CHU
Question de :
M. Maxime Gremetz
Somme (1re circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. Maxime Gremetz interroge M. le ministre de la santé et des solidarités à propos de la suppression annoncée de 120 lits et 283 emplois au CHU d'Amiens. Le nouveau CHU n'est pas encore sorti des cartons qu'il fait déjà polémique. Début mai, le conseil d'administration du CHU d'Amiens adoptait un plan de « retour à l'équilibre », qui induisait restrictions budgétaires et baisse des dépenses. Un audit commandé dans la foulée et sur lequel s'appuie la direction du CHU, qui s'insère dans le contexte du projet de nouveau CHU sur un site unique, conduit aujourd'hui à un pas supplémentaire dans cette politique de compression des coûts au détriment de l'emploi et de la qualité des soins. Il lui demande comment il justifie que la construction d'un site unique pour le CHU d'Amiens non seulement réduise mécaniquement l'offre de soins dans le nord d'Amiens, dans les quartiers populaires, mais aussi qu'elle semble servir de justification à la suppression de 283 emplois et de 120 lits, en contradiction avec l'essentiel des promesses faites et des engagements pris au moment de l'adoption du projet.
Réponse en séance, et publiée le 31 janvier 2007
PERSPECTIVES DU CHU D'AMIENS
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour exposer sa question, n° 1867.M. Maxime Gremetz. M Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, j'interviens à propos de la suppression annoncée de 120 lits et 283 emplois au CHU d'Amiens, qu'il me paraît difficile de ne pas lier à la restructuration de l'établissement autour d'un seul site, mais aussi au passage à la tarification à l'acte.
Le nouveau CHU, fruit de la " plus grande restructuration hospitalière en France dans les cinq ans qui viennent " selon les termes du ministère, pose des problèmes énormes aussi bien en matière de coût que de santé publique.
Au mois de mai dernier, la majorité du conseil d'administration de l'hôpital a adopté un plan de retour à l'équilibre, fondé sur des compressions budgétaires représentant 3 millions d'euros d'économies par an. Or ces restrictions ne peuvent se faire qu'au détriment du personnel et de ses conditions de travail car elles entraîneront une pénurie de personnel et une multiplication des emplois précaires. La qualité des services rendus à la population et la sécurité des patients pâtiront directement de cette logique de rentabilité à courte vue. Comment imaginer faire mieux avec moins de personnel ?
Le déficit budgétaire qui sert de prétexte à ces restrictions budgétaires et ces baisses de dépenses est en grande partie causé par la politique menée depuis des années par le Gouvernement, avec l'aval de la majorité parlementaire. Je regrette d'ailleurs, monsieur le ministre délégué, que le ministre de la santé - qui est désormais davantage porte-parole d'un candidat que ministre - ne soit pas là alors qu'il s'agit d'une question qui concerne à la fois sa région et son ministère.
Le passage d'une enveloppe globale au système de tarification à l'acte, effective cette année, plombe lourdement les budgets des hôpitaux. Cela les contraint, comme à Amiens, à gérer la pénurie par des restrictions budgétaires pourtant incompatibles avec leurs missions de service public et les impératifs de santé publique.
L'audit commandé dans la foulée du lancement du projet de nouveau CHU conduit à un pas supplémentaire dans cette politique de compression des coûts au détriment de l'emploi et de la qualité des soins. Lors de ses voeux au personnel, le directeur du CHU a résumé la situation de la manière suivante : " Nous allons devoir produire plus et dépenser moins ", ce qui était un aveu en soi.
Cet ensemble d'éléments entraîne la suppression de 283 postes, surtout parmi les personnels non-médicaux, ainsi que de 120 lits, alors que la région picarde accuse l'un des plus grands retards en matière de médecine.
À cela s'ajoutent des interrogations concernant la réduction prévisible de l'offre de soins à Amiens-Nord, et plus généralement dans les quartiers populaires. Le président du conseil d'administration du CHU a affirmé, à l'occasion de ces voeux : " Nous maintiendrons un service de proximité à Amiens-Nord " en précisant qu'il n'y aurait plus d'hospitalisations, ce qui nous paraît quelque peu contradictoire. " Les services de l'hôpital-Nord ne seront déplacés au Sud qu'en 2013 ", a-t-il ajouté, sans doute afin de masquer cette contradiction. Mais cela ne peut être un argument valable pour écarter les légitimes interrogations et craintes de la population.
Comment justifier, monsieur le ministre, que la construction d'un site unique pour le CHU d'Amiens non seulement réduise mécaniquement l'offre de soins dans les quartiers populaires du Nord de la ville, qui comptent 40 000 habitants, mais serve de justification à la suppression de 283 emplois et de 120 lits alors que les besoins sont immenses ? Tout cela va à l'encontre des promesses et des engagements pris au moment de l'adoption du projet.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, comme vous le savez, je suis ministre délégué auprès du ministre de la santé et de la solidarité, auprès duquel je travaille quotidiennement. Je suis donc, je crois, tout à fait habilité à vous répondre, d'autant que j'ai pour habitude de le faire chaque semaine dans le cadre des questions orales au Gouvernement, à l'Assemblée nationale comme au Sénat.
Devant une situation financière devenue très préoccupante, avec un déficit prévisionnel pour 2006 qui avoisine 20 millions d'euros, le ministre de la santé et des solidarités a diligenté une étude afin d'y voir clair dans la situation et les perspectives de cet établissement dont nul ne conteste le rôle et la nécessité dans l'offre de soins en Picardie. Mais il nous revient précisément de lui permettre d'exercer tout son rôle en faisant face à ses graves difficultés financières.
