établissements
Question de :
M. Bernard Derosier
Nord (2e circonscription) - Socialiste
M. Bernard Derosier attire l'attention de M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille sur la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et plus particulièrement sur le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Le département voit son rôle de chef de file de l'action sociale conforté par la création de la maison départementale des personnes handicapées. Toutefois, il n'est pas doté des leviers d'action financiers lui donnant les moyens d'assumer ce rôle. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie verse au département un concours pour le financement de la prestation de compensation du handicap et une participation à l'installation ou au fonctionnement de la MDPH. Ces concours sont dépourvus de tout lien avec les charges à financer. Ainsi, ils ne prennent en compte ni la mise en oeuvre des nouvelles missions dévolues par la loi, ni les situations particulières - comme celle du département du Nord - issues de décennies d'insuffisance de moyens de l'État et nécessitant une « remise à niveau » pour un fonctionnement normal de la MDPH. Aussi, il lui demande s'il envisage d'accorder les moyens nécessaires et pérennes au fonctionnement des MDPH permettant de répondre aux ambitions de la loi du 11 février 2005.
Réponse en séance, et publiée le 14 février 2007
AIDES AU FONCTIONNEMENT
DES MAISONS DEPARTEMENTALES
DES PERSONNES HANDICAPEES
M. Bernard Derosier. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, " de quoi allons-nous parler ce matin ? ", avez-vous demandé en entrant dans l'hémicycle. En ce qui me concerne, je vous interrogerai sur les personnes handicapées, qui attendent beaucoup de la loi du 11 février 2005 que vous avez fait voter au Parlement, laquelle, par bien des aspects, leur apporte en effet des réponses.
Cette loi a conforté le rôle des départements et des collectivités territoriales, en tant que chefs de file de l'action sociale, en leur confiant notamment une responsabilité importante au sein des MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées. Cependant, ils ne disposent pas des leviers d'action financiers indispensables à la bonne mise en oeuvre du texte.
La CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, apporte certes un concours financier aux maisons départementales des personnes handicapées et aux départements eux-mêmes pour le versement de la prestation compensatoire du handicap. Elle a permis l'installation et le fonctionnement des MDPH pendant leur première année d'existence, en 2006. Mais les moyens alloués ne tiennent pas compte de l'existant. Les situations, en effet, ne se sont pas créées ex nihilo. Auparavant, de même que les CDES, les caisses départementales d'éducation spéciale, les COTOREP jouaient un rôle important, sous la responsabilité de l'État. Il y en avait deux dans mon département, compte tenu de l'importance de la population. Pourtant, on signalait plus d'un an de retard dans le traitement des dossiers. La CNSA n'a pas non plus intégré les nouvelles missions confiées aux départements et aux MDPH, ni les difficultés particulières liées à l'insuffisance des moyens dont disposaient auparavant les COTOREP.
En s'attelant à leur tâche, les MDPH, soucieuses de répondre à l'attente des personnes handicapées, ont recruté, du moins dans mon département, le personnel nécessaire pour compléter les insuffisances des COTOREP, mais sans obtenir pour autant de garantie quant à la possibilité de le rémunérer de manière pérenne au-delà d'un ou deux ans.
Plus grave, vous vous préparez à adopter un projet de décret qui a été examiné, la semaine dernière, par le comité des finances locales, et qui instaure une part fixe par département, à la suite d'une décision du conseil d'administration du 17 octobre dernier, au sein duquel siègent, il est vrai, des représentants des départements. La part fixe est sans doute une bonne idée dans de nombreux cas, mais elle a pour inconvénient de minorer la part qui sera perçue en fonction de la population. Or vous conviendrez que la situation n'est pas la même selon qu'un département compte 2,5 millions d'habitants ou seulement 75 000. Il faut tenir compte des problèmes qui se posent quand la population est importante. C'est pourquoi j'aimerais connaître vos intentions.
Comment allez-vous répondre à des situations aussi spécifiques que celle de mon département ?
