Question orale n° 350 :
déchets ultimes

12e Législature

Question de : M. Kléber Mesquida
Hérault (5e circonscription) - Socialiste

M. Kléber Mesquida attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur l'installation d'un centre de stockage de déchets ultimes sur la commune de Riols dans l'Hérault. La découverte, à l'examen du dossier soumis à l'enquête publique, de la présence dans le sous-sol du site en question de la seule nappe aquifère karstique patrimoniale de l'Ouest héraultais et répertoriée dans le SDAGE Rhône-Méditerranée-Corse, nécessite des compléments d'enquête. De plus, les fractures géologiques font craindre le pire en matière de risques de pollutions. C'est pourquoi l'ensemble des institutions (collectivités publiques et organismes socioprofessionnels) a émis un avis défavorable. Malgré cela, les services de l'Etat seuls semblent tenir à ce projet. Aussi souhaite-t-il vivement que le principe de précaution soit appliqué et il lui demande de saisir le préfet de l'Hérault afin de surseoir à toute décision tant que l'expertise hydrogéologique promise n'a pas été réalisée.

Réponse en séance, et publiée le 28 mai 2003

EXPERTISE HYDROGÉOLOGIQUE PRÉALABLE
AU PROJET DE STOCKAGE DE DÉCHETS
ULTIMES À RIOLS DANS L'HÉRAULT

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida, pour exposer sa question, n° 350, relative à l'expertise hydrogéologique préalable au projet de stockage de déchets ultimes à Riols dans l'Hérault.
M. Kléber Mesquida. Monsieur le président, j'ai adressé à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable, les 7 janvier et 10 février derniers, deux courriers relatifs au projet de centre de stockage de déchets ultimes sur la commune de Riols dans l'Hérault. Quatre mois et demi après, n'ayant pas reçu de réponse sur le fond, je me vois contraint d'adopter la procédure des questions orales.
Nous avons découvert, en examinant le dossier soumis à l'enquête publique, la présence dans le sous-sol du site en question de la seule nappe aquifère karstique patrimoniale de l'ouest héraultais, répertoriée dans le SDAGE Rhône-Méditerranée-Corse.
Les fractures géologiques nous font craindre le pire en matière de risques de pollutions, comme cela ressort de l'analyse de Michel Bakalowicz, hydrogéologue du Bureau de recherche géologique et minière : « Les éventuelles fuites de lixiviats pourraient se déplacer dans la masse des schistes à travers les zones altérées et parvenir au contact des dolomies pour y être absorbées. Le vallon établi dans les schistes, qui doit accueillir la décharge, se termine contre les dolomies. Il y a des chances pour qu'au contact entre schistes et dolomie, se soient élargies les fractures, et même peut-être développées des cavités, permettant l'absorption des eaux superficielles et alimentant ainsi des écoulements souterrains. Comme les schistes sont altérés près de la surface, les écoulements dans les dolomies peuvent ne pas être facilement détectables. C'est un point sensible du projet. »
Toutes les institutions - collectivités publiques, communes, communautés de communes, parc naturel régional, conseil général et organismes socioprofessionnels - ont émis un avis défavorable.
Je souhaite vivement que le principe de précaution, auquel je sais que Mme Bachelot est attachée, soit appliqué : pourrait-on demander au préfet de l'Hérault de surseoir à toute décision tant que l'expertise hydrogéologique promise publiquement par le sous-préfet de Béziers n'est pas réalisée ?
Par ailleurs, l'exploitant a l'obligation de réaliser deux accès distincts à la RN 112 à la demande expresse des services d'incendie et de secours. Cette obligation ne peut être satisfaite pour des raisons techniques liées à la sécurité, mais aussi à cause d'une absence de maîtrise de l'emprise foncière nécessaire.
Eu égard à ces éléments, le permis de construire a été refusé par arrêté du 9 mai 2003.
Comment le préfet pourrait-il alors accorder une autorisation d'exploiter un site enclavé donc inaccessible ?
Les services de l'Etat ne doivent pas se précipiter. Avant de décider, il convient de tout mettre en oeuvre pour mesurer et évaluer précisément les risques encourus par les populations et les générations à venir. Personne ne pourrait comprendre que le préfet impose autoritairement et contre tous une décision qui serait favorable aux intérêts privés, mais qui pourrait affecter de manière irréversible la qualité des eaux de tout un bassin de vie.
Merci pour la bienveillante attention qui sera accordée à cette question sensible.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au développement durable.
Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le député, les centres de stockage de déchets ménagers et assimilés sont soumis à autorisation préalable au titre de la législation sur les installations classées.
