Question orale n° 37 :
réglementation

12e Législature

Question de : M. Claude Birraux
Haute-Savoie (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Claude Birraux attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur le fait que le conseil général de la Haute-Savoie collabore depuis de nombreuses années avec les autorités suisses dans le cadre de deux institutions de coopération transfrontalière que sont le comité régional franco-genevois (créé en 1974) et le conseil du Léman (créé en 1987). La Suisse ne faisant pas partie de l'Union européenne, la collaboration transfrontalière se heurte à de nombreux obstacles de nature juridique qui nuisent à la mise en place d'actions concrètes. Or, la nécessité de coopérer est devenue d'autant plus indispensable que la récente application des accords bilatéraux (juin 2002), conclus entre la Suisse et l'Union européenne, a des conséquences lourdes pour les collectivités de la zone frontalière. Par conséquent, le département de la Haute-Savoie souhaiterait, dans le cadre de la future loi de décentralisation, pouvoir prendre des initiatives dans le domaine de la coopération avec la Suisse voisine. Aussi, dans cet objectif, il souhaiterait connaître les structures juridiques nouvelles sur lesquelles ces initiatives pourraient se reposer. Parallèlement, il demande si le département de la Haute-Savoie peut bénéficier sur son territoire des dispositions contenues dans l'accord de Karlsruhe et plus particulièrement de celles qui pourraient apporter la personnalité juridique aux institutions existantes.

