tabaculture
Question de :
M. Jacques Remiller
Isère (8e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jacques Remiller appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'avenir des producteurs de tabac de l'Isère suite à la politique de santé publique actuellement mise en oeuvre visant à réduire significativement la consommation de tabac des Français. Il souhaite connaître les mesures que le Gouvernement envisage de prendre afin de protéger les emplois de cette filière.
Réponse en séance, et publiée le 17 janvier 2007
AVENIR DES PRODUCTEURS DE TABAC EN ISERE
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Remiller, pour exposer sa question, n° 1841, relative à l'avenir des producteurs de tabac en Isère.M. Jacques Remiller. En France, monsieur le ministre de l'agriculture, 3 900 exploitations tabacoles cultivent 8 200 hectares de tabac, soit la cinquième production en Europe. À titre d'exemple, AgriTabac, situé à La Tour-du-Pin en Isère, récolte 2 325 988 kilos de tabac, pour une surface plantée de 805 hectares. Je pourrais citer également, dans la huitième circonscription de l'Isère, Beaurepaire ou Roussillon, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, puisque, il y a un an, quasiment jour pour jour, nous y étions ensemble pour le congrès national des producteurs de fruits.
Le producteur moyen cultive une surface d'un à deux hectares avec, certes, quelques différences selon les régions et les variétés. En termes d'emploi, ce secteur représente 3 900 planteurs, 3 000 conjoints agriculteurs, 30 000 travailleurs saisonniers, occupés souvent jusqu'à six mois par an, dans plus de soixante départements, dont bien évidemment le département de l'Isère.
Aujourd'hui, à juste titre, les pouvoirs publics et les consommateurs s'interrogent sur la sécurité des produits consommés et s'inquiètent des menaces qui pèsent sur la santé et sur l'environnement.
Les planteurs de tabac français se sont donc engagés résolument dans une démarche Agri-Confiance, qui s'applique au produit, à la collecte, à la valorisation, aux contrôles, à la fourniture d'intrants, aux conseils et prestations de services autour de la qualité. Mais Agri-Confiance contient aussi, et c'est très important, un volet vert sur la gestion raisonnée des intrants, des déchets et ressources naturelles - eau, paysage, sol, énergie.
En dépit des efforts accomplis depuis plusieurs années, l'avenir des producteurs de tabac, notamment en Isère, est menacé par la politique de santé publique actuellement mise en oeuvre qui vise à réduire significativement la consommation de tabac des Français. Ainsi, nous mettons en péril de nombreuses entreprises qui ont investi dans cette seule filière.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous rassuriez la représentation nationale, mais aussi tous les producteurs, et que vous nous fassiez connaître les mesures que vous prévoyez de mettre en oeuvre afin de protéger les très nombreux emplois de cette filière.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, vous évoquez l'avenir des producteurs de tabac, dont nous avons parlé ensemble - vous rappeliez ce très beau congrès qui s'est tenu dans votre circonscription, en dépit d'un temps un peu frais...
M. Jacques Remiller. Il y avait en effet beaucoup de neige !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. En effet, mais elle rehaussait la beauté de l'Isère. Mais nous parlons aujourd'hui d'autres volutes blanches, celles de la fumée. (Sourires.) Le Gouvernement mène une politique visant à réduire significativement, pour des raisons de santé publique, la consommation de tabac en France.
Par ailleurs, le secteur de la production de tabac est très important dans l'Isère - c'est une question que M. Quentin et moi-même connaissons bien puisque c'est aussi le cas dans le département dont nous sommes les élus. Ce secteur est assez exemplaire par son organisation, sa stratégie collective et sa capacité à rechercher des solutions innovantes dans un environnement difficile.
