Question orale n° 1845 :
contrats de projets État-régions

12e Législature

Question de : M. Jean-Marie Aubron
Moselle (8e circonscription) - Socialiste

M. Jean-Marie Aubron attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur les risques de délocalisation des équipementiers automobiles en Moselle. La Lorraine est une région à tradition industrielle qui a été durement frappée par la récession de ses industries de base comme la sidérurgie, les mines de fer, les houillères ou encore le textile. Cependant, en l'espace de vingt-cinq ans, la Lorraine et tout particulièrement la Moselle se sont forgé une spécialisation dans la construction automobile. Ce secteur est devenu, après la métallurgie, la deuxième activité stratégique pour la Lorraine. Or on constate aujourd'hui que la production automobile et plus encore des sous-traitants comme les équipementiers subissent une très forte concurrence dont les conséquences sont désastreuses pour ces bassins de vie, rendant ce nouveau tissu industriel particulièrement fragile. C'est pourquoi il souhaiterait connaître les intentions de ce Gouvernement quant à la mise en oeuvre d'une véritable politique de développement durable et de revitalisation industrielle en Lorraine notamment, à travers le contrat de projet État-région 2007-2013.

Réponse en séance, et publiée le 31 janvier 2007

POLITIQUE INDUSTRIELLE EN LORRAINE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Aubron, pour exposer sa question, n° 1845.
M. Jean-Marie Aubron. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'industrie et porte sur les risques de délocalisation des équipementiers en Lorraine, tout particulièrement en Moselle.
De crise en crise, la sidérurgie a vu ses effectifs divisés par dix, l'extraction du fer et du charbon a été arrêtée et le textile a été délocalisé. Près de 200 000 emplois se sont volatilisés depuis les années quatre-vingt. Je suis encore plus inquiet pour l'avenir de la sidérurgie lorraine quand je vois la légèreté de la réponse ministérielle suite aux déclarations du PDG d'Arcelor-Mittal France sur un arrêt prématuré de la filière chaude à Hayange.
Cependant, face à cette hémorragie industrielle, la Lorraine s'est reconvertie.
Tout d'abord, par l'implantation d'usines de montage de type " tounevis ", qui sont vite reparties quand l'offre de subventions est devenue plus attrayante ailleurs.
Ensuite, l'équipement automobile est passé de 5 000 emplois en 1960 à 22 000 aujourd'hui. Or on constate que la production automobile et, plus encore, celle des sous-traitants, comme les équipementiers, subissent une très forte concurrence, dont les conséquences sont désastreuses pour ces bassins de vie.
En effet, l'emploi a chuté dans ce secteur de 2,5 % au second trimestre 2006 quand, sur la même période, les exportations ont baissé de 7,7 %.
Ainsi, l'entreprise GKN à Florange, comptant 220 salariés, a fermé ses portes. De nombreuses autres entreprises ont déjà réduit ou vont réduire leur personnel. Je ne citerai que les plus importantes : Varta-Bosch à Sarreguemines, 104 suppressions sur 469 salariés ; Ascoforges à Hagondange, 148 suppressions sur 400 salariés.
Enfin, les syndicats nourrissent des inquiétudes pour TRW à Bouzonville, qui emploie 1 000 salariés, et Pierburg-Kolbenschmidt à Basse Ham, qui en emploie près de 400.
Pour l'État, il est encore temps de susciter une meilleure concertation entre les donneurs d'ordres, à savoir les constructeurs automobiles, et les sous-traitants, afin de promouvoir de véritables accords de partenariat et d'éviter ainsi un vaste mouvement de délocalisations.
Par ailleurs, les Lorrains ont l'impression que l'État n'a plus de politique industrielle dans leur région et qu'un rapide déclin les guette avec la perte de ses capacités industrielles.
Pourtant, située au coeur de l'Europe, la Lorraine a des atouts : une population laborieuse, une longue tradition industrielle, un réel savoir-faire et un réseau d'écoles d'ingénieurs performants.
Cependant, la région souffre de deux maux majeurs : un développement économique trop peu tourné vers les nouvelles technologies porteuses d'avenir et de valeur ajoutée ; une coopération insuffisante entre les industriels et le monde scientifique et universitaire.
Dans ce contexte difficile, il est essentiel que la région Lorraine puisse jouer un rôle moteur en matière de coordination entre les acteurs économiques en s'appuyant sur les contrats de projets. C'est pourquoi l'État doit donner à la région Lorraine les moyens de faire prévaloir l'intérêt général afin de la préparer aux futurs enjeux économiques imposés par la mondialisation des échanges.
II faut affirmer une réelle volonté politique. L'État se doit d'aider la région à anticiper le risque de délocalisation des équipementiers de l'automobile en privilégiant un accroissement de la valeur ajoutée locale par davantage d'investissements dans la formation et la recherche. Cela passe aussi, sans aucun doute, par une mobilisation de tous les acteurs de terrain au-delà des clivages et des rivalités politiques.
Par conséquent, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement quant à la mise en oeuvre d'une véritable politique de développement durable et de revitalisation industrielle en Lorraine.
M. le président. La parole est Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur Aubron, il ne viendrait à l'idée de personne de mettre en cause la productivité et l'efficacité du travail des Lorrains. J'en profite pour rappeler à l'Assemblée que la productivité horaire française est une des plus élevées au sein des pays de l'OCDE.
Vous appelez l'attention du Gouvernement sur les risques de délocalisation des équipementiers automobiles en Moselle et vous nous interrogez notamment sur les actions de revitalisation industrielle en Lorraine qui pourraient être conduites dans les semaines et les mois à venir.
