Question orale n° 1918 :
établissements publics

12e Législature

Question de : M. Daniel Paul
Seine-Maritime (8e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains

M. Daniel Paul attire l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur le fait que fin 2006, le groupe hospitalier du Havre présente un déficit de 14 millions d'euros. Plus grand hôpital général de France, au coeur d'une région qui cumule pathologies et morbidité lourdes, où la situation sociale pèse sur la santé de la population, où les problèmes environnementaux sont prégnants, il manque pourtant, au GHH, cent-trois praticiens pour atteindre la moyenne nationale ! Des services sont sinistrés, faute de praticiens. Et comme la T2A dépend du nombre d'actes, la dotation budgétaire est insuffisante. Il manque au Havre cent-vingt-huit lits de SSR. Pour dix lits de médecine et de chirurgie, Le Havre a 1,82 lit de SSR, la Haute-Normandie 3,57 et la France 4,02 ! Mauvaise politique de l'État, mauvaise politique de l'ARH ; loin de « corriger » les mauvais coups de la T2A, l'ARH, en fait, les aggrave. Et pourtant le ministre a été, comme l'ARH, alerté sur cette situation ! Rien n'y a fait ! Aucune réponse ! Lors d'un récent CA, le président lui-même, a dit la non-réponse des tutelles à ses courriers ! Sa dernière lettre, d'octobre 2006, au sujet de la psychiatrie et du risque d'une concurrence privée sur ce secteur, attend toujours une réponse ! Le directeur de l'ARH aurait même indiqué aux syndicats ignorer la situation dégradée de la psychiatrie ! L'ARH veut à présent à un audit partagé ! Est-ce pour imposer de nouvelles saignées dans l'offre de soins, des suppressions de lits et de services. Elle aggraverait un déficit lié à la baisse d'activités, au non financement des activités d'intérêt général et des mesures statutaires, des difficultés supplémentaires pour faire venir et retenir des praticiens nécessaires aux missions de l'hôpital, à moins qu'en affaiblissant l'outil public, l'objectif soit, comme le pensent de plus en plus de Havrais, de faire le lit du privé... Pourtant, les responsables du GHH ont toujours appliqué sa politique... mais aujourd'hui, la situation est intenable ! Il faut répondre aux besoins d'un territoire qui cumule les problèmes et d'un hôpital public mis en difficulté pour y faire face. Une autre politique doit être mise en oeuvre mais il est, aujourd'hui, de la responsabilité de l'État de fournir au GHH une dotation financière, pour sortir des difficultés immédiates. Il lui demande s'il compte prendre en compte les réalités des attentes, au niveau ministériel par une dotation exceptionnelle, au niveau de L'ARH par une meilleure prise en compte des spécificités havraises.