Ce secteur a développé son propre modèle d'adaptation aux exigences du marché à travers la production de nouvelles variétés de qualité et la mise en oeuvre de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement. La qualité de la production française de tabac brut français est dorénavant reconnue par nos industriels. J'en veux pour preuve que les prix des tabacs français sont plus élevés que ceux de nos concurrents traditionnels que sont l'Italie ou l'Espagne. D'autre part, la production française représente une part infime des achats des manufactures. C'est pourquoi les mesures de santé publique n'auront que peu de conséquences sur les approvisionnements en matière première française.
Toutefois, conforter la filière tabacole française passe également par une visibilité à moyen terme sur ses débouchés en matière de volumes de tabacs transformés. Ainsi, s'inspirant de l'expérience menée en Italie et en Espagne dans le domaine commercial, une convention pluriannuelle entre l'une des principales manufactures et l'État, fixant des engagements sur les volumes prévisionnels d'achat et la qualité des tabacs produits, est en cours de rédaction. Je souhaite que d'autres manufactures suivent cet exemple.
J'ai d'autre part pleinement conscience que les exploitations tabacoles, petites ou moyennes, où le tabac n'occupe que peu de surfaces, mais procure la majorité du revenu, jouent également un rôle reconnu pour notre territoire et notre économie : la production de tabac assure bien souvent la pérennité des exploitations concernées dans des zones où le tabac ne peut être remplacé par d'autres types de production. Le maintien de ces exploitations tabacoles est synonyme de maintien d'activité et d'emplois.
C'est pour ces raisons que, à l'occasion de la réforme de la PAC, la France s'est battue pour défendre les intérêts des tabaculteurs, en termes d'organisation commune de marché. Aujourd'hui, nous continuons à poursuivre la modernisation de cette filière par des aides aux investissements gérés par Viniflhor et qui restent une priorité pour 2007.
Nous essayons de concilier cette politique nationale de modération pour la consommation avec le maintien de l'activité dans nos exploitations agricoles car c'est une diversification importante. C'est parfois le seul type d'assolement possible, et pour beaucoup d'agriculteurs et de jeunes en particulier, c'est un élément fondamental de l'équilibre économique de leur exploitation. Naturellement, je porterai attention aux exploitations de l'Isère à chaque fois que vous le souhaiterez, monsieur Remiller.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Remiller.
M. Jacques Remiller. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre attention et de votre efficacité. Vous êtes un bon ministre de l'agriculture.
M. Didier Quentin. C'est vrai !
M. Jacques Remiller. Vous le démontrez également en ce qui concerne la production tabacole. Il ne m'appartient pas de critiquer - puisque je les ai partagées en leur temps - les décisions prises par les pouvoirs publics, mais il y a un avant et un après 1er février. Jusqu'à présent, il est vrai, que les exploitations n'ont pas connu trop de difficultés, mais cela commence.
Certains députés, en particulier des départements producteurs, ont pu être choqués de ce que chaque fois que l'on parlait du tabac, il n'ait été question que des débitants de tabac. Mais avant d'arriver dans les bureaux, le tabac doit être produit. Des jeunes, en particulier, dans le cadre des PIDA - programme intégré de développement agricole - de la région Rhône-Alpes ou dans le cadre de la PAC, ont tout investi dans des installations qui coûtent très cher, car c'est souvent la seule culture possible.
Il ne faudrait pas que les mesures prises par les pouvoirs publics condamnent cette filière et mettent en difficulté les nombreux producteurs, non seulement du département de l'Isère, mais aussi d'autres départements - dont le vôtre, monsieur le ministre.
Pour se faire, au nom de l'ensemble des élus concernés et de toute la profession, je réclame votre vigilance - mais je sais que vous le serez. Et puisque le Gouvernement a su trouver des aides pour les débitants de tabac, je crois pouvoir imaginer qu'il saura - lui ou le suivant - aider cette filière si elle est en difficulté.
Je vous prie de m'excuser, madame la présidente, d'avoir été un peu long, mais il s'agit d'une question très importante.
Mme la présidente. Ne vous excusez pas, tous vos collègues ont fait de même ce matin.
Auteur : M. Jacques Remiller
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : agriculture et pêche
Ministère répondant : agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 janvier 2007