Question orale n° 462 :
hôpitaux

12e Législature

Question de : M. Claude Birraux
Haute-Savoie (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Claude Birraux appelle l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la situation du personnel soignant en Haute-Savoie qui connaît des problèmes spécifiques engendrés par sa position frontalière, difficultés renforcées par la mise en oeuvre des accords bilatéraux Suisse-Union européenne. L'une des difficultés les plus sévères est la pénurie de personnel médical, infirmier et aide-soignant. La situation est préoccupante : parce que l'attrait de Genève et ses besoins provoquent une évasion de personnels ; parce que les besoins en Haute-Savoie vont croissants, parce que les 35 heures ont perturbé les services ; parce que la vie y est chère. Aussi, il lui demande quels sont les besoins en postes d'infirmières évalués par les services d'ici à 2010, quelle réponse en moyens de formation est envisagée et quelles pistes nouvelles peuvent être explorées et mises en oeuvre (auxiliaires médicales, formations transfrontalières).

Réponse en séance, et publiée le 15 octobre 2003

EFFECTIFS DE PERSONNEL SOIGNANT EN HAUTE-SAVOIE

M. le président. La parole est à M. Claude Birraux, pour exposer sa question, n° 462, relative aux effectifs de personnel soignant en Haute-Savoie.
M. Claude Birraux. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Vue de loin, la Haute-Savoie apparaît comme un département en expansion, jeune, riche et attrayant. Il n'empêche qu'il connaît des problèmes spécifiques engendrés par sa position frontalière, difficultés renforcées par la mise en oeuvre des accords bilatéraux Suisse-Union européenne, qui, je vous le rappelle, sont déséquilibrés, contrairement à la règle européennne habituelle où la réciprocité est intégrale. L'une des difficultés les plus sévères est la pénurie de personnel médical, infirmier et aide-soignant. La densité professionnelle des infirmiers pour 100 000 habitants est en effet de 406 en Haute-Savoie, contre 550 aux niveaux national et régional. Pour les infirmiers libéraux, elle est de 90,25, contre 107,26 au niveau national et 98 au niveau régional.
Cette pénurie a des conséquences sur toute la chaîne des soins : importante fermeture de lits au cours de l'été 2003 - 200 lits ont été fermés à l'hôpital d'Annecy, 60 à celui d'Annemasse-Bonneville et 35 à la clinique générale d'Annecy. Je suis intervenu à de nombreuses reprises sur ce sujet auprès des prédécesseurs de M. le ministre de la santé et ils ont répondu à mes demandes en augmentant de manière substantielle les places dans les écoles de soins infirmiers. Ainsi, pour les écoles d'infirmières, on est passé globalement dans le département de 176 élèves en 1999 à 260 en 2003 et, pour les aides-soignantes, de 84 en 2000 et 2001 à 130 en 2002 et à 155 pour la dernière rentrée.
En dépit de ces efforts, la situation est de plus en plus préoccupante parce que Genève, qui recrute 300 infirmiers par an, n'en forme que cinquante, parce que l'aide matérielle aux études en échange d'un contrat de trois ans avec un hôpital public ne ralentit que temporairement le flux, parce que, malgré ces efforts, les conditions de travail, particulièrement dégradées avec les 35 heures, sont moins intéressantes qu'en Suisse, parce que la population vieillit et que les besoins dans les maisons pour personnes âgées dépendantes - MAPAD - vont aller très vite croissants, parce que le coût de la vie est cher et qu'il est très difficile de trouver un logement. A ces difficultés concernant les infirmières vont s'ajouter celles des aides-soignantes, la génération du baby-boom arrivant bientôt à la retraite.
Premièrement, à combien de postes vos services évaluent-ils les besoins pour les années à venir ?
Deuxièmement, quelle réponse en moyens de formation envisagez-vous ?
Troisièmement, comment entendez-vous travailler sur les conditions d'exercice du métier d'infirmière pour le rendre plus attractif ? Les infirmières qui vont en Suisse parlent, certes, du salaire, mais aussi de leurs conditions de travail. Que pensez-vous de l'initiative lancée par un institut de formation pour former des auxiliaires médicales qui déchargeraient les infirmières de tâches administratives ou fastidieuses ? En cinq mots : comment fidéliser le personnel soignant ?
Enfin, êtes-vous prêt à entrer en contact avec les autorités suisses, en particulier avec celles de Genève, pour trouver en commun des pistes innovantes telles que des formations transfrontalières qui permettent de dépasser la situation d'aujourd'hui, où chacun a de bonnes raisons juridiques ou réglementaires pour ne rien changer, mais où la Haute-Savoie est toujours perdante ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Je voudrais, tout d'abord, monsieur le député, vous présenter les excuses de Jean-François Mattei, qui ne peut pas être présent ce matin ici et m'a donc chargé de vous transmettre les éléments suivants.
Le sujet que vous venez d'évoquer est sans doute l'un des plus difficiles auxquels le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées s'est trouvé confronté dès sa prise de fonctions. En effet, la démographie des personnels soignants, et en particulier celle des infirmiers et des infirmières, est déficitaire depuis plusieurs années sur l'ensemble de notre territoire. Des actions ont été menées au plan national, avec plusieurs objectifs.