Par ailleurs, je vous ai écrit, le 3 janvier - mais je comprends que vous n'ayez pas encore eu le temps de me répondre précisément -, pour vous interroger sur les aides humaines prévues en matière d'accompagnement de la prestation compensatoire du handicap. Un arrêté du 28 décembre 2005 a fixé des tarifs qui ne permettent pas de couvrir l'intégralité du coût du service, ce qui entraîne un surcoût pour la personne handicapée. Les associations ont naturellement interpellé leur premier interlocuteur, qui est le département. Je voudrais donc savoir qui doit payer le surcoût : est-ce la personne elle-même ou le département, et, si tel est le cas, quelles ressources compensatoires lui permettront-elles de faire face à cette nouvelle dépense ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, la modération avec laquelle vous avez formulé votre question m'invite à répondre à mon tour en toute objectivité et dans un esprit de nuance. Je soulignerai néanmoins qu'il est plus que temps de sortir de la période infantile de la décentralisation, au cours de laquelle État et collectivités locales ne cessaient de se renvoyer le montant des charges pesant sur eux.
Il y a quelques années, lors de la création de l'allocation personnalisée d'autonomie, les départements ont été profondément traumatisés par l'absence de financement destiné à leur permettre d'assumer la mise en place de la nouvelle prestation de solidarité. Je comprends donc parfaitement les inquiétudes qui peuvent s'exprimer à l'égard d'autres domaines de l'action sociale, qui font aujourd'hui l'objet d'une montée en régime des départements.
La présente majorité a mis en oeuvre les décisions nécessaires pour améliorer les conditions de financement de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie. Mais, surtout, elle a voulu tirer toutes les conséquences des errements passés et faire en sorte que, s'agissant du handicap, les dépenses des départements soient couvertes et au-delà. Je vais d'ailleurs vous démontrer que la charge des maisons départementales des personnes handicapées revient principalement non aux départements, mais à l'État et à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Au reste, si vous avez dû faire l'appoint pour des recrutements, la location de bâtiments ou certains travaux, n'est-ce pas la moindre des choses, dans le cadre d'une politique que la loi elle-même vous prescrit de mettre en oeuvre ?
Voyons la situation telle qu'elle est. Pour l'ouverture des maisons départementales des personnes handicapées, 70 millions ont été attribués en 2005 et 2006 aux départements. À ces crédits de démarrage, qui ont permis de réaliser l'installation mais aussi de rattraper les retards qui existaient dans certains départements pour le traitement des demandes aux COTOREP et aux CDES, se sont ajoutées les dotations reconductibles annuelles, qui se prolongeront d'année et année, comme l'État s'y est engagé, à travers la CNSA. Elles ont représenté 20 millions d'euros en 2006 et, pour être sûr que le fonctionnement de ces maisons, si importantes pour nos compatriotes handicapés, soit suffisamment large, j'ai décidé de porter la dotation de 20 à 30 millions d'euros annuels en 2007.
J'ajoute que les maisons départementales des personnes handicapées ont reçu gratuitement, sans que le conseil général ait à la financer, la mise à disposition de 1 400 agents de l'État dans toute la France, de sorte que les recrutements à la charge des départements, s'il y en a eu, ont toujours été résiduels.
Le département du Nord a reçu toute sa part de ces financements. En 2005, une première délégation de crédits de 1,9 million d'euros a été versée par l'État pour l'installation de la maison départementale des personnes handicapées. Au premier trimestre 2006, une nouvelle aide exceptionnelle de 361 952 euros lui a été attribuée, suivie, au mois de juillet, d'une délégation supplémentaire de 121 826 euros, somme qui a été définie et répartie en fonction des difficultés locales constatées par une mission de l'inspection générale des affaires sociales. S'y ajoute la dotation de fonctionnement reconductible que j'évoquais tout à l'heure au plan national et qui, dans votre cas, s'élève à 873 000 euros. De plus, 44 agents de l'État ont été mis gratuitement à disposition de la maison départementale. En application du principe que j'ai mentionné tout à l'heure, la dotation de fonctionnement reconductible sera augmentée, pour 2007, de 100 000 euros pour le département du Nord. Le montant global des versements de l'État à la maison départementale des personnes handicapées du Nord s'établira donc à 973 000 euros en 2007.
