Question orale n° 313 :
biocarburants

12e Législature

Question de : M. Bruno Bourg-Broc
Marne (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Bruno Bourg-Broc attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur le fait que la France se distingue dans l'étude et la production des biocarburants. Compte tenu des répercussions dans l'utilisation d'une telle forme d'énergie tant sur le plan mondial, par la protection de l'environnement, que sur le plan national, par la création d'emploi, il lui demande quelles sont les actions de soutien à l'exportation des technologies françaises que compte entreprendre le Gouvernement, notamment savoir si des possibilités sont offertes en la matière, dans le cadre du PNUD.

Réponse en séance, et publiée le 7 mai 2003

AIDES DE L'ÉTAT À L'EXPORTATION DES TECHNOLOGIES
DANS LE DOMAINE DES BIOCARBURANTS

M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, pour exposer sa question n° 313, relative aux aides de l'Etat à l'exportation des technologies dans le domaine des biocarburants.
M. Bruno Bourg-Broc. Le choix d'une politique énergétique est un enjeu majeur pour notre pays. Il y va du bien-être quotidien de chacun, de notre compétitivité de demain, de notre capacité à inscrire notre développement industriel et économique dans une logique de développement durable.
Alors qu'a lieu actuellement le grand débat sur les énergies, on sait parfaitement que la poursuite de la tendance actuelle de consommation d'énergie ne permettrait pas de tenir nos engagements issus du protocole de Kyoto. Cet accord international nous impose, ainsi qu'à une quarantaine de pays développés, de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 5,2 % sur la période 2008 à 2012.
La problématique posée par l'utilisation des biocarburants dans les transports est donc aujourd'hui un des éléments majeurs de notre politique industrielle, économique et environnementale. La Commission européenne a transmis, en novembre 2001, deux propositions de directive portant sur les biocarburants, concernant, pour l'une l'harmonisation des règles fiscales applicables aux biocarburants, et pour l'autre, la promotion de l'usage des biocarburants dans les transports sur la période 2005-2010.
La France doit se réjouir de l'adoption de cette directive, qui va dans le bon sens. Elle doit néanmoins rester très vigilante après les propos inacceptables qui ont été tenus récemment par M. Fischler.
Les propositions issues de la directive sont conformes à la politique énergétique que mène la France depuis 1992, année de l'adoption par le Parlement d'un régime fiscal visant à appliquer une défiscalisation partielle aux biocarburants.
Aujourd'hui, la France est le premier producteur européen de biocarburants, avec une production, en 2002, de 500 000 tonnes, soit environ 1 % de la consommation totale de carburants, ce qui est loin d'être suffisant eu égard aux compétences acquises par notre pays en ce domaine. Seules les énergies renouvelables sous forme liquide, dont principalement l'éthanol, ont de nombreux atouts à faire valoir. Issus de matières végétales, tels la betterave, le blé, le maïs, le colza, et bien d'autres, ces carburants permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les consommations d'énergies fossiles de 70 à 80 % lorsqu'ils remplacent l'essence ou le gazole. Ainsi l'éthanol peut être utilisé soit de manière directe, soit en mélange, en ne demandant aucune transformation de moteurs.
En outre, ces carburants de remplacement présentent une autre particularité intéressante, propre aux carburants tirés de la biomasse, tel l'éthanol. Le dégagement de CO2, dioxyde de carbone, émis, est compensé par le fait que les cultures ou les arbres d'une forêt ont consommé du carbone tout au long de leur croissance, ce qui reste un argument très positif en faveur de cette technologie.
Enfin, c'est une ouverture formidable dans le domaine des débouchés non alimentaires, très prometteuse, avec naturellement des milliers d'emplois à la clé. Nos agriculteurs, en particulier ceux de la Marne, que je connais bien, sont prêts. Ils peuvent très rapidement développer ce nouveau débouché. La filière dans son ensemble est prête à relever ce défi, à savoir, notamment, cultiver 440 000 hectares d'oléagineux contre un peu plus de 300 000 hectares aujourd'hui. Ainsi, dans mon département, la construction d'une grande distillerie à Bazancourt, qui produira à terme 3 millions d'hectolitres par an, a été étudiée en ce sens.
Cependant, il apparaît que les incitations fiscales ne sont pas à la hauteur de ce qu'elles pourraient être. Les techniques de développement des énergies renouvelables, nouvel enjeu de société, ne sont pas assez soutenues. M. le ministre de l'agriculture a, ici même, ce matin, souhaité que la valorisation non alimentaire de la production agricole soit soutenue par un renforcement des mesures nationales, notamment fiscales.
Pourtant, et alors que la directive européenne sur les biocarburants vient d'être adoptée par le Parlement européen, la France doit désormais conserver en la matière sa place de leader européen, et accéder à un statut équivalent sur le plan mondial.
