stationnement
Question de :
M. Michel Sainte-Marie
Gironde (6e circonscription) - Socialiste
M. Michel Sainte-Marie souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la mise en application du nouvel article 322-4-1 du code pénal réprimant l'installation illicite en réunion, issu de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. La ville de Mérignac (63 000 habitants), en Gironde, a réalisé - conformément à la loi 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (dite loi Besson) et dans le cadre du schéma départemental d'accueil des gens du voyage de 1997 -, en association avec la ville de Pessac, une aire d'accueil de 20 800 mètres carrés pouvant héberger 48 caravanes depuis juillet 2002 (1re aire d'accueil sur la communauté urbaine de Bordeaux). Dans ces conditions, et selon la circulaire du 31 mars 2003 précisant les modalités d'application des dispositions du nouvel article 322-4-1, les sanctions doivent pouvoir s'appliquer immédiatement, dès lors que l'installation illégale est constatée, y compris lorsqu'elle a lieu sur un terrain qui appartient à la commune. Mais des difficultés apparaissent au niveau de la mise en oeuvre effective de ces mesures, et tout particulièrement s'agissant de la possibilité de confisquer le véhicule ayant servi à commettre l'infraction. Cette possibilité exclut les véhicules destinés à l'habitation. Ainsi, lorsque le tracteur de la caravane est saisi, la caravane reste quant à elle sur place. L'illégalité de l'installation se trouve donc perpétuée, du fait même de la décision du parquet, et de l'application de la loi par la police nationale. Seule la crainte d'une procédure pénale devait avoir un effet dissuasif sur ce type d'infraction. Mais, dans la réalité, il n'en est rien et, six mois après le vote de la loi pour la sécurité intérieure, les maires des communes concernés - comme Mérignac - peuvent déjà faire deux constats : l'interprétation restrictive de l'article 322-4-1 du code pénal qui peut en être faite par les parquets rend alors ses dispositions caduques, ou tout au moins ne facilite ni ne permet d'accélérer les procédures d'expulsion en cas d'occupations illégales ; le manque de moyens de la police nationale face à ce type d'infractions est toujours d'actualité. Dans ces conditions, il lui demande quelles sont les solutions concrètes qu'il entend apporter à court terme pour que la loi soit appliquée.
Réponse en séance, et publiée le 3 décembre 2003
APPLICATION DE LA RÉGLEMENTATION
DU STATIONNEMENT DES GENS DU VOYAGE
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sainte-Marie, pour exposer sa question, n° 478.
M. Michel Sainte-Marie. Je souhaite attirer l'attention du ministre de l'intérieur sur la mise en application du nouvel article 322-4-1 du code pénal réprimant l'installation illicite en réunion, issu de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.
En Gironde, la ville de Mérignac, qui compte 63 000 habitants, a réalisé conformément à la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, dite « loi Besson », dans le cadre du schéma départemental d'accueil des gens du voyage de 1997 et en association avec la ville de Pessac, une aire d'accueil de 20 800 mètres carrés pouvant héberger quarante-huit caravanes depuis le mois de juillet 2002. Il s'agit de la première aire d'accueil sur la communauté urbaine de Bordeaux.
Dans ces conditions et selon la circulaire du 31 mars 2003 précisant les modalités d'application des dispositions du nouvel article 322-4-1, les sanctions doivent pouvoir s'appliquer immédiatement dès lors que l'installation illégale est constatée, y compris lorsqu'elle a lieu sur un terrain appartenant à la commune. Mais des difficultés apparaissent au niveau de la mise en oeuvre effective de ces mesures, et tout particulièrement en ce qui concerne la possibilité de confisquer le véhicule ayant servi à commettre l'infraction, les véhicules destinés à l'habitation, donc les caravanes, ne pouvant être confisqués. Ainsi, lorsque le tracteur de la caravane est saisi, la caravane reste quant à elle sur place. L'illégalité de l'installation se trouve donc perpétuée du fait même de la décision du parquet et de l'application de la loi par la police nationale.
La crainte d'une procédure pénale devait seule avoir un effet dissuasif sur ce type d'infraction. Or, dans la réalité, il n'en est rien. A Mérignac, on a pu recenser les neuf derniers mois deux cent quarante-six jours de présence illégale de caravanes, dont le nombre approche les cinq cents sur la même période.
Si le fonctionnement de l'aire d'accueil est, par lui-même, encourageant, l'existence de celle-ci ne dissuade en aucune manière les stationnements illégaux, ce qui nuit à la crédibilité même de l'action menée en la matière.
Près de neuf mois après le vote de la loi pour la sécurité intérieure, les maires des communes concernées - comme Mérignac - peuvent faire deux constats.
D'abord, l'interprétation restrictive de l'article 322-4-1 du code pénal qui peut être faite par les parquets rend ses dispositions caduques. En tout cas, elle ne facilite pas les procédures d'expulsion en cas d'occupation illégale, ni ne permet de les accélérer, d'autant que, pour reprendre les termes exacts de la réponse de M. le garde des sceaux à notre collègue Christian Vanneste, parue au Journal officiel du 20 octobre dernier, les « procédures alternatives » sont privilégiées par rapport aux poursuites pénales. Mais que sont donc ces « procédures alternatives » ?
Ensuite, le manque d'effectifs et de moyens de la police nationale face à ce type d'infraction est toujours d'actualité, et ce malgré les annonces réitérées de renforts faites par M. Nicolas Sarkozy à Bordeaux, lors de l'inauguration de l'hôtel de police, en septembre dernier.
