Question orale n° 195 :
compagnies

12e Législature

Question de : M. Paul Giacobbi
Haute-Corse (2e circonscription) - Socialiste

M. Paul Giacobbi appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer à propos des dettes fiscales et sociales des compagnies aériennes françaises. Les dettes accumulées par la compagnie Air Lib (URSSAF, Assedic, redevances de navigation aérienne, taxes de l'aviation civile) s'élèvent à 120 millions d'euros. Par ailleurs, les pouvoirs publics ont accordé à la compagnie Air Littoral un moratoire sur ce même type de dettes. Au regard des distorsions de concurrence que ces avantages engendrent, il lui demande, en premier lieu, quel est le volume des dettes fiscales et sociales des compagnies françaises de ce secteur. En second lieu, il souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de prévenir ces situations préjudiciables aux finances de l'Etat, et notamment de quelle manière il compte prévenir toute tentative d'abus de biens sociaux de la part de la société Holco.

Réponse en séance, et publiée le 19 mars 2003

DETTES FISCALES ET SOCIALES
DES COMPAGNIES AÉRIENNES FRANÇAISES

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour exposer sa question n° 195, relative aux dettes fiscales et sociales des compagnies aériennes françaises.
M. Paul Giacobbi. Monsieur le secrétaire d'Etat au tourisme, les récents événements dans le transport aérien français me conduisent à interroger le Gouvernement sur sa vision d'une concurrence organisée et loyale dans le service public.
Les dettes fiscales, sociales et parafiscales de la compagnie Air Lib avaient atteint plus de 120 millions d'euros, auxquels s'ajoute un prêt du FDES non remboursé de 30 millions d'euros. De plus, nous sommes dans un contexte peu habituel, dans lequel nous avons confirmation du caractère un peu suspect de certains transferts d'actifs. Toutefois, Air Lib ne semble pas être la seule compagnie dans ce cas. Selon une réponse à une question écrite, publiée au Journal officiel du 4 novembre 2002, les pouvoirs publics auraient en effet déjà accordé à la compagnie Air Littoral un moratoire - c'est le mot employé - de ses dettes fiscales et sociales, tandis qu'un prêt relais au titre du FDES serait en cours d'instruction et devrait n'être qu'un complément, dit-on dans cette réponse, à un fort soutien financier des collectivités locales intéressées.
La notion de prêt relais semble toujours, selon le texte de cette réponse, fondée sur l'espoir qu'Air Littoral récupérera sa créance sur Swissair, ce qui interviendra sans doute à peu près au moment où les actionnaires d'Enron récupéreront leurs placements dans cette compagnie ou, pour prendre un exemple plus local, cher à ma région, au moment où la Sainte Vierge distribuera des beignets frits sur la place de Bastia !
Par ailleurs, les compagnies à coûts réduits - je ne sais pas quel est l'équivalent français du low costs companies - négocient avec les collectivités locales et les chambres de commerce des réductions de taxes aéroportuaires et des subventions indirectes.
Ces éléments constituent, à l'évidence, des atteintes graves à l'exercice d'une concurrence loyale dans le transport aérien et ont un impact considérable sur les compagnies, en tout cas sur celles qui acquittent régulièrement leurs charges dans un contexte économique général difficile, et qui l'est plus encore dans le secteur aérien. Chacun sait d'ailleurs que si la crise irakienne pèsera lourd sur l'économie, elle aura des répercussions particulièrement graves sur le transport aérien.
Au-delà du dommage économique qui résulte de ces pratiques, dont la légalité est d'ailleurs mise en cause, force est de constater qu'elles constituent un facteur déstabilisant pour le service public du transport aérien. A cet égard, l'exemple de la Corse est éclairant, et vous ne serez pas surpris que je m'en préoccupe plus particulièrement.
Il y a, en effet, en Corse, deux compagnies publiques ou mixtes : la compagnie Air France, qui est encore une compagnie publique, et une société d'économie mixte dont la majorité du capital appartient à la collectivité territoriale de Corse. Ces compagnies paient leurs charges fiscales et sociales ainsi que toutes les taxes relatives au transport aérien. Elles bénéficient, certes, de contributions financières en application du mécanisme de la continuité territoriale, mais cela s'est fait dans le cadre d'appels d'offres et à égalité entre toutes les compagnies.
Cependant, ces compagnies publiques ou mixtes sont mises sur le même plan que celles qui n'acquittent pas leurs charges et qui peuvent, de ce fait, inclure dans leurs appels d'offres des propositions moins-disantes. Bien qu'elles ne disposent pas, soit dit en passant, du fait de leur situation, d'une autorisation de plus de six mois d'exercer le métier de transporteur public aérien, elles concourent pour des services publics sur trois ans.
