conditions de travail
Question de :
Mme Sylvie Andrieux
Bouches-du-Rhône (7e circonscription) - Socialiste
Mme Sylvie Andrieux souhaite appeler l'attention de M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes sur la question des conditions de travail des employés dans les centres d'appels téléphoniques. Le secteur du télémarketing compte actuellement 183 000 salariés en France malgré les nombreuses délocalisations (notamment vers le Maghreb) qui touchent le secteur. En 2005, le Gouvernement a encouragé cette tendance en incitant le transfert d'emplois des activités en décroissance ou touchées par les progrès technologiques vers les activités en développement sur le marché du téléphone fixe, des mobiles et de l'internet, marchés fortement demandeurs en termes d'emplois de télémarketeurs. Dans cette perspective, il a présenté un plan d'action afin de promouvoir la création de 100 000 emplois dans ce secteur, en liaison avec M. le ministre délégué à l'industrie. Afin de remédier aux mauvaises conditions de travail de ces travailleurs, souvent confrontés au stress et au non-respect des règles de base du droit du travail, ce plan prévoit la création par la profession d'un label « responsabilité sociale ». Celui-ci aurait pour but de valoriser « les opérateurs du secteur respectant un code de bonne conduite sociale ». Dans ces conditions, elle lui demande de l'informer au plus vite sur le sort réservé au label de responsabilité sociale et les mesures qu'il compte mettre en place afin de garantir de manière effective les droits des travailleurs exerçant dans les centres d'appels, notamment des plus jeunes d'entre eux, très nombreux dans ce secteur.
Réponse en séance, et publiée le 20 décembre 2006
CONDITIONS DE TRAVAIL
DANS LES CENTRES D'APPELS TELEPHONIQUES
Mme Sylvie Andrieux. Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale, ma question, qui s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, porte sur la nécessaire amélioration des conditions de travail dans les centres d'appels téléphoniques, aussi appelés call centers.
Le secteur des centres d'appels est en pleine expansion partout dans le monde. Il compte en France près de 200 000 salariés, auxquels s'ajoutent ceux des plateformes téléphoniques délocalisées au Maroc ou encore au Sénégal afin de bénéficier des salaires à bas coût.
Implantés en interne ou externalisés, ces centres se caractérisent par un rythme de travail intensif et des modes d'organisation rappelant des formes plus anciennes de travail comme la taylorisation. Les employés de ce secteur peuvent être soumis à des conditions de travail astreignantes. Sur le plan physique, les salariés sont exposés à des niveaux sonores élevés et soumis à des contraintes liées à un travail quotidien extensif devant un écran d'ordinateur. Sur le plan mental et émotionnel, ils sont confrontés aux cadences élevées et à l'agressivité de certains clients. Il en découle un turn over de 20 % plus élevé que dans les autres secteurs, mais surtout une dégradation rapide de la santé des employés.
Une récente étude de l'Institut national de recherche et de sécurité, basée sur les manifestations cliniques observées par les médecins du travail, a établi que de nombreux salariés souffrent des syndromes d'une fatigue mentale, allant parfois jusqu'à des symptômes d'épuisement et à la dépression nerveuse.
En 2005, afin de mettre un terme aux polémiques liées aux mauvaises conditions de travail dans les centres d'appels téléphoniques, le ministre de la cohésion sociale a créé un label de responsabilité sociale. Ce label visait à distinguer les opérateurs et sous-traitants respectant un code de bonne conduite sociale. L'intérêt d'une telle mesure résidait dans le soutien d'un secteur dans lequel le Gouvernement prévoyait la création de 100 000 emplois en cinq ans, dans le cadre du programme de développement des services à la personne.