Réponse en séance, et publiée le 21 février 2007

SITUATION FINANCIERE DU GROUPE HOSPITALIER DU HAVRE

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour exposer sa question, n° 1918.
M. Daniel Paul. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, à la fin de 2006, le groupe hospitalier du Havre présentait un déficit de 14 millions d'euros. Plus grand hôpital général de France, au coeur d'une région qui cumule pathologies et morbidité lourdes, le groupe hospitalier du Havre est sous-doté en moyens humains et financiers. Il manque en effet 103 praticiens pour atteindre la simple moyenne nationale, le service d'ophtalmologie fonctionne avec un mi-temps d'ophtalmologiste ; radiologie et psychiatrie sont sinistrées. Quant aux personnels, les situations précaires explosent. Et comme la T2A dépend du nombre d'actes, donc du nombre de médecins, la dotation budgétaire est insuffisante.
S'agissant des soins de suite, dont la Cour des comptes a pointé la carence, il manque au Havre 128 lits. Pour dix lits de médecine et de chirurgie, Le Havre a 1,82 lit de SSR, la Haute-Normandie 3,57, alors que la moyenne nationale est de 4,02 ! La politique de l'ARH ignore les spécificités de la région havraise et, loin de corriger les carences de la T2A, elle aggrave les difficultés et les disparités.
Alertés depuis plusieurs années, le ministère et l'ARH ignorent les interventions. Le président du conseil d'administration a témoigné des non-réponses des tutelles à ses courriers. Ma dernière lettre, relative à la situation de la psychiatrie et aux menaces d'une concurrence privée, n'a reçu que votre accusé de réception. Le directeur de l'ARH aurait même indiqué aux syndicats il y a quelques semaines ignorer la dégradation de la situation de la psychiatrie.
Face au scandale, on peut craindre que l'ARH veuille imposer une nouvelle réduction de l'offre de soins et la presse havraise de ce matin fait état des premiers résultats des négociations : réduction de l'offre de soins, suppressions de lits et de services, nouvelle réorganisation. Il en résulterait une aggravation du déficit lié à la baisse d'activité, au non-financement des activités d'intérêt général et des mesures statutaires, avec plus de difficultés pour attirer et retenir les praticiens, à moins que l'objectif ne soit d'affaiblir sans cesse l'hôpital public, et donc en réalité, comme le pensent de plus en plus de Havrais, de favoriser le secteur privé.
Pourtant, les responsables de l'hôpital n'ont fait qu'appliquer votre politique. Mais, aujourd'hui, la réalité s'impose, celle d'un territoire qui cumule les difficultés et d'un hôpital public mis dans l'impossibilité d'y faire face, ce qui explique - et je cite la page 7 du procès-verbal du conseil d'administration du 7 octobre que je tiens à votre disposition " l'inquiétude légitime sur la diminution des recettes car elle pourrait mettre l'hôpital en grande difficulté ".
C'est d'une autre politique qu'a besoin aujourd'hui le GHH, lui assurant des ressources pérennes, mais en attendant sa mise en oeuvre votre responsabilité est de lui donner une dotation financière suffisante et immédiate pour qu'il sorte des difficultés actuelles.
Ma question est donc simple : plutôt que d'opérer une nouvelle saignée sur les moyens de l'hôpital du Havre, allez-vous prendre en compte la réalité havraise, en allouant une dotation exceptionnelle et en demandant à l'ARH de mieux prendre en compte nos spécificités ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, avec tous les crédits qui ont été mobilisés au fil des années, et encore récemment, en faveur de l'hôpital du Havre, je suis stupéfait que vous puissiez parler de saignée ! Au contraire, c'est d'une transfusion qu'il s'est agi jusqu'à présent.
Le maire du Havre, en sa qualité de président du conseil d'administration, a effectivement alerté le ministre de la santé et des solidarités sur la situation de l'hôpital et le Gouvernement a eu le plaisir de lui confirmer un certain nombre de décisions qui montrent à quel point le Gouvernement se préoccupe de l'avenir de cet établissement.
La situation financière du groupe hospitalier du Havre, vous la connaissez : dans un passé récent, le groupe a connu des difficultés financières importantes qui ont conduit à la mise en place d'un plan de redressement financier dans le cadre d'un protocole signé en juillet 2002 et qui s'est décliné sur trois ans, de 2002 à 2004.
Pour la mise en oeuvre de ce plan, le groupe hospitalier a bénéficié de moyens supplémentaires exceptionnels qui se sont établis à 15 millions d'euros.