Je souligne enfin que, en 2006, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie vous a délégué la somme de 23,242 millions d'euros pour faire face aux dépenses de la prestation de compensation du handicap. Vous en avez dépensé à ce jour 7,9 millions. L'État assume donc actuellement, pour près de 15 millions d'euros, la trésorerie du département du Nord, à travers la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
En somme, monsieur le député, vous n'êtes pas à plaindre. L'État a fait son devoir, et même beaucoup plus. Il continuera, naturellement, à l'avenir, car nous avons voulu mettre en oeuvre une grande politique du handicap, dans le cadre de l'application de la loi du 11 février 2005, grande loi de la République dont je déplore que certains groupes parlementaires ne l'aient pas votée. Nous continuerons à aller de l'avant. L'État sera particulièrement vigilant sur l'utilisation des fonds. S'il vous délègue en effet des sommes importantes, il tient à ce que celles-ci se traduisent dans tous les départements par une politique très ambitieuse en faveur des personnes handicapées.
J'en viens au dernier point que vous avez soulevé. Dans le cadre d'une discussion avec l'assemblée des départements de France, nous avons fixé un tarif horaire, en évaluant les services prestataires des auxiliaires de vie à un peu plus de 14 euros. Mais certains départements jugent cette rémunération insuffisante pour des aides humaines et leurs normes les portent à les financer à plus de 17 euros.
C'est uniquement en raison de leur décision que se pose le problème de savoir si l'État doit prendre en charge l'intégralité de l'heure d'auxiliaire de vie, décidée dans le cadre de la prestation de compensation du handicap. Si certains départements décident que, oui, il faut augmenter le tarif horaire d'un peu plus de 14 euros à 17 ou 18 selon leurs propres tarifs, et que, comme pour les soins aux personnes âgées dépendantes dans les maisons de retraite, il y a un reste à charge, il faut qu'ils l'assument, puisqu'une telle décision relève de leur seule responsabilité.
M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.
M. Bernard Derosier. J'observe, monsieur le ministre, que le dialogue est difficile. En avançant des chiffres irréfutables, vous entendez me démontrer que je n'ai pas à me plaindre et que je devrais m'estimer heureux.
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. C'est vrai !
M. Bernard Derosier. Mais plongez-vous quelques instants dans le dossier, et vous vous apercevrez que la situation de mon département - il n'est pas le seul - n'est pas celle que vous décrivez.
Vous avez évoqué ce qui serait une période infantile de la décentralisation. Votre jeune âge explique sans doute ce jugement, car le vieillard que je commence à devenir estime que, vingt-cinq ans après la décentralisation, beaucoup reste à faire pour améliorer les relations entre les collectivités territoriales et l'État - mais c'est un autre problème.
Quant à l'argument de l'APA, ce n'est pas parce que l'insuffisance de la loi a laissé à l'État la possibilité de financer l'APA jusqu'à 50 % qu'il faut pérenniser cette erreur - erreur que, en tant que député ayant voté cette mesure, je suis tout prêt à reconnaître.
Enfin, vous avez évoqué les 1 400 agents qui ont été mis à la disposition des MDPH, dont 60 dans le département du Nord. Aujourd'hui, la MDPH du Nord en emploie 120. Qui paie la différence ? Le département, sur son budget.
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. C'est bien normal !
M. Bernard Derosier. Pas du tout !
Auteur : M. Bernard Derosier
Type de question : Question orale
Rubrique : Handicapés
Ministère interrogé : sécurité sociale, personnes âgées, personnes handicapées et famille
Ministère répondant : sécurité sociale, personnes âgées, personnes handicapées et famille
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 février 2007