grande distribution
Question de :
M. Jacques Le Guen
Finistère (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jacques Le Guen attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation sur les conséquences, pour l'industrie agroalimentaire et les producteurs, du recours par la grande distribution au système des enchères inversées. Par cette pratique, des industriels présélectionnés par une enseigne doivent se connecter, via le Net, à une place de marché électronique. Ils disposent alors de quelques minutes seulement pour sous-enchérir. Il découle de cette formule une pression accrue sur les fournisseurs participant à l'appel d'offres, pression qui se répercute, au fil des enchères, sur le producteur. Selon un cabinet spécialisé, si ce procédé ne représente à ce jour que 10 % du total des transactions, il est appelé à se développer dans les années à venir. Toujours selon ce cabinet, 30 % du commerce interentreprises s'effectuera par voie électronique d'ici à la fin de l'année 2004. Alors que bon nombre de productions agricoles sont en crise, que les industries agroalimentaires évoluent dans un contexte concurrentiel croissant, avec les conséquences qui peuvent en résulter sur l'emploi salarié que ces industries, au même titre que les agriculteurs, sont confrontées à une forte et légitime exigence de qualité et de sécurité alimentaire de la part des consommateurs, exigence qui a un coût, il est permis de s'interroger sur les effets de ces enchères inversées dont le principal résultat est de réduire les prix d'achat au détriment des différents acteurs de la filière agroalimentaire, et ce sans que le consommateur en soit nécessairement le principal bénéficiaire. C'est pourquoi, face à une telle situation dont l'apport pour l'économie de notre pays dans son ensemble reste à démontrer, il lui demande les mesures que le Gouvernement entend prendre pour « moraliser » cette pratique des enchères inversées.
Réponse en séance, et publiée le 2 avril 2003
PRATIQUE DES ENCHÈRES INVERSÉES
DANS LE SECTEUR AGROALIMENTAIRE
M. le président. La parole est à M. Jacques Le Guen, pour exposer sa question, n° 269, relative à la pratique des enchères inversées dans le secteur agroalimentaire.
M. Jacques Le Guen. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, je voudrais évoquer ce matin un point particulier des relations entre la grande distribution et les acteurs de la filière agroalimentaire, industriels comme producteurs, à savoir le développement des enchères inversées. Vous me permettrez d'associer à cette démarche mon collègue Gérard Lorgeoux, député du Morbihan, qui suit également cette question avec beaucoup d'attention.
Depuis quelques mois, on assiste, dans le secteur de l'alimentaire, à un recours croissant, de la part des distributeurs, à la pratique des enchères inversées, pour pourvoir à des besoins de produits sur une période déterminée, de l'ordre de six mois à un an en général. Des industriels présélectionnés par une enseigne pour participer à l'appel d'offres doivent ainsi se connecter, via le net, à une place de marché électronique. Ils disposent alors de quelques minutes seulement pour répondre, et en général sous-enchérir, afin de demeurer compétitifs en termes de prix pour le distributeur.
Il découle de cette formule - qui met en jeu des masses financières significatives, de l'ordre de 1 à 15 millions d'euros à chaque fois - une pression accrue sur les fournisseurs participant à l'appel d'offres, pression qui se répercute à terme sur le producteur.
Alors que bon nombre de productions agricoles sont en crise, alors que les industries agroalimentaires évoluent dans un contexte concurrentiel tendu, avec les conséquences qui peuvent en résulter sur l'emploi salarié, alors que ces industries, au même titre que les agriculteurs, sont confrontés à une forte et légitime exigence de qualité et de sécurité alimentaire de la part des consommateurs, exigence qui a un coût, il est permis de s'interroger sur les effets de ces enchères inversées, dont le principal résultat est de réduire les prix d'achat au détriment des différents acteurs de la filière agroalimentaire, et ce sans que le consommateur en soit nécessairement le principal bénéficiaire.
Selon un cabinet spécialisé, si ce procédé ne représente à ce jour que 10 % du total des transactions, il est appelé à se développer dans les années à venir. Or son apport pour l'économie de notre pays dans son ensemble reste à démontrer. Aussi, monsieur le ministre, Gérard Lorgeoux et moi-même souhaitons connaître la position du Gouvernement sur cette pratique des enchères inversées, sur sa légalité, et sur les mesures susceptibles d'être prises pour la moraliser.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le député, les enchères inversées ne sont pas illicites par principe. Deux enquêtes récentes de la DGCCRF portant, l'une sur une place de marché de producteurs, l'autre sur une place de marché de distributeurs, n'ont pas mis en évidence des pratiques de fixation concertée des conditions d'achat entre les adhérents de ces plates-formes électroniques et ont montré que la part des achats réalisés par ce procédé ne dépassait pas 2 %.
Leur effet économique sur la formation du prix n'est pas nécessairement négatif à ce stade. En réalité, comme tout système d'enchères, c'est avant tout la force respective des offreurs et des acheteurs, et surtout la pénurie ou l'abondance des biens proposés à la vente, qui déterminent le niveau des prix. Dans tous les domaines, et en particulier dans celui des produits agricoles que vous connaissez bien, il est avant tout nécessaire que l'offre soit structurée et adaptée aux besoins du marché. C'est d'ailleurs la meilleure garantie pour les producteurs.
Sous l'angle juridique, la compatibilité du système des enchères inversées avec le code de commerce n'est pas dans tous les cas vérifiée avec certitude. Les conditions générales de vente et les barèmes tarifaires constituent le cadre de la négociation commerciale. Ils ont vocation à être appliqués dans les mêmes conditions à tous les acheteurs en concurrence sur un marché. S'il apparaissait, dans les faits, que les enchères inversées permettaient à un acheteur de négocier systématiquement en dehors de ce cadre, celui-ci serait alors en contradiction avec les règles du code de commerce. Indépendamment de cet aspect, une vigilance particulière va être accordée par les services de contrôle aux mécanismes de formation des prix, et en particulier des enchères. Si des moyens frauduleux étaient mis en oeuvre ou si des informations mensongères étaient diffusées pour aboutir à une baisse artificielle des prix, les dispositions de l'article L. 443-2 du code de commerce et les sanctions qui y sont prévues pourraient s'appliquer totalement.
Ainsi, les dispositions en vigueur devraient permettre d'appréhender très vite les abus éventuels qui pourraient relever de la pratique des enchères inversées. Celles-ci continueront à l'avenir, je vous demande de le croire, monsieur de député, à faire l'objet d'une surveillance tout à fait attentive par nos services de contrôle, afin qu'elles n'aboutissent pas à la dégradation de la situation du producteur.
M. le président. L'ordre du jour appellerait la question n° 259 de M. Francis Hillmeyer à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
Mais son auteur est absent et n'a pas désigné de collègue pour le suppléer. La question ne sera donc pas appelée.
Auteur : M. Jacques Le Guen
Type de question : Question orale
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : PME, commerce, artisanat, professions libérales et consommation
Ministère répondant : PME, commerce, artisanat, professions libérales et consommation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 mars 2003