déchets ménagers
Question de :
M. Thierry Mariani
Vaucluse (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Thierry Mariani souhaite appeler l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les raisons de la fermeture au mois d'avril dernier de l'usine d'incinération d'ordures ménagères située sur le territoire de la commune d'Orange dans le Vaucluse. Cette fermeture a fait suite tardivement à l'arrêté préfectoral de mise en demeure de suspension d'activité pris en date du 9 février 2001. En effet, il semblerait que cet incinérateur ait été fermé en raison de sa non-conformité aux dispositions du code de l'environnement. Les rejets de dioxine de cette usine auraient été ainsi largement supérieurs au taux admis. Les habitants d'Orange, qui n'ont bénéficié à ce jour d'aucune information officielle sur ce dossier, sont particulièrement inquiets. Dans l'éventualité où cet incinérateur serait à l'origine d'une importante pollution par des dioxines et les produits chimiques, les Orangeois sont aujourd'hui légitimement en droit de connaître des informations précises sur les taux de dioxine contenus dans les fumées et les conséquences de ces rejets sur la santé et éventuellement sur les productions agricoles de la région. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer, d'une part, si elle confirme l'existence éventuelle de tels rejets de dioxine et, d'autre part, la nature de la nocivité qu'aurait subi la population riveraine de cet incinérateur, ainsi que les cultures agricoles environnantes. Dans l'hypothèse d'un réel danger de santé publique, il souhaite connaître les raisons pour lesquelles la fermeture de l'incinérateur d'Orange ne s'est pas effectuée dans de meilleurs délais.
Réponse en séance, et publiée le 4 décembre 2002
CONDITIONS DE LA FERMETURE DE L'INCINÉRATEUR
D'ORDURES MÉNAGÈRES D'ORANGE
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour exposer sa question, n° 44, relative aux conditions de la fermeture de l'incinérateur d'ordures ménagères d'Orange.
M. Thierry Mariani. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable et concerne les raisons de la fermeture, au printemps dernier, de l'usine d'incinération d'ordures ménagères située sur la commune d'Orange, dans le Vaucluse.
Cette fermeture a tardivement fait suite à l'arrêté préfectoral de mise en demeure de suspension d'activité pris le 9 février 2001, c'est-à-dire il y a plus d'un an. En effet, cet incinérateur d'ordures ménagères était en infraction avec l'arrêté ministériel du 25 janvier 1991 et ne respectait pas les prescriptions applicables depuis le 1er décembre 2000.
J'appelle l'attention sur le caractère profondément anormal du maintien en fonctionnement d'un incinérateur en infraction avec la réglementation, et dont les rejets de dioxines auraient été largement supérieurs au taux admis ; il faut en effet parler au conditionnel car de nombreux habitants d'Orange n'ont bénéficié à ce jour d'aucune information officielle sur ce dossier, et ils sont particulièrement inquiets. J'ajoute que la mairie d'Orange, qui a tardé à réagir à ce problème, garde un silence aisément compréhensible. Depuis plusieurs mois, le doute plane donc chez les riverains, qui craignent d'avoir été exposés pendant de trop nombreuses années à un réel danger. D'après certaines enquêtes, le nombre de cancers décelés à ce jour parmi la population vivant à proximité de l'usine ne fait qu'accroître leur inquiétude, encore augmentée par le fait qu'on attend toujours les résultats de l'étude de contamination concernant les dioxines.
Vous comprendrez donc, madame la ministre, les nombreuses interrogations de ces personnes, qui nous saisissent régulièrement à ce sujet. Vous n'ignorez pas, en effet, la toxicité de ces composés chimiques et leurs conséquences sur la santé humaine. Outre la perturbation du fonctionnement de la thyroïde et des glandes surrénales ainsi que la diminution de l'efficacité du système immunitaire, les dioxines entraînent une augmentation des cancers des tissus mous : cerveau, foie, organes digestifs. S'il y a eu exposition régulière pendant une longue durée, comme ce fut certainement le cas, nous sommes dès aujourd'hui obligés d'avertir la population sur les risques éventuellement encourus. De plus, quelles pourraient être les conséquences de ces rejets de dioxines sur les nappes phréatiques ?
Dans l'éventualité où cet incinérateur serait à l'origine d'une importante pollution, les Orangeois sont en droit d'obtenir des informations précises sur les taux de dioxine dans les fumées, et sur les conséquences de ces rejets pour la santé et l'environnement.
Aussi, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir m'indiquer, d'une part, si vous confirmez l'existence de ces rejets de dioxine, et, d'autre part, à quels effets nocifs pourrait avoir été exposée la population riveraine de cet incinérateur, ainsi éventuellement que les productions agricoles environnantes. Dans l'hypothèse d'un réel danger pour la santé publique, je souhaite connaître les raisons pour lesquelles la fermeture de l'incinérateur d'Orange ne s'est pas effectuée dans les meilleurs délais.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, à de nombreuses reprises, le ministère chargé de l'environnement, et désormais de l'écologie et du développement durable, relayé par Mmes et MM. les préfets, a souligné le caractère anormal du maintien en fonctionnement d'incinérateurs d'ordures ménagères qui étaient en infraction avec la réglementation.
