zonage
Question de :
M. Jacques Le Nay
Morbihan (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jacques Le Nay attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur la création de zones franches rurales. Compte tenu des graves difficultés rencontrées dans certaines zones rurales défavorisées sur le plan géographique, économique et social, il souhaite l'interroger pour savoir si, dans le cadre du projet de loi sur le développement des territoires ruraux en cours d'élaboration, il entend créer des zones franches en milieu rural s'appuyant sur l'exemple des zones franches urbaines. II apparaît en effet que ces zones aient constitué au cours de ces dernières années un « effet de levier » indéniable, comme le souligne le rapport du Sénat intitulé « les zones franches urbaines : un succès et une espérance ». Dès lors, il convient de s'interroger sur la transposition aux zones rurales des conditions et des moyens inhérents à un tel dispositif. Il pense tout particulièrement à la zone « défavorisée » du Centre-Ouest Bretagne qui comprend les cantons morbihannais de Gourin, du Faouet et de Guéméné-sur-Scorff regroupés au sein de la communauté de communes du pays du roi Morvan. Ce territoire souffre d'une désertification progressive que les actions locales, pourtant nombreuses tant notamment de la part des élus, des responsables associatifs, des chefs d'entreprises et des agriculteurs, ne semblent pouvoir enrayer. Aussi, il est vital pour ce secteur géographique de lui donner les moyens et les conditions pour le rendre plus attractif, notamment sur le plan économique. Seuls des dispositifs volontaristes au niveau de la création, de l'implantation d'entreprises nouvelles permettront de revitaliser ces communes tels que des exonérations incitatives sur l'impôt sur les sociétés et sur la taxe professionnelle. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il lui demande s'il est dans les intentions du Gouvernement de procéder à la création de véritables zones franches au niveau rural à l'image des zones franches urbaines et si, dans l'affirmative, le cas spécifique de la zone du Centre-Ouest Bretagne pourrait s'intégrer dans un tel dispositif.
Réponse en séance, et publiée le 5 mars 2003
POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
DANS LES ZONES RURALES
M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour exposer sa question, n° 172, relative à la politique d'aménagement du territoire dans les zones rurales.
M. Jacques Le Nay. Monsieur le ministre de l'agriculture, alors que vous élaborez le projet de loi du Gouvernement sur le développement des territoires ruraux, je souhaiterais connaître vos intentions sur les moyens que vous comptez mettre en place pour revitaliser les zones les plus fragiles du monde rural.
Des zones franches urbaines créées par la loi du 14 novembre 1996 viennent de se voir conforter dans leur principe par l'annonce de la création de quarante et une nouvelles zones. Les quarante-quatre zones existantes ont, en effet, montré la pertinence et l'efficacité de leur dispositif.
Ce qui est bon pour certaines zones fragiles des agglomérations ne le serait-il pas pour des zones fragiles situées en milieu rural ?
J'ai à l'esprit dans ma région la zone la plus défavorisée du centre de la Bretagne, dont font partie les cantons de Gourin, du Faouët et de Guémené-sur-Scorff. Ces cantons souffrent d'une désertification lente mais inexorable que les initiatives menées par les acteurs économiques locaux et les élus ne semblent pouvoir enrayer.
Un dispositif similaire à celui mis en place dans les zones franches urbaines permettrait, à mon sens, de redynamiser ces secteurs et d'inverser la courbe démographique afin de répondre à un véritable souci d'aménagement du territoire.
Lors de notre déplacement à Bruxelles, jeudi dernier, avec les membres des délégations à l'aménagement du territoire du Sénat et de l'Assemblée nationale, nous avons interrogé les services de la Commission européenne et le commissaire Michel Barnier sur la gestion actuelle des fonds au niveau européen et sur les perspectives de réforme de la politique régionale européenne.
D'ici à 2006, l'enveloppe qu'il espère proposer sera répartie par l'Europe entre les Etats membres en fonction des spécificités territoriales pour des actions de politique communautaire. Certes, les régions auront une grande latitude dans le choix des actions à soutenir, mais la mobilisation des fonds communautaires n'aura toute son efficacité que si elle s'accompagne, de la part de l'Etat, de conditions particulières encouragées par des mécanismes d'exonération ou d'allégement de charges.