Pour cela, monsieur le ministre délégué au commerce extérieur, il est important, d'une part, de développer notre filière sur les énergies renouvelables et, de ce fait, soutenir la filière éthanol et, d'autre part, d'exporter notre industrie. D'importants débouchés industriels apparaissent déjà en Europe, mais nous ne devons pas nous en contenter.
L'utilisation massive de biocarburants à l'échelle mondiale deviendra vite une réalité et nous ouvrira très rapidement de nouveaux marchés. Dès lors, nous devons être prêts à développer notre industrie de biocarburants, à la soutenir voire à l'améliorer. Aujourd'hui, la concurrence européenne et mondiale n'en est qu'à ces débuts. Or nous pouvons très largement rivaliser avec les pays ayant déjà mis en place ce type d'énergie, et notre objectif doit être de nous situer parmi les premiers du marché mondial.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais vous interroger sur les actions que compte entreprendre le Gouvernement et connaître, plus précisément, votre position et celle de Mme la ministre déléguée à l'industrie.
Alors que M. le ministre de l'agriculture s'est engagé tout à l'heure à tout faire pour que soient prises les mesures nécessaires pour encourager cette filière au niveau interministériel, êtes vous prêt à vous engager sur la même voie, c'est-à-dire, sur le plan national, à chercher comment développer de nouvelles mesures d'incitation fiscales, comme l'augmentation du taux d'exonération spécifique à cette filière, afin de développer et promouvoir nos ambitions de compétitivité ? Par ailleurs, je souhaiterais savoir si le Gouvernement entend exporter les compétences de cette filière afin de promouvoir ses méthodes d'exploitation des biocarburants. Existe-t-il des possibilités en la matière dans le cadre de l'Union européenne ainsi qu'au PNUD ?
M. le président. Monsieur Bourg-Broc, je ne vous ai pas interrompu compte tenu de l'importance du sujet que vous avez développé. Mais je rappelle la règle, à savoir que la question du député et la réponse du ministre ne doivent pas - au total - excéder cinq minutes. Or nous en étions à cinq minutes trente il y a une minute !
La parole est à M. le ministre délégué au commerce extérieur.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Si je comprends bien, il me reste un temps... négatif !
M. le président. Moins deux minutes ! (Sourires.)
M. le ministre délégué au commerce extérieur. La question de M. Bourg-Broc est excellente dans la mesure où elle fait le tour de tous les aspects des biocarburants. Ceux-ci comportent l'éthanol et le diester, pour lesquels effectivement, la France mène depuis des années une politique active de soutien.
Je suis très heureux que, ce matin, mon collègue Hervé Gaymard ait annoncé sa volonté de tout faire pour développer l'aspect agricole de la production des biocarburants et tout particulièrement dans votre département. Ainsi, les projets que vous avez évoqués pourront prendre corps.
Ces projets ont au moins quatre objectifs, que vous avez cités.
D'abord, un objectif énergétique : tout ce que l'on pourra produire comme biocarburant viendra en déduction de notre facture pétrolière, ce qui est appréciable.
Un objectif environnemental, ensuite. Le Président de la République et le Gouvernement ont pris des initiatives fortes en vue de faire respecter les accords de Kyoto et donc de renforcer la lutte contre l'effet de serre. Notre pays est extrêmement engagé dans cette politique
Le troisième enjeu est l'exportation des technologies dont vous avez aussi parlé. Dans ce domaine, la France dispose, en effet, de nombreuses technologies. L'Institut français du pétrole les a étudiées. Il existe des dispositifs de soutien à ces exportations. Ils sont opérationnels et déjà pratiqués. Il ne faudrait pas, à cet égard, oublier l'aspect multilatéral : nous pouvons négocier avec des pays qui sont très actifs dans le domaine de l'éthanol, comme le Brésil. Avoir avec eux une vision commune sur l'importance de ces technologies, de leur application et de leur utilisation sur le plan énergétique, constitue un atout dans les autres négociations tant bilatérales que multilatérales.
J'en viens enfin à l'aspect fiscal, qui est un peu plus complexe. En effet, cette filière n'est pas aussi économique que le pétrole. Même si nous sommes déterminés à l'encourager, nous sommes bien conscients que l'exercice a des limites, celles du prix de revient de ces dispositifs et de la perte de recettes fiscales qui résulterait de leur application élargie.
Les études doivent donc être poursuivies sur ce sujet. Elles doivent aboutir puisque tous les autres objectifs sont extrêmement positifs. Une analyse approfondie des questions fiscales et financières doit permettre de rentabiliser cette filière.

Données clés

Auteur : M. Bruno Bourg-Broc

Type de question : Question orale

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : industrie

Ministère répondant : industrie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 5 mai 2003

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