Question orale n° 423 :
aide médicale urgente

12e Législature

Question de : M. Michel Raison
Haute-Saône (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Michel Raison appelle l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la pénurie des médecins hospitaliers urgentistes que subissent la grande majorité des centres hospitaliers, et plus particulièrement ceux situés en milieu rural qui ne présentent pas les mêmes conditions d'attractivité que ceux implantés dans les centres urbains. La tentation de la concentration des services médicaux est souvent justifiée par la volonté d'assurer aux patients une sécurité optimale (matériels modernes et performants, personnels spécialisés). Par exemple, la maternité de Luxueil-les-Bains a été transférée sur le site de Vesoul. Toutefois, nous nous devons de veiller à ce que cette orientation qualitative n'entraîne pas des excès profondément regrettables. En effet, une concentration excessive des moyens hospitaliers ruinerait tous les efforts entrepris par les élus locaux en faveur d'un aménagement équilibré du territoire qui offre aux populations des conditions de vie agréables mais également sûres. Le grand débat national sur les infrastructures l'a ainsi démontré : il serait irresponsable de ne construire des routes qu'en fonction des comptages de véhicules et d'accompagner le développement là où il se trouve déjà naturellement. Tout le monde n'habitera pas en ville ou en milieu péri-urbain et il est inacceptable que des pans entiers du territoire et des populations qui y vivent soient abandonnés. Dans cette logique, la question de l'accès aux soins se pose encore plus cruellement, surtout pour les soins d'urgence car, dans le cas présent, il s'agit bien de sauver des vies. C'est pourquoi, face au sentiment d'insécurité qu'éprouve localement la population, il faut signaler la situation du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône qui gère trois sites éclatés sur les communes de Vesoul, Lure et Luxeuil-les-Bains. En raison de la pénurie en médecins urgentistes, le risque existe que l'accueil des services d'urgence de Lure et de Luxeuil soient totalement fermés la nuit, de 24 heures à 8 heures du matin, sans autre recours que le standard téléphonique du SAMU ou un médecin libéral d'astreinte. Plus grave encore, les SMUR de Luxeuil-les-Bains et de Lure pourraient être regroupés en une seule entité, basée à Lure. Il est vrai que des tensions internes compliquent l'organisation des urgences sur les trois sites alors même que, pour une fois, les budgets existent pour garantir les recrutements. Il est également vrai que les équipages SMUR de Lure et de Luxeuil sont distants de seulement 20 kilomètres (moins de 10 minutes de trajet avec la nouvelle voie rapide prochainement mise en chantier par le conseil général). Toutefois, il est inconcevable de n'intégrer que les délais d'intervention entre ces deux pôles. Il faut bien au contraire prendre en compte la réalité géographique de ce secteur, très étendu, et dont les extrémités ne peuvent raisonnablement être couvertes par un seul SMUR. En outre, le poids démographique du bassin de population que représenterait la totalité de la zone couverte ne peut se satisfaire d'un seul SMUR. Cette régression du niveau d'accès aux soins d'urgence pour des secteurs à dominante rurale est inacceptable. En conséquence, il souhaite l'interroger sur : les mesures prises pour résorber le déficit en médecins urgentistes ; la possibilité de recruter des médecins urgentistes étrangers et les moyens mobilisés pour faire appliquer la circulaire n° 195 du 16 avril 2003 sur la prise en charge des urgences, notamment le point d du 2e chapitre relatif au maillage du territoire par les SMUR : « Vous veillerez à ce que les SMUR maillent suffisamment le territoire de votre région. Dans certains cas, et lorsque l'accès des soins n'est pas assuré, les SMUR doivent être renforcés, pour permettre une gestion du risque immédiat qui met en jeu le pronostic vital, dans les délais nécessaires. »

Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2003

PÉNURIE DE MÉDECINS HOSPITALIERS URGENTISTES
EN MILIEU RURAL

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour exposer sa question, n° 423, relative à la pénurie de médecins hospitaliers urgentistes en milieu rural.
M. Michel Raison. Madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, vous savez la pénurie de médecins hospitaliers urgentistes que connaît la grande majorité des centres hospitaliers, en particulier ceux qui sont situés en milieu rural, du fait de moindre attractivité de ces zones. La tentation est grande dès lors de concentrer les services médicaux. Cette concentration est souvent justifiée par le souci d'assurer aux patients une sécurité optimale grâce à un matériel plus moderne et du personnel plus spécialisé. Ainsi, dans ma circonscription, la maternité de Luxeuil-les-Bains a été transférée à Vesoul, ce que je peux fort bien comprendre.
Toutefois, nous nous devons de veiller à ce que cette orientation qualitative n'entraîne pas des excès profondément regrettables. En effet, une concentration excessive des moyens hospitaliers ruinerait tous les efforts entrepris par les élus locaux en faveur d'un aménagement équilibré du territoire. Cet équilibre offre aux populations des conditions de vie agréables, mais aussi des conditions de sécurité minimum. Le grand débat national sur les infrastructures l'a bien démontré. Il serait irresponsable de ne construire des routes qu'en fonction des comptages de véhicules - c'est ce que j'appelle le développement boule de neige. De même, il est inacceptable que des pans entiers du territoire et des populations soient abandonnés.
Dans cette logique, la question de l'accès aux soins se pose encore plus cruellement, surtout pour les soins d'urgence car, dans ce cas, il s'agit bien de sauver des vies.
Ma question porte sur la situation du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône qui gère trois sites, Luxeuil, Lure et Vesoul. En raison de la pénurie de médecins urgentistes, l'accueil en consultations non programmées, non urgentes de Lure et de Luxeuil est fermé de minuit à huit heures du matin. Plus grave, les SMUR de Luxeuil et de Lure doivent être regroupés en une seule entité qui pourrait être basée à Lure, selon les propositions du conseil d'administration.
Cela, je ne peux pas l'accepter. Les budgets existent pour garantir les recrutements et nous devons tout faire pour maintenir ces deux SMUR, car ils constituent une véritable « assurance-vie » pour un bassin de population important. Les délais d'intervention entre ces deux pôles qui peuvent paraître proches - une quinzaine de minutes - ne prennent pas en compte la réalité géographique de notre secteur très étendu et dont les extrémités ne peuvent raisonnablement être couvertes par un seul SMUR ; j'ajoute que le poids démographique du bassin de population de Lure-Luxeuil est tel que nous ne saurions nous satisfaire d'un unique SMUR.
En conséquence, madame la secrétaire d'Etat, je voudrais savoir quelles mesures ont été prises pour résorber le déficit en médecins urgentistes ? Est-il possible de recruter des médecins étrangers ? Enfin, quels moyens entendez-vous mobiliser pour faire appliquer la circulaire n° 195 du 16 avril 2003 sur la prise en charge des urgences, notamment le « d » du chapitre II relatif au maillage du territoire par les SMUR : « Vous veillerez à ce que les SMUR maillent suffisamment le territoire de votre région. Dans certains cas, et lorsque l'accès aux soins n'est pas assuré, les SMUR doivent être renforcés pour permettre une gestion du risque immédiat qui met en jeu le pronostic vital, dans les délais nécessaires. »
Nous sommes, à Lure et à Luxeuil, exactement dans ce cas de figure, madame la secrétaire d'Etat, et ma question pourrait fort bien se transformer en cri d'alarme !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le député, la situation des urgences à Lure et à Luxeuil préoccupe les autorités publiques depuis de nombreuses années. Récemment, ces deux sites ont fait l'objet d'une mission animée par un professionnel qui a préconisé une organisation fondée sur un service d'accueil des urgences et un SMUR. Cette organisation prenait en compte la réalisation prochaine d'une voie de circulation rapide entre Lure et Luxeuil.
Les travaux de réhabilitation, menés sous l'égide de l'ARH, ont permis de faire délibérer le conseil d'administration, au mois de mai dernier, sur l'organisation d'une prise en charge par les services d'urgence qui permette d'assurer et de maintenir une permanence de soins de bon niveau.
C'est ainsi qu'on dispose maintenant, à Lure, d'une unité de proximité d'accueil, de traitement et d'orientation des urgences - une UPATOU -, ouverte 24 heures sur 24, et d'un SMUR, tandis qu'à Luxeuil un accueil diurne des urgences est maintenu, entre huit heures et minuit, par les services de médecine et de chirurgie. Je souligne, à cet égard, que l'activité des services d'urgence au-delà de minuit est aujourd'hui très faible - de l'ordre d'un seul patient.
Cette organisation sera complétée, à Luxeuil, par une maison médicale au sein du centre hospitalier dont l'ARH a inscrit le financement, dans le cadre du plan Hôpital 2007, dès l'année 2003.
Par ailleurs, vous attirez l'attention du ministre de la santé sur les difficultés de recrutement de médecins urgentistes. Les problèmes démographiques que nous connaissons actuellement ne pourront être résolus immédiatement. C'est pourquoi le ministre a décidé de relever progressivement le numerus clausus qui s'applique aux études médicales et, dès 2003, nous augmenterons le nombre de postes de spécialistes.
Enfin, je tiens à vous assurer que M. Mattei est, comme vous l'êtes et comme je le suis moi-même, soucieux de permettre à chacun de nos concitoyens d'accéder, dans des délais raisonnables, à des soins de premiers secours. C'est pourquoi il a demandé à l'ARH de porter une attention vigilante à la situation de Lure et de Luxeuil, afin de suivre les résultats sanitaires du dispositif qui sera mis en oeuvre.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Vous décrivez littéralement, madame la ministre, ce qui risque de se produire et que je dénonce. Je ne sais pas chanter, et je ne chanterai donc pas dans l'hémicycle, mais je ne peux accepter qu'il ne reste qu'un seul SMUR pour Lure et Luxeuil. Je continuerai donc le combat pour qu'on en maintienne deux, même s'il faut provisoirement, faute d'urgentistes, se limiter à assurer le fonctionnement d'un seul d'entre eux.
Je ne confonds pas le SMUR avec la maison médicalisée destinée à l'accueil de nuit des patients pour des soins non programmés. Peut-être cette autre structure n'accueille-t-elle pas beaucoup de patients, mais il s'agit là d'un autre dossier, et nous ne pourrons pas nous passer du SMUR.
Lorsque celui-ci sera suspendu - parce que je ne veux parler, à l'heure actuelle, que de suspension -, nous courrons le risque que des vies ne soient pas sauvées, et nous ne pouvons l'accepter.

Données clés

Auteur : M. Michel Raison

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2003

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