plans de prévention des risques
Question de :
M. Pierre Cardo
Yvelines (7e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Pierre Cardo souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur la mise en place de PPRI dans des zones qui ont pu connaître des inondations par le passé. Le problème qui est posé est celui du traitement uniforme des inondations sans prendre en considération la nature des fleuves et rivières entre à crue lente, crue à montée rapide et à crue torrentielle, ainsi les riverains de la Seine sont traités de la même façon que ceux du Gard. Or les crues lentes de la Seine n'ont jamais provoqué autre chose que des dégâts matériels et la montée des eaux y est parfaitement prévisible. Par ailleurs, la prise par anticipation de certains plans de prévention des risques d'inondation dans les règlements fait en sorte qu'ils sont immédiatement opposables et qu'ils font apparaître des zonages entraînant une dévalorisation importante des biens sans pour autant que soit reconsidérée leur valeur fiscale. Enfin les riverains dont les biens sont inclus dans les zones à hauts risques rencontrent des problèmes importants avec leurs assurances. Si tant est que les assureurs acceptent de couvrir les risques les assurés subiront des augmentations très fortes de leurs primes, qu'ils ne peuvent pas soumettre au bureau central des assurances qui, seuls, traitent des assurances obligatoires. Il lui demande quelles mesures elle entend mettre en oeuvre pour répondre à ces questions.
Réponse en séance, et publiée le 26 mars 2003
MISE EN PLACE DE PLANS DE PRÉVENTION
DES RISQUES D'INONDATION
M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, pour exposer sa question, n° 237, relative à la mise en place des plans de prévention des risques d'inondation.
M. Pierre Cardo. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, l'organisation de l'ordre du jour de notre assemblée m'amène aujourd'hui à prolonger le débat très intéressant que nous avons eu dans la nuit du 6 au 7 mars, au cours duquel un certain nombre de thèmes majeurs ont été abordés sans que vous ayez pu apporter toutes les réponses et les garanties attendues par nos concitoyens, notamment ceux qui sont confrontés aujourd'hui à un plan de prévention des risques d'inondation, de surcroît rendu opposable par anticipation, sans aucune concertation ni information préalable de l'administration.
Si je peux comprendre l'urgence qu'il y a à agir dans des zones à crues rapides, voire torrentielles, je regrette, comme plusieurs de mes collègues siégant sur tous les bancs, que les mêmes mesures s'appliquent à l'ensemble du territoire, sans que soient prises en considération les spécificités des zones. Ainsi, au-delà de mes interventions et amendements, Mme Lignières-Cassou a très bien situé le problème : les PPRI concernent directement les habitants. Le classement brutal, administratif, parfois injustifié, et sans concertation aucune en zone rouge a pour conséquence de dévaluer des biens qui représentent souvent le fruit des économies de toute une vie.
Je sais que vous contestez les appellations de « zone rouge, orange et bleue », mais il n'empêche qu'elles sont une réalité dans tous les règlements de PPRI, documents immédiatement opposables, même s'ils sont pris par anticipation.
Au cours du débat et lors de précédentes interventions, vous avez vous-même déploré que l'administration aille parfois trop vite, mais en ne proposant comme remède que les voies de recours classiques. Or, dans ma circonscription, un recours hiérarchique formé par des communes et des riverains a été rejeté. Les riverains concernés doivent-ils avoir besoin d'ester en justice pour contrer les excès de zèle de l'administration ?
Vous avez également rappelé que les prescriptions des PPRI ne s'appliquaient qu'aux nouvelles constructions. Mais il faut savoir que cette analyse n'est partagée ni par les assureurs ni par les notaires. En effet, ces prescriptions doivent figurer dans les actes de vente et, en cas de vente, un assureur peut refuser, hélas ! de couvrir un bien.
« Je conçois que des dérapages administratifs sur les limites de zonage peuvent exister et que les zonages précis n'ont pas lieu d'être dans les PPRI pris par anticipation », aviez-vous dit, madame la ministre. Pouvez-vous donner les instructions nécessaires pour que la loi soit appliquée avec discernement et que les références aux zones soient immédiatement supprimées des PPRI, notamment de ceux rendus opposables par anticipation ? Pouvez-vous m'apporter une réponse sur la dévalorisation des biens, notamment sur la façon dont celle-ci est prise en considération sur le plan de la fiscalité ? Pouvez-vous rassurer ceux de nos concitoyens qui sont d'ores et déjà confrontés aux exigences des assureurs, au motif que leur bien est classé en zone rouge ? Enfin, pouvez-vous veiller à ce que des différences de traitement soient prévues selon que les fleuves sont à crue lente, rapide ou torrentielle, afin d'apporter ainsi des réponses plus proches de la réalité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, j'ai été sensible à votre question ; elle me rappelle nos discussions d'il y a quelques semaines, lors de l'examen du projet de loi sur les risques technologiques et naturels, mais également la circonscription dont j'ai été l'élue, elle aussi zone inondable où les crues peuvent causer de grands dommages.