Or, un an après sa mise en place, on constate que, si les principaux employeurs du secteur - France Télécom Orange, Cegetel, Bouygues ou SFR et Neuf Télécom - souhaitent avoir une image socialement responsable, ils ne sont pas candidats au label social. Par ailleurs, s'il permet de redorer le blason des centres d'appels, le label ne répond pas à la précarisation des emplois, auquel il ne s'attaque pas, À titre d'exemple, la proportion des CDI est passée de 75 % à 57 % entre 2003 et 2004. À cette précarité s'ajoute une flexibilité toujours plus importante, notamment horaire, due aux conditions de plus en plus dures imposées par les entreprises donneuses d'ordre aux entreprises sous-traitantes. Contrairement à ce label, une vraie politique sociale aurait donc eu pour objectif d'obliger tous les patrons des centres d'appels à embaucher des CDI à temps plein, à respecter le code du travail, à améliorer véritablement les conditions de travail et à augmenter les salaires.
Dans ces conditions, pourriez-vous, madame la ministre, m'indiquer, au nom du ministre délégué à l'emploi, les mesures que vous comptez prendre afin de créer des normes réglementaires obligatoires et adaptées aux besoins des centres d'appels téléphoniques, réglementation qui, pour le moment, brille par son absence ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la députée, je vous prie d'excuser l'absence de Gérard Larcher et je vais vous communiquer la réponse qu'il a souhaité vous transmettre.
En France, les centres de relation client représentent près de 250 000 emplois, dont 20 % sont assurés par des sociétés spécialistes de la relation client. Ce secteur présente un important potentiel de développement, mais il opère dans un environnement où les risques sociaux et économiques sont forts : délocalisation, pression des donneurs d'ordre sur les prix..., comme vous venez de le rappeler.
Au cours de la dernière décennie, la croissance mal maîtrisée du secteur, la dispersion des centres d'appels, le manque de représentants a favorisé l'émergence de freins qui aujourd'hui handicapent sa croissance. On peut citer entre autres les problèmes d'image et de notoriété auprès du grand public, un déficit de valorisation des métiers, un dispositif de formation initiale peu adapté, et parfois un manque de transparence dans la relation avec les clients, s'agissant notamment de la tarification et de la localisation.
En outre, l'activité des 3 300 centres d'appels qui existent en France est encadrée par plus de 300 conventions collectives différentes. Ce nombre élevé de conventions collectives applicables rend peu lisible et compréhensible la politique sociale et la gestion des ressources humaines de la filière.
Face à ces turbulences et à ces problèmes d'image, la profession s'organise. Je vous confirme qu'elle a mis en place un label de responsabilité sociale qui garantit de bonnes pratiques sociales et de gestion des ressources humaines, ainsi qu'une norme NF de service définissant les critères et les niveaux de qualité de service de la profession.
Parallèlement à cette démarche, le contrat d'étude prospective conclu avec le ministère a permis d'apporter à la profession un outil d'aide à la décision en matière de développement de l'emploi, de gestion des ressources humaines et de développement des compétences et des qualifications. Les conclusions de cette étude, qui viennent d'être rendues, font notamment apparaître que le développement et la sécurisation de la filière supposent le renforcement du dialogue social autour des thèmes suivants : la clarification des métiers, la formation des superviseurs, la sécurisation des parcours professionnels, la création d'un observatoire socio-économique, l'augmentation de la valeur ajoutée, le rééquilibrage des conditions d'exercice de l'activité avec les donneurs d'ordre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Andrieux.
Mme Sylvie Andrieux. Si M. Larcher dresse le même constat que nous s'agissant des conditions de travail et s'il est vrai que le secteur est un gisement extraordinaire d'emplois, notamment pour les jeunes - pour lesquels, au-delà des déclarations d'intention, le chômage continue de s'aggraver - j'aurais préféré une évaluation et des mesures concrètes. Nous restons sur notre faim. Mais les jeunes Français seront seuls juges de l'évolution de leurs conditions de travail.
Auteur : Mme Sylvie Andrieux
Type de question : Question orale
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : emploi, travail et insertion professionnelle des jeunes
Ministère répondant : emploi, travail et insertion professionnelle des jeunes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 décembre 2006