M. Daniel Paul. Je vais vous donner les véritables chiffres, monsieur le ministre !
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Fin 2005, l'établissement présentait une situation budgétaire quasiment équilibrée, grâce à la mise en oeuvre de ce plan. Pour 2006, un déficit prévisionnel de 11,3 millions d'euros a été inscrit. Cette situation a fait l'objet d'une lettre d'observation de l'Agence régionale de l'hospitalisation le 5 juillet 2006, qui mettait en garde l'établissement quant au risque de dégradation d'une situation déjà fragile, notamment concernant l'objectif d'activité retenu et l'évolution des dépenses de personnel.
Malheureusement, le suivi de l'exécution budgétaire au cours de l'exercice 2006 a montré une dégradation rapide et importante de la situation par rapport à ce point de départ qui était insatisfaisant.
Cette situation financière imposait deux types d'actions.
La première a été d'accompagner l'établissement dans le cadre de la clôture de l'exercice 2006. Le président du conseil d'administration en a été informé. C'est à ce titre que l'agence régionale a accordé un total de 7,6 millions de crédits non reconductibles, complétés d'une dotation exceptionnelle de 1,8 million de provisions en faveur des investissements en cours.
Vous le voyez, le groupe hospitalier du Havre est fortement soutenu. Bon nombre d'établissements rêveraient, alors même que leur gestion aurait été moins critiquable, d'avoir un soutien public aussi fort.
La deuxième série d'actions consiste, en collaboration avec les gestionnaires de l'établissement, à identifier très précisément les causes du dérapage de 2006, en évaluant celles qui relèvent d'une situation conjoncturelle et celles qui sont structurelles. Cette phase de diagnostic est indispensable à très court terme pour prendre les bonnes décisions et dresser un état prévisionnel des recettes et des dépenses 2007 réalistes dans le cadre d'une montée en charge de la tarification à l'activité à hauteur de 50 %, mais cette phase de diagnostic doit également être le support de l'élaboration à court terme d'un plan d'action en vue d'une consolidation de l'établissement. Car nous n'avons pas d'autre objectif que de permettre à cet établissement de fonctionner. Je vous fais le crédit d'être sincère dans votre démarche et je suppose que vous ne ferez pas de procès d'intention...
M. Daniel Paul. Si !
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. ...à un gouvernement qui mobilise autant de crédits pour venir en aide à un établissement qui rencontre des difficultés réelles.
Une réunion très récente entre l'ARH et l'équipe de direction administrative et médicale de l'établissement a permis de tracer les grandes lignes de l'élaboration du plan d'action et son calendrier.
Enfin, de manière à soutenir le centre hospitalier du Havre et à accélérer la recherche urgente de solutions durables, j'ai décidé d'affecter à cette tâche un conseiller général des établissements de santé. Il interviendra dans les prochaines semaines, en appui de la nouvelle direction de l'établissement et en lien étroit avec l'agence régionale de l'hospitalisation.
S'agissant des spécificités havraises, que vous avez soulignées et qui doivent être prises en compte, le schéma régional de l'organisation sanitaire pour 2006-2011 a prévu un développement important de l'activité de soins de suite et de réadaptation sur le territoire de santé du Havre - plus 50 % par rapport à 2004, soit la plus forte augmentation de toute la région - et en hospitalisation à domicile. Dans le domaine des soins de suite et de réadaptation, un partenariat entre le centre hospitalier et un site privé...
M. Daniel Paul. Nous y voilà !
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. ...permettrait d'apporter très rapidement une réponse adaptée pour les Havrais.
Pour ce qui est de la psychiatrie, trois priorités ont été définies : le développement d'une unité enfants-adolescents sur le site du Havre, une maison d'accueil spécialisée pour personnes handicapées, et une structure d'hospitalisation complète supplémentaire susceptible de diversifier les modalités de réponse aux pathologies mentales. Sur ce dernier point, je précise qu'un établissement privé a déposé une demande d'autorisation pour l'implantation d'un nouvel établissement. L'examen de cette demande est en cours d'instruction.
M. Daniel Paul. La réponse doit tomber aujourd'hui.