Les dispositions qui conditionnent la mise en oeuvre des PPRI seront, vous l'avez noté, profondément remaniées par le projet de loi en cours d'examen. Concertation et réduction des vulnérabilités sont plus que jamais à l'ordre du jour. Et c'est en fonction de ce nouveau contexte que je tiens à vous répondre.
Vous venez de le dire, les crues présentent suivant les régions des caractéristiques différentes : elles ont une cinétique plus rapide dans le sud de la France, dans les régions dites « cévenoles », où elle peuvent être lourdes de conséquences pour la sécurité des populations. A Anduze, dans le Gard, en vingt-quatre heures, ce sont 687 litres d'eau par mètre carré qui sont tombés début septembre 2002. Mais on ne doit pas pour autant minimiser l'impact d'une crue de plaine. Les images des inondations de Prague et de Dresde, l'été dernier, liées à des crues dites lentes, ne sont pas oubliées.
Les crues de la Seine, dont on peut prévoir la survenance quelques jours auparavant, mettent a priori relativement peu en péril la vie des populations, qu'il est possible d'évacuer. Mais les dommages qu'elles sont susceptibles d'engendrer - on les estime à plus de 10 milliards d'euros en région parisienne pour une crue analogue à celle de 1910 - sont tels qu'ils justifient un effort collectif pour éviter de nouvelles implantations dans des zones inondables et réduire la vulnérabilité des implantations et infrastructures existantes. Il est par ailleurs souhaitable de ne pas multiplier les implantations de populations qui devraient ensuite être évacuées. Les plans de prévention des risques d'inondation traduisent dans les faits ces exigences par des prescriptions d'urbanisme et de construction. Le législateur a prévu que ces plans puissent être appliqués par anticipation, afin d'éviter de nouvelles implantations dans les zones inondables dans l'attente de l'approbation définitive des plans.
D'après les études menées, l'incidence de la procédure des PPR sur la valeur des biens déjà construits est généralement faible, alors qu'elle est forte sur celle des terrains non bâtis lorsqu'elle affirme leur non-constructibilité. Ces terrains inondables sont en effet moins valorisables que les terrains ne présentant pas ces risques. Il n'est pas illogique que les prix reflètent cette différence, « objectivée » et non créée par les PPR. Les bases fiscales, lorsqu'elles sont actualisées, ne peuvent que tenir compte des prix pratiqués.
La loi du 13 juillet 1982 sur l'indemnisation des biens assurés en cas de catastrophe naturelle a, en revanche, prévu que les risques de catastrophes naturelles seraient assurés sur la base d'un taux de prime unique. Le PPR n'a donc pas d'incidence sur les tarifs d'assurance correspondants et il n'a pas été observé de modulations fortes des primes de base en fonction de l'exposition au risque d'inondation. S'il en était différemment et si la loi du 13 juillet 1982 n'était pas appliquée, je ne pourrais qu'encourager les assurés victimes de telles pratiques à saisir les pouvoirs publics ou les tribunaux.
Il m'est enfin apparu important - et je parle ici en ma qualité d'élue d'une zone inondable - de revoir les conditions de mise en oeuvre des PPR, pour qu'ils soient mieux acceptés.
Depuis mon arrivée, j'ai travaillé à faire progresser le système dans deux directions : améliorer la concertation - c'est ce que vous souhaitez - et obtenir davantage de financements. Le texte sur les risques, actuellement au stade de la « petite loi », prévoit, vous le savez pour avoir été très présent cette nuit-là, une obligation de concertation au niveau départemental entre les représentants de l'Etat et les élus en ce qui concerne les PPR. Cette concertation est à même de dénouer bon nombre des conflits que vous avez à juste titre soulignés. Parallèlement, et toujours afin d'améliorer l'acceptation des PPR, vous avez adopté une disposition permettant au fonds de prévention des risques naturels de financer les travaux de prévention prescrits par les PPR approuvés. Le taux de financement envisagé par le Gouvernement sera de 30 %, et non de 25 %, le Premier ministre ayant récemment accepté de le revoir à la hausse.
M. Pierre Cardo. C'est une bonne nouvelle.
Mme le ministre de l'écologie et du développement durable. Ce cofinancement permettra à des crédits non budgétaires, j'insiste sur ce point, d'intervenir pour réduire la vulnérabilité des biens et mieux protéger les populations les plus exposées. Nous aurons du reste peut-être l'occasion, monsieur le député, au cours des lectures ultérieures, d'améliorer encore ce dispositif.
Auteur : M. Pierre Cardo
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 24 mars 2003