Monsieur le ministre, je suis un partisan résolu de la concurrence dans le transport aérien, mais je ne veux pas n'importe laquelle. Je défends la concurrence contre tout monopole depuis de longues années pour mon île. Cependant, dans mon esprit, cette concurrence doit être loyale, organisée, dans le but d'offrir à l'usager, dans un cadre clairement défini, le meilleur service pour le meilleur tarif.
Dans ces conditions, quelle est votre vision de l'exercice d'une concurrence loyale dans le transport public aérien, notamment dans le service public ? Comment comptez-vous rétablir les conditions d'une égalité entre les entreprises qui interviennent sur ce marché et, plus particulièrement, dans le cas particulier de la Corse, comment allez-vous veiller à cette égalité ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au tourisme.
M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Il y a en France, monsieur le député, environ 150 compagnies aériennes, de tailles très diverses. Le total de leurs créances s'élève à 14 millions d'euros pour la taxe de l'aviation civile, à 11 millions d'euros pour la taxe d'aéroport et à près de 12 millions d'euros pour les redevances des services terminaux du contrôle aérien. Pour mémoire, les dettes publiques et parapubliques d'Air Lib s'élèvent à plus de 120 millions d'euros et celles d'Air Littoral à plus de 50 millions d'euros.
Votre deuxième question pose de manière plus générale celle des garanties financières des compagnies aériennes françaises dont, à l'évidence, l'actualité tend à montrer l'insuffisance de fonds propres, dans des périodes difficiles. Cette constatation nous incite à une vigilance accrue pour l'avenir quant à la nécessité de voir les entreprises de ce secteur correctement dotées en fonds propres.
S'agissant de votre souci d'éviter tout abus de biens sociaux de la part d'Holco, l'actionnaire d'Air Lib, je peux vous dire que le parquet de Paris a ouvert le 26 février une enquête préliminaire portant sur les transferts d'actifs d'Air Lib, après sa mise en liquidation judiciaire. C'est l'intérêt commun, notamment celui des salariés, de faire toute la lumière sur cette affaire.
Par ailleurs, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a approuvé, mercredi dernier, la création d'une commission d'enquête sur « les causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib et sur les fonds publics apportés à cette entreprise ». La représentation nationale aura à se prononcer en fin d'après-midi, sur le projet de création de cette commission, comme l'a indiqué, il y a quelques instants, le président de séance.
M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.
M. Paul Giacobbi. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aurai au moins appris que la compagnie Ait Littoral doit 50 millions d'euros !
Je ne comprends pas que l'on ne prenne jamais en considération un tel élément. Ainsi, en cas d'appel d'offres dans un petit département comme le mien, les entreprises qui ne sont pas à jour de leurs charges fiscales et sociales ne peuvent pas concourir, en principe. Si elles le pouvaient, il y aurait distorsion de concurrence en défaveur de celles qui paient leurs charges. Il est en effet évident que ces dernières ne peuvent pas s'aligner sur les tarifs proposés par celles qui ne paient pas leurs changes.
Dans le secteur aérien, une compagnie qui doit 50 millions d'euros qu'elle n'est pas près de rembourser et qui va probablement obtenir un prêt peut se permettre de proposer des tarifs très bas dans les appels d'offres. Il est en effet très facile, quand on ne paie pas ses charges, de réduire ses prix de 20 %, de 30 %, de 40 %, mais cela est terriblement déstabilisant pour les autres compagnies et même pour l'ensemble du service public, parce que, tôt ou tard, elle se cassera la figure et l'usager n'en sortira pas gagnant.
Je tenais donc à insister sur le caractère anormal de cette situation et sur les risques de déstabilisation pour le service public du transport aérien. Elle est très dangereuse tant pour les usagers que pour les salariés, qui peuvent se retrouver, du jour au lendemain, dans les situations tragiques que l'on connaît.

Données clés

Auteur : M. Paul Giacobbi

Type de question : Question orale

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : équipement, transports et logement

Ministère répondant : équipement, transports et logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2003

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