Réponse en séance, et publiée le 4 décembre 2002

CONDITIONS JURIDIQUES
DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE
DE LA HAUTE-SAVOIE AVEC LA SUISSE

M. le président. La parole est à M. Claude Birraux, pour exposer sa question, n° 37, relative aux conditions juridiques de la coopération transfrontalière de la Haute-Savoie avec la Suisse.
M. Claude Birraux. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Le conseil général de Haute-Savoie collabore depuis de nombreuses années avec les autorités suisses proches de la frontière : depuis 1974, dans le cadre du comité régional franco-genevoix, dont fait également partie le département de l'Ain, et dont l'Etat assure la coprésidence ; depuis 1987, dans le cadre du conseil du Léman, qui regroupe les départements de l'Ain, de la Haute-Savoie, et les cantons suisses de Genève, de Vaud et du Valais, dont la présidence tournante est assurée par les élus et au sein duquel l'Etat a un poste d'observateur. Je signale également la coopération tripartite qui s'est nouée au sein de l'espace Mont-Blanc entre Chamonix, le Valais et le Val d'Aoste.
A l'origine, ces institutions de coopération transfrontalière devaient étudier les problèmes de voisinage et adresser des recommandations aux Etats qui se réunissent dans une commission faîtière franco-suisse où la France est représentée par de hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et la Suisse par de hauts fonctionnaires accompagnés de représentants élus des cantons suisses.
Toutefois, les institutions de coopération transfrontalière ne se sont pas contentées d'adresser des recommandations à leurs gouvernements, elles ont engagé des actions concrètes de coopération. Si, au stade des études dont sont si friands certains services et consultants, qui concluent d'ailleurs trop souvent qu'une étude complémentaire est nécessaire - il faut bien vivre (Sourires) -, il n'y a pas eu de gros problèmes de mise en oeuvre, l'étape ultérieure de réalisation est plus délicate.
En effet, ces organismes n'ont pas la personnalité juridique et ne peuvent donc avoir de budget propre. Bien sûr, cela n'empêche pas le conseil du Léman d'éditer un bulletin de liaison, mais c'est au prix de complications administratives où se fatiguent même les énergies les plus robustes, alors que, du côté suisse, un compte commun aux trois cantons, géré par un comptable qu'ils ont désigné d'un commun accord, leur simplifie la vie.
Pour la France comme pour la Suisse, cette coopération transfrontalière est permise par la convention de Madrid du Conseil de l'Europe et par sa convention additionnelle, mais la Suisse ne fait pas partie de l'Union européenne, ce qui complique bien les choses pour mener des actions concrètes. La nécessité de coopérer est devenue d'autant plus indispensable que l'application des accords bilatéraux signés entre la Suisse et l'Union européenne est effective depuis le 1er juin 2002 et a des conséquences lourdes pour les collectivités de la zone frontalière.
372a L'aménagement du territoire est un enjeu capital et la charte d'aménagement du territoire franco-suisse a retenu neuf projets pilotes. Pour leur mise en oeuvre, il faudrait imaginer des structures nouvelles binationales qui soient dédiées à des actions spécifiques et qui soient opérationnelles d'une manière simple.
Les élus de Haute-Savoie, et singulièrement moi qui suis chargé des relations transfrontalières au conseil général, aimeraient savoir quelles perspectives la future loi de décentralisation ouvrira pour des structures juridiques nouvelles sur lesquelles les initiatives locales pourraient reposer. A défaut, le Gouvernement est-il disposé à accepter, pour la Haute-Savoie, les dispositions contenues dans l'accord dit de Karlsruhe, notamment celles qui permettraient de doter de la personnalité juridique les institutions existantes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, cette question est d'une grande importance pour le développement des départements de l'Ain, et de la Haute-Savoie et, plus généralement, du bassin alémanique, d'autant plus que les 35 000 frontaliers français qui travaillent dans les cantons de Genève et de Vaud bénéficient d'une coopération transfrontalière, autour de Genève, qui est appelée à se développer en raison de l'entrée en vigueur, en juin 2002, des premiers accords bilatéraux entre l'Union européenne et la Suisse.
Je dois tout d'abord rappeler la qualité du travail effectué depuis de nombreuses années de part et d'autre de la frontière franco-suisse par les deux organismes de coopération que vous citez, d'une part, le conseil du Léman créé par la convention du 19 février 1987 entre les départements de l'Ain, de la Haute-Savoie et les cantons de Genève, de Vaud et du Valais, et, d'autre part, le comité régional franco-genevois institué par échange de lettres diplomatiques entre la France et la Suisse le 12 juillet 1973. Le comité régional franco-genevois a, par exemple, élaboré une charte d'aménagement de l'espace qui a été approuvée par les gouvernements français et suisse le 24 juin 1998, lors de la seizième réunion de la commission mixte franco-suisse. L'une des premières réalisations importantes prévues dans cette charte, la création d'un pôle de développement transfrontalier autour de l'aéroport de Genève qui s'étendra sur les territoires des communes françaises frontalières, devrait prochainement donner naissance à une société d'économie mixte locale franco-suisse.
Pour répondre plus particulièrement à la partie de votre question concernant les futures lois de décentralisation, je souhaite souligner que le Premier ministre a demandé que soient étudiées des mesures destinées à faciliter la coopération transfrontalière des collectivités territoriales françaises. C'est un sujet majeur. Le ministre des affaires étrangères est associé à la réflexion interministérielle en cours et je peux vous assurer que, à l'occasion des assises des libertés locales organisées sur l'ensemble du territoire, le Gouvernement est particulièrement attentif aux propositions formulées par les élus locaux en matière de coopération transfrontalière.
Monsieur le député, vous demandez également si le département de la Haute-Savoie pourra bénéficier des dispositions de l'accord conclu à Karlsruhe le 23 janvier 1996 entre la France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et les organismes publics locaux. Votre question est pleinement justifiée car l'instrument du groupement local de coopération transfrontalière prévu par l'accord de Karlsruhe donnerait la personnalité juridique et l'autonomie financière à ces organismes de coopération transfrontaliers créés entre les collectivités françaises et suisses, y compris les cantons. Le Gouvernement vous répond de façon positive. Rejoignant en effet votre demande, il souhaite que l'accord de Karlsruhe, aujourd'hui uniquement applicable en Alsace et en Lorraine, soit étendu aux régions Franche-Comté et Rhône-Alpes. Cette extension prendrait simultanément effet en Suisse dans les cantons frontaliers concernés de Genève, de Vaud et du Valais, c'est-à-dire dans le champ géographique du conseil du Léman et du comité régional franco-genevois.
Les autorités suisses ont été sollicitées sur cette question. Compte tenu du dispositif institutionnel helvétique, une décision à ce sujet nécessite non seulement une consultation des cantons concernés, mais également des cantons déjà couverts par l'accord. Des développements nouveaux sur cette question, qui, je l'espère, seront favorables, sont donc susceptibles d'intervenir dans les prochains mois.
M. le président. La parole est à M. Claude Birraux.
M. Claude Birraux. Il me reste à vous demander, monsieur le ministre, de transmettre mes remerciements à votre collègue M. le ministre des affaires étrangères. J'ajouterai simplement ceci : osez, continuez à oser et à simplifier la vie des élus de part et d'autre de la frontière, parce que nous avons des problèmes à résoudre ensemble.

Données clés

Auteur : M. Claude Birraux

Type de question : Question orale

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 décembre 2002

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