maladies du bétail
Question de :
M. Jean-Louis Dumont
Meuse (2e circonscription) - Socialiste
M. Jean-Louis Dumont attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences de la crise économique et sanitaire provoquée par la fièvre catarrhale ovine. Le vecteur de transmission de la maladie est un insecte. Les bovins contaminés ne deviennent pas vecteur de la maladie. Cette affection est bénigne, et la qualité de la viande comme du lait n'est pas un cause. Bien que, à compter du 1er décembre, les ruminants originaires des zones de protection peuvent être sous conditions transférées vers des abattoirs, les mesures de restriction des déplacements et les zones de protection sanitaires semblent toujours disproportionnées par rapport à la situation épidémiologique. La Meuse et la Lorraine risquent de connaître un séisme économique dans toute cette filière de première importance. De plus, le fonctionnement et le rôle de l'AFSSA dans de telles crises est à redéfinir, car ses avis sont anonymes et les pouvoirs publics leur confèrent systématiquement force d'obligation. Il lui demande donc d'alléger les mesures de restrictions de mouvement et de renforcer les aides aux agriculteurs.
Réponse en séance, et publiée le 20 décembre 2006
CRISE ECONOMIQUE PROVOQUEE
PAR LA FIEVRE CATARRHALE OVINE
M. Jean-Louis Dumont. Ma région, madame la ministre, est touchée par la fièvre catarrhale ovine, tout comme la vôtre vient de l'être, et M. Dominique Bussereau, s'il n'est pas là ce matin, s'est rendu sur le terrain à plusieurs reprises.
Les mesures prises pour lutter contre ce fléau sont considérées néanmoins comme largement insuffisantes. Surtout, elles ne tiennent pas compte de la réalité de ce qui se passe sur le terrain. En effet, du fait des prescriptions édictées par l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, c'est toute la filière bovine qui est frappée par une grave crise économique, qu'il s'agisse des éleveurs engraisseurs ou des éleveurs sélectionneurs.
Alors que plusieurs centaines de cas de fièvre catarrhale ovine sont signalées en Belgique, en Hollande, en Allemagne, notre pays n'en compte pas plus de six ou sept. De plus, les mesures du phénomène sont très différentes selon les régions. Ainsi, dans mon département, la Meuse, le virus n'a été détecté qu'à l'état de traces sur une vache de réforme : si les mesures avaient été faites quelques heures plus tard, on n'aurait peut-être rien détecté, et aucun cas n'aurait été signalé. Ces quelques traces ont pourtant justifié l'établissement de périmètres interdits et de zones de protection qui ne tiennent pas compte de la réalité du terrain. Nous venons de connaître aujourd'hui les premières gelées, madame la ministre ; de moucheron, aucune trace, dans aucun des pièges mis en place. Cependant, on attend toujours de vraies mesures d'accompagnement.
C'est pourquoi je souhaitais demander au ministre de l'agriculture ce qu'il comptait décider au bénéfice des éleveurs des zones réglementées, et s'il comptait modérer le caractère drastique des mesures applicables dans la zone considérée comme un bouclier sanitaire. Il faut savoir en effet que les exploitants de ces territoires voient leur revenu amputé du fait des complications techniques entraînées par les avis de l'AFSSA et des perturbations que connaissent leurs marchés habituels, alors qu'il y a plus de 5 000 bêtes en surplus par rapport à 2005, sans compter les veaux. Cela signifie un besoin accru en fourrage, voire, au cas où ce dispositif drastique serait maintenu, la construction de nouveaux bâtiments.
Nous souhaitons enfin que les préfectures et les services vétérinaires assurent le respect des nouvelles dérogations annoncées par M. le ministre de l'agriculture, qui ne sont pas aujourd'hui mises en oeuvre de la même façon sur l'ensemble du territoire.
Il s'agit finalement de savoir, madame la ministre, si les avis de l'AFSSA sont des oukases ou des fatwas. Ne devrait-elle pas plutôt définir des protocoles d'intervention afin que les animaux d'exploitations sises en dehors des zones réglementées, voire en dehors de notre département, et qui paissent dans notre département, puissent regagner leur ferme d'origine ?
Telles sont les trois questions que je souhaitais poser à M. Dominique Bussereau.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur Dumont, la confirmation des foyers français de fièvre catarrhale ovine a conduit le Gouvernement à mettre en place des zones réglementées et des mesures sanitaires pour les cheptels infectés. Je connais comme vous les conséquences de cette situation sur le terrain. Des zones de protection et de surveillance ont également été mises en place dans dix-sept départements du Nord-Est de la France.
Pour ce qui est de la fièvre catarrhale ovine, la situation sanitaire est stable en France, avec six foyers. La période hivernale, marquée notamment par la récente baisse des températures, permet de réduire les risques de transmission de la maladie.
L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments - l'AFSSA - a rendu le 14 novembre un avis sur le risque de diffusion de la maladie lors de mouvements d'animaux pour abattage hors des zones réglementées, classant le territoire en deux parties, selon la durée et l'intensité moyenne des conditions hivernales.
Compte tenu de cet avis et du droit communautaire, le ministre de l'agriculture a autorisé quatre nouvelles dérogations aux interdictions de mouvements d'animaux, qui permettent de faciliter davantage la circulation au sein des zones réglementées. Sont ainsi possibles, sous certaines conditions, la sortie des périmètres interdits vers la zone de protection et le passage des zones de protection vers la zone de surveillance, selon des protocoles variant suivant les types d'animaux et leur utilisation.
L'adaptation des mesures sanitaires sera poursuivie, dans le respect du droit communautaire, en fonction de l'évolution de la situation.
