Question orale n° 199 :
emploi et activité

12e Législature

Question de : M. Jean-Claude Sandrier
Cher (2e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains

M. Jean-Claude Sandrier souhaite interroger M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire après l'annonce de la fin d'activité de Matra Automobile à Romorentin. Cette annonce a été suivie par celle de Renault s'engageant à reprendre chacun des 1 000 salariés qui perdent leur emploi. Aussi, il voudrait connaître l'action concrète de l'Etat dans plusieurs directions : quelle pourrait être l'action de l'Etat pour permettre une reprise par Renault, avec l'aide de Matra, du site de Romorantin et des salariés, puisque l'entreprise Renault est prête à embaucher les 1 000 salariés et que l'Etat a des liens privilégiés avec ces deux grandes sociétés ; la participation réelle de l'Etat au développement de ce territoire, en termes financiers et de soutien aux projets structurants (projets ferroviaires et développement des formations supérieures et universitaires notamment). Il demande un contrat de site ou un CLADT exceptionnel comprenant notamment les bassins d'emplois de Romorantin, Salbris, qui ne forment qu'un seul et même bassin d'emploi avec un taux de chômage particulièrement élevé, des restructurations industrielles et de la défense importantes, et d'ailleurs non terminées comme à Bourges à Giat Industries. Il a d'ailleurs demandé à M. le Premier ministre que les deux préfets du Loir-et-Cher et du Cher puissent rassembler les élus des bassins d'emploi concernés. Sur tous ces sujets, les habitants des bassins de Romorantin (touché par la fermeture de Matra), de Vierzon (plus fort taux de chômage de la région Centre), de Salbris et Bourges (touchés par la restructuration passée et à venir de l'industrie de défense), veulent connaître les choix de l'État et son implication pour soutenir réellement ce territoire et l'emploi.