La société SITA SUD a déposé en septembre 2002 une demande d'autorisation d'exploiter un tel centre sur la commune de Riols, au lieudit Tanarès, à promixité immédiate de la commune de Saint-Pons-de-Thonières.
Ce site figure dans la liste des meilleures localisations favorables pour l'implantation d'un centre de stockage de déchets dans une étude commandée par le syndicat mixte pour l'élimination des déchets de la zone ouest de l'Hérault.
Conformément à la réglementation, le projet a été soumis à enquête publique du 13 novembre au 20 décembre 2002. Il a fortement mobilisé les riverains, constitués en associations de défense.
Le commissaire enquêteur a émis un avis favorable, en insistant sur la nécessité de mettre en place une installation conforme à la règlementation afin qu'il soit possible de procéder dans les meilleurs délais à la fermeture des décharges illégales ou sauvages du secteur. Constatant le manque d'installations de traitement en amons préalablement à la mise en décharge, il a accompagné son avis d'une recommandation forte à l'adresse du syndicat mixte de faire réaliser les centres de tri et unités de compostage nécessaires.
Les craintes des riverains et des élus portent essentiellement, comme vous l'avez rappelé, sur le contexte hydrogéologique du site.
Les éléments du dossier font état d'un sous-sol de faible perméabilité ne renfermant pas de nappe aquifère. Le site est totalement déconnecté des formations karstiques qui constituent le réservoir de l'aquifère patrimonial de la région.
L'expertise déjà réalisée en 1993 par un bureau d'études concluait que, de par leur nature, les terrains répondaient aux contraintes réglementaires pour un centre de stockage de ce type. Des réserves avaient toutefois été émises sur une zone de bordure faisant l'interface avec une autre formation géologique.
Le conseil départemental d'hygiène a émis un avis favorable sur ce projet en excluant la zone de bordure pour le stockage des déchets et en prescrivant des dispositions spécifiques d'aménagement.
Afin de lever les doutes pouvant subsister, nous avons demandé à M. le préfet de l'Hérault de diligenter une étude hydrogéologique supplémentaire. Celui-ci nous a informés qu'il avait décidé de surseoir à sa décision dans l'attente de cette expertise.
Nous avons bien conscience des difficultés que soulève tout nouveau projet de traitement des déchets. En l'espèce, le préfet et ses services ont veillé à ce que l'instruction de ce dossier se déroule dans le respect des règles en vigueur et ont gardé constamment le souci de l'évaluation et de la maîtrise des effets de l'installation sur l'environnement.
Nous sommes vivement préoccupés tant par la pénurie de capacités de traitement des déchets qui fait rentrer dans de nombreux départements et qui est déjà manifeste dans l'Hérault, que par l'existence de décharges illégales ou non conformes qu'il faut absolument fermer ou réhabiliter.
Chacun, à son niveau, doit affronter cette situation pour mettre en place des solutions réalistes de traitement, en conformité avec la règlementation et respectant l'environnement. La mise en oeuvre de nouveaux sites de décharge, dans la mesure où leur impact sur l'environnement est parfaitement maîtrisé, est un des moyens d'y parvenir.
M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida.
M. Kléber Mesquida. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de vos précisions. La décision du préfet de diligenter une nouvelle expertise constitue une bonne nouvelle, que nous attendions depuis cinq mois. Le fait de poser une question orale a peut-être accéléré les choses.
Il est vrai que le traitement des déchets c'est un problème de société, que nous devons tous régler à l'échelle de nos responsabiltiés respectives. Je remarque cependant, en ce qui concerne le syndicat de l'Ouest héraultais, que sur 140 000 tonnes à traiter, 100 000 le sont dans trois usines agréées et 30 000 vont l'être sur un site que le syndicat mixte vient d'acquérir, sur Castanet et Rosis. Il ne reste donc que 10 000 tonnes à traiter, et deux études complémentaires sont en cours. Un projet surdimensionné de 100 000 tonnes, avec les problèmes de pollution qu'il engendre, n'est donc pas aujourd'hui opportun. Je pense que l'expertise du BRGM confirmera nos craintes à l'égard des pollutions. Quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre diligence.

Données clés

Auteur : M. Kléber Mesquida

Type de question : Question orale

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : écologie

Ministère répondant : écologie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mai 2003

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