J'en viens à votre deuxième question. Sur le plan économique, les difficultés de commercialisation des viandes bovines et ovines provenant des zones réglementées se traduisent par une baisse de prix des animaux maigres, en particulier du broutard, par rapport aux autres régions.
Comme l'a rappelé M. le Premier ministre le 10 novembre dernier en Haute-Saône, le Gouvernement sera aux côtés des éleveurs dans cette crise.
Les éleveurs, et tout particulièrement les éleveurs naisseurs des périmètres interdits, notamment dans votre département de la Meuse, ont subi des pertes en raison de la baisse des cours des veaux de huit jours et des broutards. Les commerçants en bestiaux ont une activité réduite. Les organisations de producteurs, les abattoirs et les entreprises de sélection en génétique subissent des perturbations importantes.
Un premier dispositif d'aide au maintien des veaux et des broutards dans le périmètre de protection a été mis en oeuvre, dès le 2 octobre, avec une enveloppe de 1,5 million d'euros. Il prévoit une indemnisation des pertes pour les éleveurs ayant conservé leurs animaux sur l'exploitation. Les éleveurs peuvent déposer une demande d'aide dans ce cadre jusqu'au 31 décembre prochain.
Le Gouvernement a décidé de compléter ce dispositif par des mesures immédiates de soutien en trésorerie.
D'abord, des reports et des prises en charge de cotisations à la Mutualité sociale agricole et des prises en charge d'intérêts bancaires sont mis en place pour les éleveurs en difficulté dans les dix-sept départements concernés.
Ensuite, les coûts d'analyses, de visites vétérinaires et de tests pour les mouvements d'animaux provenant de périmètres interdits, prévus dans le cadre des dérogations, seront pris en charge. Ils concernent notamment les béliers reproducteurs.
En outre, les coûts de chômage partiel seront pris en compte à 80 % pour les entreprises du secteur.
Enfin, comme l'a annoncé le Premier ministre lors d'un déplacement en Moselle le 7 décembre, les éleveurs des zones réglementées pourront prétendre à une indemnisation des pertes de chiffre d'affaires constatées entre le 1er septembre et le 30 novembre 2006 pour les veaux de huit jours, les broutards, les broutardes et les animaux de race allaitante. Ce soutien spécifique aux éleveurs sera plafonné à 3 000 euros dans le cadre du régime " de minimis ". Il tiendra compte du nombre d'animaux vendus par l'exploitant au cours de cette période. Une enveloppe de 7,5 millions d'euros sera réservée à cette action.
Conscient que le plafond du régime de minimis n'offre pas de solutions satisfaisantes pour permettre l'indemnisation directe des pertes des éleveurs, le ministre de l'agriculture et de la pêche a transmis un mémorandum à la Commission européenne pour que puissent être mises en place des mesures exceptionnelles.
Ce dispositif pourra être adapté en fonction de l'évolution de la situation économique des différents maillons des filières bovine et ovine.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
M. Jean-Louis Dumont. Madame la ministre, vous comprenez, du fait de votre proximité géographique, le drame que vivent les éleveurs. J'ai en main le courrier que m'a adressé l'un d'entre eux, où s'exprime une grande désespérance, et même de la révolte. Certes, des mesures économiques ont été prises, mais elles ne sont pas toujours adaptées à la situation et ne répondent pas toujours aux vrais besoins.
En outre, c'est bien hors des zones réglementées qu'il nous faut donner aux responsables territoriaux proches du terrain les moyens de prendre les mesures les plus adaptées.
L'Union européenne, évoquée dans la réponse du ministre de l'agriculture, est absente. Elle n'a rien fait. Elle n'a pas même réagi lorsque les premiers cas de fièvre catarrhale ovine sont apparus dans les pays que j'ai cités tout à l'heure. Quant à nous, nous payons aujourd'hui au prix fort notre volonté d'être rigoureux.
Au risque de vous choquer, madame la ministre, je dois vous dire que les éleveurs de mon département appellent les agents de l'AFSSA les " Khmers rouges ", car ils vont en bandes anonymes, prennent des mesures qui ne sont pas toujours adaptées, ne répondent pas quand on leur demande de mettre en place des protocoles positifs et en imposent sans cesse de nouveaux toujours plus restrictifs.
Nous comprenons la nécessité de la rigueur en matière sanitaire, car ce n'est pas la première fois que notre agriculture s'attache à obtenir des produits de qualité, dont on connaît l'origine et la composition. Qu'on nous fasse confiance ! On peut certes contrôler, mais il faut aussi mettre en place des protocoles propres à rendre espoir à des professionnels qui voient aujourd'hui leur avenir bouché.
Je souhaite que M. Bussereau et l'ensemble du Gouvernement prennent la pleine mesure de la crise qui nous frappe.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je mesure pleinement, monsieur Dumont, les difficultés que rencontrent les éleveurs, tout comme ils mesurent eux-mêmes, j'en suis certaine, la nécessité des mesures sanitaires.
Il est indispensable que ces mesures fassent l'objet de révisions périodiques, et c'est d'ailleurs ce que demande le ministre de l'agriculture.
Vous comprendrez toutefois que je ne puisse, à titre personnel, accepter qu'on traite de " Khmers rouges " les fonctionnaires de l'AFSSA, ...
M. Jean-Louis Dumont. Ils l'ont montré aussi dans le bassin d'Arcachon !
Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. ...qui travaillent pour la santé de nos concitoyens. C'est la force de notre agriculture que d'avoir toujours fourni des produits de qualité. Je suis certaine qu'une fois encore, nous trouverons ensemble les moyens de sortir de cette crise.
Auteur : M. Jean-Louis Dumont
Type de question : Question orale
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : agriculture et pêche
Ministère répondant : agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 décembre 2006