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Enfin, l'ARH est en discussion avec l'établissement sur les grandes lignes du futur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. Il visera à consolider l'offre de soins, non seulement en confortant ses activités de base dont certaines sont aujourd'hui très fragiles - la radiologie, l'anesthésie, la médecine notamment -, mais également ses spécialités : cancérologie, filière neuro-vasculaire, pneumologie.
Monsieur le député, j'espère vous avoir convaincu que la situation du centre hospitalier du Havre fait l'objet d'un soutien constant de l'ARH et de mes services. L'objectif est d'établir, à très court terme, un diagnostic partagé et de bonne foi, en arrêtant des actions concertées, et de les mettre en oeuvre. Moins de cris et d'annonces à tout va : je souhaite pour le moment de la méthode, de la concertation et de l'objectivité, convaincu que je suis que c'est le meilleur moyen pour le centre hospitalier de renouer avec une situation financière saine. C'est le gage de sa pérennité et de son développement au service des besoins sanitaires de la population de l'agglomération havraise.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, votre réponse ne me surprend pas et je n'attendais pas autre chose de la part du Gouvernement. Je voudrais seulement citer devant vous les propos du président du conseil d'administration du groupe hospitalier du Havre, M. Rufenacht, qui est votre ami. En octobre dernier, le procès-verbal mentionne : " M. Rufenacht partage l'analyse et estime que la surdité - il a refusé le mot " autisme " - à l'égard des préoccupations du groupe hospitalier du Havre est absolument intolérable. " Ce message s'adresse notamment à M. Brière, mais M. Rufenacht souhaite le diffuser à tous les niveaux, y compris gouvernemental. " Il peut lui-même témoigner des non-réponses de la tutelle à ses courriers et pense qu'il est inacceptable de se réfugier dans un tour d'ivoire, plutôt que de se réunir pour analyser les difficultés. " Je pourrais lire les dix pages du compte rendu du conseil d'administration, qui a fait le point et qui contredit totalement, monsieur le ministre, ce que vous venez d'affirmer.
En réalité, vous avez fait le choix d'ignorer depuis des mois la situation spécifique de la région havraise. Vous avez évoqué les spécificités en question, mais, sans les prendre en compte. Ce ne sont pas moins de 103 postes de praticiens qui manquent dans cet hôpital. Comment voulez-vous que la dotation budgétaire, calculée en fonction du nombre d'actes faits dans l'établissement, puisse suffire pour un territoire qui est touché par des pathologies et des difficultés diverses ? En fait, monsieur le ministre, vous réduisez les moyens du public pour mieux faire le lit du privé ! C'est bien ce qui sous-tend le projet dont vous avez parlé. On en connaît la teneur ! Il s'agit tout simplement de faire un cadeau supplémentaire à la Générale de santé...
M. Albert Facon. Très juste !
M. Daniel Paul. ...de façon à lui permettre de prendre pied dans les secteurs les moins déséquilibrés du groupe hospitalier du Havre. Cela se fera en catimini, mais cela se fera si vous restez en place. Et c'est pour cela que vous mettez en difficulté le groupe hospitalier du Havre depuis plusieurs années.
M. Albert Facon. Bien dit !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la présidente, je ne prolongerai pas exagérément cet échange, mais la réponse de M. Paul est attentatoire à l'honneur du Gouvernement.
M. Albert Facon et M. Daniel Paul. C'est pourtant la vérité !
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Nous avons dans notre pays une hospitalisation publique, une hospitalisation privée à but non lucratif et une hospitalisation privée qui détient des cliniques.
M. Albert Facon. Et celle-là, vous l'aimez bien !
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Ce système existe depuis toujours, il existait déjà quand les communistes appartenaient au gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
Nous ne cherchons pas à opposer un secteur à l'autre. Nous sommes au contraire dans une démarche de coordination et de convergence.
M. Daniel Paul. C'est le principe des vases communicants !
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Et le Gouvernement, quand il prend ses décisions, n'a pas d'autre but que l'intérêt général, c'est-à-dire la santé de nos compatriotes.
M. Axel Poniatowski. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Daniel Paul

Type de question : Question orale

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : santé et solidarités

Ministère répondant : santé et solidarités

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 février 2007

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