J'ai personnellement interrogé le commissaire Michel Barnier sur les conditions à remplir, au niveau européen, pour obtenir l'autorisation de créer une zone franche. Il m'a répondu que cette décision appartenait aux Etats membres, et que la Commission n'avait pas à faire d'arbitrages. Mettant en garde contre les effets de concurrence, il a cependant précisé que le dispositif des zones franches pouvait être pertinent et efficace pour le maintien du tissu économique des PME et des PMI et le développement des activités commerciales et artisanales.
Aussi, monsieur le ministre, envisagez-vous, dans votre prochaine loi, en cours d'élaboration, de créer des zones franches rurales ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Comme vous le savez, monsieur le député, l'espace rural a subi un fort recul au cours du xxe siècle et les agglomérations urbaines concentrent aujourd'hui 80 % de la population. L'évolution démographique favorable d'un nombre croissant de communes rurales constitue une occasion importante de renouveau et de développement des territoires ruraux, mais cet espace rural est confronté à des évolutions contrastées, selon que l'on se situe en zone périurbaine, en zone rurale en développement, en zone rurale isolée ou intermédiaire.
Les politiques nationales, trop souvent sectorielles et cloisonnées, n'ont pas suffisamment pris en compte, ces dernières années, les conséquences de telles évolutions. Les régions, les départements et les communes, désormais souvent regroupées en communautés de communes, ont mis en oeuvre des politiques de développement des territoires ruraux, sans toujours trouver, dans les dispositifs nationaux ou européens, l'accompagnement souhaitable.
Le moment est donc venu pour l'Etat de définir une politique nouvelle en faveur du monde rural. Cette politique doit reposer sur la recherche d'une articulation plus efficace entre les échelons européen, national et local. Il y va de l'équilibre de notre pays et de sa cohésion.
L'année dernière, dans un très important discours à Ussel, le Président de la République a estimé que le monde rural avait été oublié depuis bien longtemps dans les politiques d'aménagement du territoire. Le Premier ministre m'a confié la préparation d'un projet de loi que le Gouvernement présentera au Parlement, durant le premier semestre de cette année, et qui marquera le lancement d'une politique en faveur du développement des territoires ruraux. Bien évidemment, si j'ai été chargé de la coordination, c'est un projet de loi interministériel, qui associe tous les ministères concernés, et notamment le ministère chargé de l'aménagement du territoire. Ce projet s'efforcera notamment de susciter une nouvelle dynamique économique au profit de ces territoires, reposant sur la création d'activités nouvelles, encouragée au besoin par des mécanismes d'exonération ou d'allégement de charges et par une meilleure mobilisation des fonds communautaires.
Dans cet esprit, le comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire du 13 décembre dernier a demandé que soit évalué le dispositif des zones de revitalisation rurale instauré par la loi du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire. Un parlementaire en mission travaille sur l'ensemble de ces question. C'est à la lumière de cette évaluation et des propositions qui sont faites notamment en ce moment au Parlement que les grands dispositifs de ce projet de loi seront arbitrés par le Gouvernement dans les toutes prochaines semaines.
Vous avez raison d'insister, monsieur le député, sur la création de zones franches rurales, comme pendant des zones franches urbaines. Nul doute que ce sera l'un des sujets les plus importants qui sera examiné lors de l'élaboration de ce texte. Les propositions remontent, les arbitrages doivent être rendus par le Premier ministre. J'espère que ce projet de loi pourra être adopté en conseil des ministres avant l'été et discuté au Parlement avant la fin de cette année.
Nous avons donc, sur ce dossier, beaucoup de travail à faire ensemble, car nous partageons la conviction qu'il est nécessaire de revitaliser et de redynamiser nos territoires ruraux.
Auteur : M. Jacques Le Nay
Type de question : Question orale
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 mars 2003