Il ressort de cette étude communiquée aux instances du CHU que certaines améliorations pouvaient être apportées aux activités multisites. Le centre avait vu ses charges de personnel augmenter sensiblement entre 2003 à 2005 avec la création de 206 postes, ...
M. Maxime Gremetz. Combien ?
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. ... évolution en décalage complet avec l'activité réelle de l'établissement, qui n'avait pas progressé dans les mêmes proportions.
Par ailleurs, l'audit a mis en évidence une progression importante des charges à caractère hôtelier et général - entretien et maintenance des installations notamment - et un financement insuffisant de certaines missions d'intérêt général ou collectif, à l'échelon régional ou territorial, assurées par le CHU. Pour de nombreux séjours, les durées constatées sont plus longues que la moyenne nationale et pénalise l'efficacité de l'établissement, parfois les malades eux-mêmes, qui restent plus longtemps qu'ils ne le devraient.
Il convient donc de promouvoir un véritable réseau garant de la complémentarité des prises en charge entre les niveaux de proximité, de recours et de référence.
En outre, les potentiels de développement de l'activité restent limités pour le CHU d'Amiens, car le tissu hospitalier existant est important tant au niveau territorial que régional, et même dans les régions limitrophes. Les perspectives relatives à la démographie des professions de santé et aux projets de restructuration des établissements concurrents doivent également être prises en compte. On ne peut donc envisager une augmentation de l'activité du CHU supérieure à 5 % pour les années à venir.
Le projet monosite répond à la nécessité de moderniser les organisations, le plateau technique, les services de soins dans une région au contexte sanitaire défavorisé, vous avez raison de le souligner, monsieur Gremetz. Mais il s'avérait indispensable d'adapter les capacités futures d'hospitalisation en court séjour afin de la rendre compatible avec les besoins et ne pas compromettre gravement son avenir. C'est ainsi que le programme de lits du nouveau CHU a été arrêté, de manière consensuelle, à 1 238 unités.
Compte tenu de tous ces éléments, le ministre de la santé et des solidarités a demandé à ses services et à l'agence régionale de l'hospitalisation de Picardie d'élaborer avec le CHU un contrat de retour à l'équilibre financier destiné à garantir la faisabilité de cette opération de restructuration et d'optimisation de l'offre de soins régionale.
Ce contrat est en cours de finalisation. Il n'est aucunement question - je tiens à vous rassurer sur ce point - de procéder à des suppressions d'emplois, mais seulement d'adapter progressivement les effectifs aux besoins réels de l'établissement.
Ce contrat peut être signé dans les prochains jours. Grâce à sa mise en oeuvre anticipée, la clôture de l'exercice 2006 établira le déficit du CHU à 11,6 millions d'euros au lieu des 20 millions d'euros prévus en l'absence de mesures correctives. En contrepartie, le ministre de la santé et des solidarités a décidé de soutenir le CHU en maintenant les aides financières allouées de 2002 à 2005 au titre des crédits du Plan Hôpital 2007 et au titre de l'aide régionale à l'investissement destinée au projet monosite. S'y ajoute une aide exceptionnelle, versée dès 2006, d'un montant de 10 millions d'euros, dont 7 millions de crédits pérennes. Enfin, pour le nouveau CHU, la surface a été fixée à 172 000 mètres carrés pour un coût de 520 millions d'euros.
Monsieur le député, le Gouvernement a donc, je crois, agi efficacement devant une situation financière dégradée qui compromettait durablement, si rien n'était fait, l'avenir du CHU. Et c'est cet avenir que nous avons à coeur d'assurer. Les mesures prises, au regard des données dont j'ai fait état, ont été décidées dans l'intérêt général, avec le souci constant de trouver les solutions raisonnables au problème posé.
L'avenir et la rénovation de cet établissement sont dorénavant assurés dans le respect du dialogue social et des besoins de la population de la région picarde.
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, merci pour cette réponse dont je connaissais déjà les éléments. Vous affirmez qu'il n'y aura pas de suppressions d'emplois. Or les organisations syndicales et le conseil d'administration ont bien été informés de la suppression de 120 lits et de 283 emplois dans le cadre de la création du nouveau site. Pourriez-vous me confirmer qu'il n'en sera rien ?
Par ailleurs, j'appelle votre attention sur le fait que pas un mot n'a été dit sur ce qui est l'une de nos grandes préoccupations : l'hôpital Nord, situé au coeur des quartiers populaires, qui comptent 40 000 habitants. Il est question de supprimer ce site pour transférer l'établissement ailleurs alors que l'engagement a été pris dans le cadre du projet de monosite de maintenir des moyens de santé en faveur de cette population défavorisée. Que va donc devenir l'hôpital Nord, qui a prouvé son efficacité ? Comment ses usagers actuels pourront-ils continuer de bénéficier de soins de proximité ? Nous n'avons toujours aucune proposition en ce domaine.
Je vous pose à nouveau ces questions car nous avons entendu des bruits divergents. Le président du conseil d'administration prétend qu'une structure sera maintenue : laquelle ? J'ai posé la même question à l'ARH. Je m'adresse aujourd'hui au ministre pour obtenir une réponse claire.
Auteur : M. Maxime Gremetz
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : santé et solidarités
Ministère répondant : santé et solidarités
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 30 janvier 2007