Les délais fixés par la directive européenne de juin 1989 pour la mise en conformité des usines d'incinération permettaient largement aux exploitants des installations concernées de mettre en place des équipements de traitement des fumées ou de les remplacer par de nouvelles installations. Cette directive a par ailleurs été transposée en droit français il y a plus de dix ans, par l'arrêté ministériel du 25 janvier 1991.
L'usine d'incinération d'Orange, d'une capacité de trois tonnes par heure, a été ouverte en 1977. Elle n'a pas été équipée des systèmes de traitement des fumées nécessaires à sa mise en conformité avec les dispositions imposées par l'arrêté ministériel du 25 janvier 1991. Aussi, les mesures prévues par le code de l'environnement pour faire cesser une telle situation d'infraction ont été appliquées avec détermination : le préfet a signé des arrêtés de mise en demeure de respecter la réglementation et de consignation de sommes correspondant aux travaux de mise en conformité. On ne peut que regretter que la cessation d'activité ne soit intervenue qu'en avril 2002. Toutefois, j'approuve entièrement l'action du préfet qui a permis d'aboutir à ce résultat.
L'arrêté de suspension du 23 avril 2002 précise que le dossier à fournir par l'exploitant, dans le cadre de la procédure de cessation d'activité, doit comprendre une étude sur la pollution induite par l'incinérateur lors de son fonctionnement. Cette étude, qui comprend une première partie concernant les sols et une deuxième concernant l'impact sanitaire de l'installation, est en cours de réalisation. Bien entendu, je vous en communiquerai les conclusions.
Je précise que les mesures de dioxine réalisées en 2002 dans le lait produit aux environs des usines non conformes de faible capacité ont montré des résultats comparables à ceux observés en moyenne en France, excepté pour deux installations. L'étude engagée à l'usine d'incinération d'Orange comporte notamment une campagne de mesures dans l'environnement de l'installation, dans les zones de retombées maximales identifiées par la modélisation des rejets.
Aujourd'hui, toutes les usines d'incinération d'ordures ménagères d'une capacité supérieure à 6 tonnes par heure, à l'exception d'une unité, sont en conformité avec la réglementation. La situation des unités de plus faible capacité continue à s'améliorer. Il demeurait toutefois, en octobre 2002, 19 usines non conformes en fonctionnement. Par courrier du 27 juin 2002, j'ai indiqué aux préfets concernés que les actions engagées devaient être fermement poursuivies afin de conduire à l'arrêt rapide des installations en situation d'infraction maintenues en activité.
J'ai également demandé à la profession du déchet de veiller à proposer aux collectivités concernées des solutions alternatives pour le traitement des déchets éliminés dans les usines d'incinération non conformes, y compris lorsque les incinérateurs sont exploités en régie.
Par courrier du 5 novembre 2002, j'ai rappelé à nouveau aux préfets des départements où fonctionnent des incinérateurs non conformes l'importance que j'attache à voir fermer, au plus tard à la fin de l'année, toutes les installations en situation d'infraction.
Le niveau d'émission de dioxine a été très sensiblement réduit du fait de la fermeture de nombreuses usines d'incinération polluantes. Les rejets annuels sont passés de 1 500 grammes en 1992 à 300 grammes en 2001. Le niveau d'émission sera encore abaissé, dans le même ordre de grandeur, avec l'entrée en vigueur des arrêtés du 20 septembre 2002 qui transposent en droit français la directive européenne du 4 décembre 2000 sur l'incinération des déchets. Ces arrêtés s'appliqueront à compter de décembre 2005 aux installations existantes.
Monsieur le député, quand il s'agit de la santé de nos concitoyens, le principe de précaution doit prévaloir.
M. André Schneider. Absolument !
Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. La filière de l'incinération est absolument indispensable pour le traitement des déchets, ménagers ou autres, mais elle ne peut avoir sa pleine légitimité que si le respect des normes est gravé dans le bronze.
M. André Schneider. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Madame la ministre, je vous remercie pour cette réponse détaillée et précise. Comme vous, j'approuve à 100 % la décision de fermeture prise par le préfet, et je regrette, comme vous, que le précédent gouvernement ne l'ait pas prise.
J'ai noté que des études sont en cours, et je vous en remercie. Je souhaite qu'elles soient communiquées le plus rapidement possible à la population. Une seule chose m'inquiète un peu dans votre réponse, mais vous n'y êtes pour rien : si l'exploitant doit lui-même mener les études de nocivité, j'espère qu'un service de votre ministère, la DRIRE ou autre, vérifiera le résultat de ces études, car l'exploitant ne peut être à la fois juge et partie. Je vous fais confiance et je vous remercie à nouveau.
Auteur : M. Thierry Mariani
Type de question : Question orale
Rubrique : Déchets, pollution et nuisances
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 2 décembre 2002