Dans ces conditions, je souhaiterais connaître les solutions concrètes que M. le ministre de l'intérieur entend apporter à court terme pour que la loi soit appliquée.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le député, je tiens à rappeler que votre commune de Mérignac, et il faut l'en féliciter, a satisfait aux obligations de la loi Besson. C'est la raison pour laquelle elle peut bénéficier de l'application de la loi du 18 mars 2003.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi de mars 2003, qui est donc une loi récente, Mérignac a demandé quatre fois le concours de la force publique, et quatre fois ce concours lui a été accordé.
Le 3 juillet 2003, les services de police ont, en vertu de l'article 53 de la nouvelle loi, procédé à Mérignac à l'interpellation et à la mise en garde à vue de trois personnes qui stationnaient illégalement sur le territoire de la commune, ainsi qu'à la saisie de trois véhicules. A l'issue de la garde à vue et sur instruction du parquet, ces personnes ont été remises en liberté. Les véhicules leur ont été restitués après paiement par les intéressés des frais d'enlèvement par la société de dépannage privée.
Le 4 novembre dernier, une autre opération, portant sur un campement de vingt-deux caravanes, a mobilisé cinquante fonctionnaires et a permis le départ immédiat des occupants apès une mise en demeure et le rappel ferme des nouvelles dispositions législatives.
On ne peut donc soutenir, monsieur le député, que l'action de la police et la loi soient inefficaces. Votre commune elle-même en a bénéficié. (M. Sainte-Marie fait un signe de dénégation.)
L'article 53 de la loi du 18 mars 2003 aboutit à une situation équilibrée, ce qui n'était pas le cas auparavant. Les gens du voyage ne sont ni au-dessus ni au-dessous des lois. Cette loi traduit notamment une ouverture car elle permet le respect et le développement des dispositions de la loi Besson, que vous avez soutenue. Je vous rappelle qu'avant l'adoption de la loi de 2003 seuls vingt-neuf départements avaient adopté les dispositions de la loi Besson autorisant l'élaboration d'un schéma départemental d'accueil des gens du voyage. Aujourd'hui, soixante-quinze schémas ont été signés.
Par ailleurs, la loi de 2003 donne à la police et à la justice des moyens supplémentaires de fermeté afin de mettre fin à un certain nombre de situations illégales. Depuis l'entrée en vigueur de la loi, quatre cent six délits ont été portés à la connaissance de la justice, mettant en cause quatre cent vingt-huit personnes, plus de quarante-cinq auteurs ont été placés en garde à vue, une personne a été écrouée, et plus de dix véhicules ont été saisis dans trois départements, dont, récemment, six à Rouen.
Cette loi va trouver son équilibre dans son application. C'est une loi récente, mais elle a déjà donné des résultats très supérieurs à ceux que nous connaissions avant qu'elle ne soit adoptée. Votre commune elle-même en a, je le répète, bénéficié.
Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, monsieur Sainte-Marie !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sainte-Marie.
M. Michel Sainte-Marie. Monsieur le ministre, je suis assez sidéré par la teneur de cette réponse, et surtout par les chiffres que le Gouvernement produit et dont je n'hésite pas à dire qu'ils sont complètement faux. Je vous demande donc de réviser, non pas vos classiques, mais vos statistiques, qui ne correspondent à rien !
J'ai abordé la question dans un esprit qui n'est absolument pas polémique, et je reconnais que votre réponse ne l'a pas été non plus. Mais l'information que le Gouvernement délivre est complètement inexacte.
Permettez-moi de citer les chiffres précis que je me suis procurés : on a recensé, à Mérignac, deux cent quarante-six jours de présence illégale, malgré une aire qui fonctionne bien, et cinq cents présences de caravanes sur neuf mois.
M. le ministre délégué aux libertés locales. Elles ont été expulsées, quand même !
M. Michel Sainte-Marie. Non, et c'est pourquoi ce que vous m'avez dit n'est pas exact.
Je me suis ouvert de la situation aux autorités policières de ma commune et de mon département. On m'a indiqué que, face à la présence illégale de cinquante caravanes, il n'était pas possible de procéder simultanément à cinquante mises en garde à vue. En conséquence, malgré la loi et la volonté affirmée, on continue en pratique à creuser des sillons ou des fossés pour empêcher le retour des caravanes.
Si, dans ma commune, la loi Besson est appliquée, puisqu'il y a une aire d'accueil, les occupations illégales continuent. A cet égard, rien n'a changé. Je suis donc étonné par vos chiffres, monsieur le ministre.
La situation n'est pas satisfaisante. Et cela, ce n'est pas de la polémique : c'est la réalité. Mais la polémique peut venir si l'on continue de nier la réalité.
Aujourd'hui, 2 décembre 2003, je dis que la loi existe, mais qu'elle n'est pas appliquée. Ce que je demande en tant que maire, et d'une manière non polémique, c'est qu'elle le soit. C'est d'ailleurs, excusez-moi de vous le rappeler, le devoir du Gouvernement.
M. le ministre délégué aux libertés locales. Cette loi, vous l'avez votée ?
M. Michel Sainte-Marie. Peu importe ! Elle s'applique à tous. Cette remarque m'étonne encore davantage !
Mme la présidente. La loi s'applique à tous les citoyens !
Auteur : M. Michel Sainte-Marie
Type de question : Question orale
Rubrique : Gens du voyage
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2003