Permettez-moi tout d'abord de dire que le Gouvernement n'est pas resté les bras ballants et qu'il a entrepris de nombreuses actions, au niveau national et régional, pour soutenir la filière automobile, qui connaît actuellement des difficultés de nature structurelle.
Le Premier ministre, Dominique de Villepin, a annoncé le 29 novembre dernier un plan de soutien à la filière avec 400 millions d'euros sur trois ans pour l'innovation et la recherche dans la filière automobile, de 2006 à 2008, des moyens dédiés de l'Agence de l'innovation industrielle à hauteur de 120 millions d'euros cette année, et le doublement du plafond du crédit d'impôt recherche, qui incite les investisseurs à consacrer des fonds à la recherche et au développement dans le secteur automobile. Ce plafond passera à 16 millions d'euros par entreprise.
Par ailleurs, et les opérateurs de la filière l'ont indiqué, lorsqu'ils sont de premier, de deuxième et de troisième rang, les délais de paiement posent un véritable problème aux entreprises dans le secteur de la filière automobile. Sur ce sujet, mon collègue ministre délégué à l'industrie François Loos travaille depuis plus d'un an.
Après la signature d'un code de bonnes pratiques en juillet dernier, la remise du rapport de votre collègue Martial Saddier, député de Haute-Savoie, le 19 décembre dernier préconisant des mesures très concrètes, il avait invité la filière automobile à négocier avant le 15 janvier un raccourcissement des délais de paiement.
Mercredi dernier, François Loos a réuni à Bercy l'ensemble des acteurs de la filière pour signer un accord qui réduit les délais de paiement d'au moins quinze jours et jusqu'à quarante-cinq jours maximum. Très favorable aux PME, et plus largement à l'ensemble de la filière, cet accord très important permettra aux entreprises de dégager plus de ressources pour investir et innover grâce à une trésorerie et à un bilan améliorés.
Cet engagement de l'État se traduit de manière concrète pour notre industrie automobile et pour la Lorraine en particulier.
En tant que ministre déléguée au commerce extérieur, je me félicite des décisions du groupe allemand ThyssenKrupp Presta, prises depuis 2002, pour se développer sur son site mosellan de Florange. Souvenez-vous, en 2003, de l'inauguration de la nouvelle unité d'assemblage de colonnes de direction rétractables dans les anciens bâtiments Daewoo à Fameck. Plus récemment, l'entreprise a annoncé la création de 200 emplois avec plus de 23 millions d'euros d'investissements. Chaque fois, ces développements, ces investissements, ces créations d'emploi ont été menés avec le soutien de l'État et de l'ensemble des collectivités locales, qui collaborent afin de privilégier l'emploi et de permettre le réemploi lorsque cela est nécessaire.
Nous nous félicitons du dialogue qui s'est instauré en Lorraine entre tous les acteurs de la filière automobile. Par exemple, une journée rencontre est organisée demain entre la SOVAB, filiale du groupe Renault, qui prévoit d'investir prochainement 200 millions d'euros à Batilly en Meurthe-et-Moselle et ses fournisseurs. Là aussi, des emplois sont attendus.
Toutefois, le secteur automobile connaît aussi des restructurations et la Lorraine est touchée comme les autres régions, peut-être plus parce qu'elle avait massivement investi dans cette activité.
Dans le cadre du CIACT de mars 2006, le ministre délégué à l'emploi, Gérard Larcher, a décidé de favoriser dans les principales régions automobiles - dont la Lorraine fait partie - la mise en place des mécanismes structurels visant à renforcer l'employabilité des salariés de cette filière et de faciliter les mobilités professionnelles sécurisées internes et externes à la filière.
La Lorraine s'est engagée résolument dans cette démarche avec la constitution d'un annuaire des entreprises de la filière et la désignation d'un " Monsieur automobile ". L'observatoire régional des mutations économiques de Lorraine du 11 juillet dernier a été consacré à la filière automobile. Un consensus s'est dégagé sur la méthode à retenir pour réussir la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences de l'industrie automobile en Lorraine.
Enfin, le Premier ministre a demandé au préfet de région de proposer l'architecture d'une intervention interministérielle déconcentrée qui réponde aux soucis de réactivité et d'adaptabilité aux restructurations lorraines. Ces travaux menés en concertation avec l'ensemble des acteurs locaux donneront lieu à une convention spécifique sur les mutations économiques, en lien étroit avec le contrat de projet 2007-2013. J'espère avoir résumé l'ensemble des actions actuellement en cours et qui d'ores et déjà, pour certaines d'entre elles, donnent des résultats tangibles. Par ailleurs, je vous indique que, au titre de mon action personnelle, l'Agence française pour les investissements internationaux, avec laquelle la région Lorraine est en contact, prospecte en permanence à l'étranger en vue de recruter des investisseurs directs, intéressés par la France, notamment - et je profite de cette tribune pour le redire - par la productivité, le sérieux et le courage des salariés français, notamment ceux de Lorraine.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Aubron.
M. Jean-Marie Aubron. Je ne conteste pas, madame la ministre, qu'un certain nombre d'actions sont engagées, et que vous-même avez beaucoup fait.
Mais force est de constater qu'il n'est pas de semaine sans annonce de licenciements dans le secteur de l'automobile, notamment chez les équipementiers. La Lorraine et la Moselle ont la chance, si je puis dire, d'être à proximité du Luxembourg, où leurs habitants trouvent un emploi. Malheureusement, il leur faut s'expatrier ! J'espère que demain sera meilleur, car les annonces qui ont été faites aujourd'hui ne sont guère rassurantes.

Données clés

Auteur : M. Jean-Marie Aubron

Type de question : Question orale

Rubrique : Aménagement du territoire

Ministère interrogé : industrie

Ministère répondant : industrie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 janvier 2007

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