Réponse en séance, et publiée le 19 mars 2003

SITUATION DE L'EMPLOI DANS LA RÉGION CENTRE

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour exposer sa question n° 199, relative à la situation de l'emploi dans la région Centre.
M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, voici quelques semaines le groupe Matra-Lagardère a décidé de fermer le site Matra Automobile de Romorantin, jetant mille salariés à la rue après avoir supprimé 1 500 emplois en deux ans.
Cette décision dictée par la volonté du groupe de laisser tomber le secteur de l'automobile, alors qu'il ne connaît pas de problèmes financiers, vient s'ajouter aux difficultés déjà très importantes du bassin d'emploi formé par Romorantin, Salbris et Vierzon qui connaît le plus fort taux de chômage de la région Centre. Après la fermeture à Salbris de Giat Industries et d'EADS, le choix de Matra met tout un territoire à genou.
Certes, dans ce contexte, le Gouvernement, par votre voix, a donné son accord à la mise en place d'un contrat de site le 4 février dernier, mais je demande, avant tout, que l'Etat s'engage pour le maintien du site et des emplois. Le fait que Renault propose aujourd'hui à chaque salarié de Matra un poste de travail démontre, s'il en était besoin, que cette entreprise, coresponsable de la situation, avait et a les moyens de trouver un emploi à chacun sur le site même de Romorantin. Devant une telle incohérence, l'Etat ne peut pas ne pas réunir les dirigeants de Renault et de Matra pour que cette offre de mille emplois se concrétise sur place.
J'ajoute que l'entreprise Matra Venture Composite de Theillay, située entre Salbris et Vierzon, et qui emploie 400 personnes, trouverait là un soutien indispensable.
Pourtant, cela ne suffirait pas à surmonter une dégradation importante de l'activité économique sur l'ensemble de ce bassin d'emplois.
C'est pourquoi, en second lieu, le soutien de l'Etat doit prendre une dimension exceptionnelle et porter sur tout le secteur géographique concerné. En effet, les villes de Romorantin, Salbris et Vierzon - voire le nord de l'Indre -, séparées seulement par quelques dizaines de kilomètres, subissent, avec quasiment la même intensité, cette régression industrielle, économique et sociale.
Je vous demande donc de faire en sorte que la ville de Vierzon et son bassin d'emploi - situés de plus au coeur du champ des restructurations en cours dans le secteur de la défense - fassent partie intégrante du prochain contrat de site envisagé. Je répète, en effet, que ce territoire est celui de la région Centre qui a le plus fort taux de chômage.
Dans ces conditions, vous comprendrez aisément que je souhaite, avec l'ensemble des élus du Vierzonnais, que vous n'accompagniez pas le déclin économique que nous constatons, et que l'Etat ne remette pas en cause la réalisation du train pendulaire Paris-Orléans-Vierzon-Limoges-Toulouse ; qu'il revienne sur les décisions amputant le lycée Henri Brisson des classes préparatoires et de postes d'enseignant sans même avoir défini une nouvelle dynamique pour cet établissement, alors que les enseignants eux-mêmes ont élaboré un plan de développement des enseignements ; qu'il confirme l'ouverture de la licence professionnelle décidée au CIADT de 2001 et qu'il autorise l'ouverture d'une seconde licence professionnelle ; qu'il redote l'académie du Cher de deux postes pour empêcher les suppressions injustes dans deux écoles dont l'une est en ZEP ; qu'il demande à ses services publics et entreprises publiques - EDF, La Poste, SNCF -, non seulement de ne pas supprimer des emplois, mais d'en créer.
Tout en évitant des dispositions négatives, l'Etat doit appuyer des mesures positives : d'abord en accélérant la mise en oeuvre des décisions du CIADT de juillet 2001 en faveur de Vierzon, notamment la création d'un centre de séminaires et de culture scientifiques et techniques à Vierzon, la création d'une licence professionnelle et le développement des formations professionnelles supérieures et universitaires, la mise en place d'un « Port Sec », ce qui suppose notamment que l'Etat encourage la SNCF à développer le fret ferroviaire, accélère la réalisation de l'électrification Tours-Vierzon, contribue à aider les espaces logistiques du bassin d'emploi et la réalisation d'un centre routier à Vierzon ; ensuite, en demandant au préfet du Loir-et-Cher, chargé de coordonner la préparation du contrat de site, de bien vouloir tenir une réunion avec les élus de Vierzon et du Vierzonnais, afin d'examiner leurs propositions pour la revitalisation du bassin.
Les habitants du bassin Vierzon-Romorantin-Salbris attendent naturellement autre chose que de la compassion et le Gouvernement a l'occasion de montrer son engagement pour ces territoires meurtris en répondant favorablement, entre autres, à mes quatre demandes : examiner une solution industrielle sur le site de Romorantin et prévoir le soutien de MVC Theillay, accélérer la mise en oeuvre des projets structurants et fondateurs inscrits dans le CIADT de juillet 2001 et dans le contrat de plan Etat région 2000-2006, maintenir les services de l'Etat et les services publics, permettre à tous les élus du Vierzonnais de faire part de leurs propositions pour dynamiser leur bassin d'emploi avec ceux de Romorantin et Salbris.
Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire, sur chacun de ces points, quelle est et quelle sera l'attitude du Gouvernement et à quelle hauteur se situera l'effort financier de l'Etat pour l'ensemble de ce secteur géographique de Romorantin-Vierzon-Salbris ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, nous avons très clairement indiqué que, devant les évolutions brutales des cycles industriels auxquelles nous assistons, nous n'avons à tenir ni un discours d'impuissance ni un discours d'illusion ; nous devons, au contraire, anticiper l'évolution des cycles industriels. Comme l'Italie du Nord est aujourd'hui très fragilisée par la crise automobile de Fiat, votre bassin est très fragilisé par la crise automobile de Matra.
Nous avons, dès le 4 février, à la demande du Premier ministre, reçu l'ensemble des élus concernés en présence du président de région, des présidents des conseils généraux, des députés - dont Patrice Martin-Lalande -, pour analyser, écouter et examiner le contexte de la région Centre. Nous craignions en effet le pire, qui est arrivé : c'est-à-dire l'arrêt de la production de l'Avantime, lequel a condamné le site de Matra Automobile à Romorantin et son millier de salariés, sans compter le plan social en cours et les emplois indirects qui seront touchés. Il s'agit d'un sinistre majeur pour un territoire fragilisé. Nous constatons aujourd'hui une dépendance de plus en plus forte des territoires par rapport aux activités économiques.
Il nous reste, bien évidemment, à analyser les capacités de rebond, qui restent à définir et à développer. Nous avons la faculté de pouvoir nous appuyer sur un industriel responsable, Matra, et son actionnaire principal, le groupe Lagardère. Le Gouvernement a aussi interpellé le principal client de Matra, Renault. Les deux industriels sont évidemment concernés, d'abord par le volet social, puis par le rebond économique du bassin de Romorantin-Salbris-Vierzon.
Sur le volet social, le Gouvernement veillera à ce que la mise en oeuvre soit exemplaire en termes de dialogue social, le reclassement des salariés restant la première priorité. D'ailleurs, je ne peux que me féliciter du climat dans lequel se déroulent les négociations. J'étais hier à Orléans, au CESR, pour débattre sur les retraites, et les membres de mon cabinet ont reçu une délégation des salariés de Matra. Nous sommes tous sensibles à la douleur sociale ressentie dans ce bassin. Les propositions mises sur la table par l'industriel concernent un traitement équitable des salariés et une offre d'emploi de Renault sur ses différents sites, avec un accompagnement de Matra Automobile.
Sur le volet territorial, il convient d'élaborer la convention de revitalisation, conformément à l'article 118 de la loi de modernisation sociale, parallèlement au contrat de site, qui a pour vertu de coordonner les services de l'Etat et les actions des élus. Cela a été la première décision prise par mon ministère afin de faciliter la mise en oeuvre d'un programme de développement et la coordination des moyens. Un préfet coordonnateur, Marc Cabane, a été nommé pour installer une équipe d'ingénierie permettant d'accompagner la volonté des élus. Hier, je m'en suis ouvert avec le président de région, et je suis en permanence en contact avec les députés concernés.
Le prochain comité de site doit se réunir le 24 mars afin de déterminer une stratégie territoriale permettant de coordonner les actions de revitalisation relevant de l'entreprise et celles, complémentaires, qui seraient à la charge des pouvoirs publics. Il ne m'appartient pas, à ce stade, d'en définir le périmètre et les objectifs chiffrés puisqu'il est en cours d'élaboration. Soyez cependant convaincus que nous avons la volonté, les uns et les autres, de favoriser le rebond et le redéploiement d'activités sur ce site qui en a besoin, et qui, aujourd'hui, est traumatisé par la fermeture de Matra.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le ministre, j'ai bien écouté vos propos. Vous avez rappelé que ces territoires étaient très touchés par les problèmes de l'industrie automobile, mais il faut y ajouter également ceux de l'industrie d'armement qui durent depuis très longtemps. Je prends note que vous ne présentez pas de solution industrielle liée à la proposition de Renault de donner du travail à ces mille personnes sur le site de Romorantin. C'est regrettable.
Cela étant il convient surtout d'éviter que les services de l'Etat quittent ces territoires sous des motifs divers. En effet certains pourraient prendre prétexte de cette désertification industrielle pour estimer qu'ils ne peuvent plus maintenir une structure sur place. A cet égard, il faut résister, avoir une attitude volontariste.
En ce qui concerne l'implication du Vierzonnais dans le contrat de site, je reste un peu sur ma faim, dans la mesure où, à ma connaissance, aucun élu du Vierzonnais n'a été associé à la démarche. Ainsi vous avez indiqué que des députés avaient participé à des réunions pour préparer ce contrat de site, mais cela n'a pas été le cas pour le député du Vierzonnais que je suis. Je souhaite donc être reçu par le préfet de Loir-et-Cher qui a été nommé coordonnateur de ce contrat de site.

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Sandrier

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : fonction publique, réforme de l'Etat et aménagement du territoire

Ministère répondant : fonction publique, réforme de l'Etat et aménagement du territoire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2003

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