Premier objectif : limiter le déficit déjà ressenti, en assouplissant les modalités de mise en oeuvre des 35 heures à travers la bonification du crédit épargne-temps ou le paiement partiel des jours non pris et non épargnés. Cette mesure répond au souci du Gouvernement de limiter le besoin en postes supplémentaires alors même que les personnels compétents ne sont pas disponibles sur le marché du travail.
Deuxième objectif : inciter à la reprise d'emploi. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 prévoit la possibilité de cumul d'une pension et d'un salaire d'activité. Il s'agit, en fait, d'une incitation pour des jeunes retraités à reprendre un emploi, ne serait-ce qu'à temps partiel.
Troisième objectif : poursuivre notre politique d'intégration des infirmières européennes. Depuis l'an dernier, le ministère a conduit une politique d'intégration d'infirmières originaires de l'Union européenne, en collaboration avec les fédérations d'établissements de santé. Ce programme a permis, l'an dernier, le recrutement de 400 infirmières espagnoles, entre autres.
Quatrième objectif : accélérer la mise en oeuvre de la validation des acquis de l'expérience afin, non seulement de faciliter l'accès à la profession d'infirmière à des professionnels aguerris, mais aussi de raccourcir la durée des études, en validant une partie du parcours de formation. C'est là une démarche aussi importante qu'attendue, sachant qu'elle s'accompagne du souci de ne pas diminuer la qualité du recrutement.
Cinquième objectif - vous l'avez aussi évoquée dans votre question - : relever les quotas à l'entrée des écoles d'infirmières. C'est une mesure nécessaire, mais ses effets n'interviendront que de manière décalée, c'est-à-dire pas avant trois ans. Ainsi, l'augmentation décidée en 2000 du quota de places dans les écoles d'infirmières, passé de 18 000 à 26 000, ne se concrétisera que cette année. En 2003, le quota a encore été relevé à 30 000 places.
Vous évoquez plus particulièrement votre préoccupation locale, vous qui observez le départ d'infirmières vers d'autres pays européens, attirées par des rémunérations plus élevées. Ce phénomène existe dans toutes les régions frontalières, et je sais que la vôtre paie son tribut dans ce domaine. A ce sujet, Jean-François Mattei se félicite de pouvoir annoncer la finalisation d'une négociation en cours concernant les élèves infirmières s'inscrivant dans les instituts de soins infirmiers d'Annemasse, de Thonon et d'Annecy, région où l'on observe les départs vers la Suisse. Un contrat, qui pourrait s'appeler « contrat pédagogique d'engagement de services », prévoira en effet le versement à ces élèves d'un salaire durant leurs deux dernières années d'études. En contrepartie, les élèves auront l'obligation de servir dans un établissement public de santé pendant une durée qui reste à déterminer. Pour un institut comme celui d'Annemasse, cette mesure devrait abaisser de 20 % à 3 % la proportion d'infirmières diplômées partant exercer en Suisse. Tels sont les éléments de réponse que M. le ministre de la santé m'a demandé de vous transmettre, monsieur le député, en espérant qu'ils correspondent à ce que vous attendiez.
M. le président. La parole est à M. Claude Birraux.
M. Claude Birraux. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse. Je sais que ce que je demande à M. Mattei est difficile au regard de notre tradition administrative selon laquelle les lois et règlements s'appliquent de la même manière de Dunkerque à Perpignan et de Tarbes à Sarreguemines, par respect du principe d'égalité. Or, on ne peut pas traiter le cas des régions frontalières tout à fait comme les autres. L'évasion dont nous souffrons se produit au bénéfice de Genève. Permettez-moi néanmoins d'évoquer un article du journal 24 heures de Lausanne du 17 et 18 avril 2003 dont le titre est explicite : « La filière française des infirmières. » Les responsables y disent clairement que, pour remédier au manque de personnel, ils ont accordé une prime supplémentaire, une augmentation de salaire de 130 euros, mais qui n'a pas été suffisante. Ils ajoutent qu'il faut accentuer l'effort vers l'étranger, en particulier vers des pays comme la France, la Belgique et le Luxembourg. Le centre hospitalier universitaire de Lausanne a mandaté une agence de recrutement, qui a fait son succès au Canada dans le passé, laquelle a ouvert récemment une antenne spécifique en France.
Donc, vous formez davantage d'infirmières - l'effort est réel -, mais si l'on ne trouve pas un moyen de les fidéliser, elles quitteront la France. Vous avez parlé d'un système de rémunération des études, monsieur le ministre, mais ce « contrat pédagogique d'engagement de services » ne fera que différer le flux de trois ans. Les infirmières partiront ensuite, quand elles seront encore mieux formées. Une autre possibilité consisterait à étendre ce type d'aide aux aides-soignantes pour les fidéliser. Ne pourrait-on pas aussi affecter aux infirmières un contingent de logements dans des hôpitaux ou des établissements pour personnes âgées dépendantes, logements qui seraient liés à la fonction ? Il faudrait aussi améliorer les conditions de travail - les infirmières insistent aussi beaucoup là-dessus - et proposer à nos partenaires suisses d'organiser des formations en commun pour partager l'effort, car il n'est plus tolérable que nous fassions cet effort de formation et qu'ils soient les premiers à en profiter.

Données clés

Auteur : M. Claude Birraux

Type de question : Question orale

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 octobre 2003

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