étant entendue par tous ceux que ces questions concernent, vous puissiez répondre clairement aux inquiétudes de nombre de nos concitoyens touchés par cette situation qui, vous en conviendrez avec nous, ne saurait être pérenne. Cette situation ne peut pas durer ! Comment allons-nous éviter la faillite du régime de protection sociale des exploitants agricoles, dont le mode de financement ne peut durablement reposer sur des emprunts alors que les déficits récurrents qu'il connaît sont désormais reconnus par tous comme structurels ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, je vous remercie beaucoup d'avoir posé cette question en prenant un ton très modéré et en expliquant les choses de manière très pédagogique. Je n'ai rien à ajouter à votre démonstration, si ce n'est que, en effet, nous devons trouver des solutions au problème.
Je reprends le fil de votre argumentation. Nous avions le BAPSA, la LOLF l'a fait disparaître. Nous avons donc mis en place le nouveau système, le FFIPSA, qui reprend la dette du BAPSA, le déficit total devant atteindre, en cumulé, 6 milliards fin 2007, la reprise de dettes opérée l'an passé - vous l'avez signalé - de 2,5 milliards d'euros dans le cadre du projet de loi de finances rectificative ayant contribué à limiter cette situation.
Ce déficit n'est aucunement lié à une mauvaise gestion du régime - nous connaissons tous, dans nos départements, la Mutualité sociale agricole, nous savons que cet organisme est sérieux et gère bien le système - et ne résulte pas non plus d'une dérive incontrôlée des dépenses. On pourrait en effet penser qu'il y a beaucoup de dépenses de médicaments, de consultations, de chirurgie ; ce n'est pas le cas. Il s'agit d'un déficit structurel tenant à la nouvelle structure des recettes et notamment à la substitution des droits sur le tabac - qui connaissent les problèmes que vous savez - aux recettes de TVA et à la subvention d'équilibre. Le problème du financement pérenne du système est donc structurel.
Il faut, vous l'avez dit, garantir l'avenir du régime de protection sociale. C'est pourquoi une équipe de gens très qualifiés ont travaillé avec la profession agricole et la MSA pour trouver les pistes permettant d'équilibrer de manière pérenne le budget du FFIPSA. Ces pistes sont les suivantes.
Première piste : la modification des paramètres de la compensation démographique pour tenir compte, dans l'assurance maladie, de la structure démographique des consommations médicales des régimes, et, dans l'assurance vieillesse, de la durée moyenne des carrières. Vous imaginez bien que les autres régimes poussent des cris en disant qu'une modification changerait l'équilibre ! Mais c'est une première piste très intéressante.
Deuxième piste : la majoration de la part des droits sur les tabacs affectée au FFIPSA.
Troisième piste : la création d'une recette nouvelle. Cela n'est pas simple, tous les gouvernements ayant toujours cherché à maîtriser la fiscalité pesant sur nos concitoyens.
Monsieur Montebourg, nous travaillons actuellement sur ces pistes, sans avoir fait, à ce jour, le choix qui sera proposé à la représentation nationale, les solutions devant s'inscrire dans les grands équilibres de la protection sociale et des finances publiques.
Je souhaite comme vous une solution pérenne le plus rapidement possible ; sinon, c'est toute la spécificité du mode de protection des agriculteurs qui pourrait être remise en cause. Ce régime étant structurellement déficitaire, certains demanderaient à le changer, à le noyer dans l'ensemble, ce qui serait fort dommage car ce système mutualiste, fondé sur l'engagement personnel des responsables au niveau cantonal, fonctionne bien.
Je reconnais que la situation n'est pas brillante sur le plan de la gestion financière mais, dans l'attente d'une solution pérenne portant sur le déficit structurel et les déficits cumulés, le financement des besoins de trésorerie du FFIPSA sera assuré en 2007 par le recours à des lignes de crédit à court terme contractées auprès d'établissements financiers dans la limite du plafond fixé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Pour conclure, je tiens à dire deux choses. Premièrement, je prends l'engagement devant vous, monsieur Montebourg, de trouver les solutions et dans les meilleurs délais.
M. Arnaud Montebourg. Quels délais ?
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Très vite, monsieur le député ! Nous y travaillons actuellement et je crois que nous avons tous intérêt à trouver une solution.
M. Arnaud Montebourg. Avant les six prochains mois ?
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Tout à fait, car il ne faudrait pas laisser la patate chaude à notre future majorité ou à la future opposition que vous représenterez !
M. Arnaud Montebourg. Ce n'est pas nous qui déciderons !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Ni vous ni moi ! (Sourires.)
Deuxièmement, je tiens à dire que les prestations continuent à être versées normalement aux agriculteurs ; il n'y a pas de problème sur ce point.
Le Président de la République a décidé, comme il l'a annoncé récemment à Clermont-Ferrand, une augmentation importante des petites retraites agricoles au 1er janvier, qui était attendue depuis longtemps par la profession. Si le financement actuel et l'augmentation des retraites sont assurés, le recours à l'emprunt n'est pas satisfaisant. Voilà pourquoi nous devons trouver une solution pérenne très rapidement, et toutes les propositions venant de la majorité comme de l'opposition seront les bienvenues pour nous aider à trouver les bonnes pistes.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.
M. Arnaud Montebourg. Je salue les efforts du ministre de l'agriculture pour trouver une solution pérenne. Qu'il se dépêche ! Nous voudrions savoir sur quelle base le Gouvernement entend sauver la protection sociale agricole, car s'il ne le fait pas, nous aurons, en cas d'alternance, un héritage particulièrement lourd.
Le problème est qu'il y a d'autres questions d'endettement en matière de protection sociale, extrêmement douloureuses. Nous avons appris dernièrement qu'environ 60 milliards d'euros ont été transférés sur le RDS au titre des quatre années de dettes accumulées dans le régime général de la sécurité sociale. La CRDS, qui devait prendre fin en 2012, est reportée jusqu'en 2032 ! Mon fils, né en 2000, aura donc trente-deux ans lorsque les dettes de la législature Raffarin-Villepin auront définitivement été apurées !
L'accumulation des dettes est un problème politique majeur, et je regrette que le Gouvernement actuel, qui donne souvent des leçons de finances publiques à la gauche - laquelle a quand même laissé des régimes en état de fonctionner et, pour la plupart, à peu près équilibrés -, ne soit pas plus avisé dans sa gestion et dans la préparation de l'avenir.

Données clés

Auteur : M. Arnaud Montebourg

Type de question : Question orale

Rubrique : Sécurité sociale

Ministère interrogé : agriculture et pêche

Ministère répondant : agriculture et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 novembre 2006

partager