emploi et activité
Question de :
M. Jean-Paul Bacquet
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Socialiste
M. Jean-Paul Bacquet souhaite attirer l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur les difficultés du bassin d'emploi du Val d'Allier et de la ville d'Issoire. Après avoir subi les fermetures des mines, la fermeture des établissements Ducellier, et par la suite les conséquences dramatiques de reconversions mal faites et catastrophiques pour les salariés, l'OPA « Inamicale » d'Alcan sur Pechiney va se traduire par une restructuration engendrant des pertes d'emplois sur ce secteur. De plus, le départ de la société Baxter Biodome pour l'île de Malte aggrave la situation. Enfin, le plan de restructuration d'Aubert et Duval H. prévoit la suppression de 90 emplois à Issoire, dont 65 à Fortech et 25 à Interforge. Les représentants de la direction du groupe Eramet (Aubert et Duval Holding) sont prêts à s'investir dans la formation et la revitalisation du bassin d'emploi d'Issoire, mais en ont-ils les moyens ? Il lui demande, parce qu'aujourd'hui personne localement ne croit dans un contexte national difficile qu'une solution de reconversion soit possible sans véritables mesures d'accompagnement, quels moyens seront réellement mobilisés et si les services de la DATAR agiront de façon volontariste pour que ce bassin d'emplois retrouve un avenir.
Réponse en séance, et publiée le 3 décembre 2003
SITUATION DU BASSIN D'EMPLOI D'ISSOIRE
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour exposer sa question n° 481.
M. Jean-Paul Bacquet. Ma question s'adressait à Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, mais je suppose que M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises me répondra...
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Avec plaisir !
M. Jean-Paul Bacquet. Nous assistons dans notre pays à un phénomène de désindustrialisation particulièrement préoccupant et, comme l'a dit M. le Premier ministre à Moscou, dans un contexte de récession. C'est dans ce contexte que je voudrais évoquer les difficultés du bassin d'emploi du val d'Allier et de la ville d'Issoire.
Après avoir subi les fermetures des mines, la fermeture des établissements Ducellier et, par la suite, les conséquences dramatiques de reconversions mal faites et catastrophiques pour les salariés, nous apprenons pratiquement en même temps l'OPA inamicale d'Alcan sur Pechiney, qui va se traduire par une restructuration engendrant des pertes d'emplois, même si, en matière d'aéronautique et de tôles fortes, le nouveau groupe n'a pas de structure de production égale à celle d'Issoire, et si le départ de la société Baxter Biodome pour l'île de Malte risque d'avoir les mêmes conséquences. Et ce ne sont pas les promesses de rachat de Biodome par Biocorp, dont le PDG, M. Gardette, avait lui-même vendu à Biodome, qui peuvent nous rassurer. Nous apprenons enfin le plan de restructuration d'Aubert et Duval Holding, avec l'annonce de quatre-vingt-dix suppressions d'emplois à Issoire, dont soixante-cinq à Fortech et vingt-cinq à Interforge.
Avec mon collègue Jean Michel, député de Riom, j'ai rencontré M. le directeur du site d'Issoire du groupe Pechiney, qui se bat pour le maintien du site et les emplois dans un groupe qui n'est désormais plus français. J'ai rencontré les représentants de la direction du groupe Eramet - Aubert et Duval Holding. M'expliquant les raisons structurelles et conjoncturelles de cette décision, ils m'ont clairement expliqué qu'ils ne voulaient pas être considérés comme des « patrons voyous », selon une expression du Gouvernement, et qu'ils s'investiraient dans la formation et la revitalisation du bassin d'emploi d'Issoire. Mais de quels moyens pourront-ils disposer puisque le groupe licencie en raison d'une situation financière déjà bien difficile ? J'ai rencontré les conseillers de Mme Fontaine au ministère, de même que M. le préfet de région. Ils m'ont tous dit que, le Gouvernement ayant décidé de ne pas intervenir dans les choix stratégiques des deux groupes et dans leurs conséquences, il serait cependant présent dans l'accompagnement social.
Ma question est simple. Localement, personne ne croit que, dans un contexte national difficile, une solution de reconversion soit possible sans véritables mesures d'accompagnement.
Quels moyens seront vraiment mobilisés, et les services de la DATAR agiront-ils d'une façon volontariste pour que ce bassin d'emploi retrouve une vitalité, des embauches et un avenir ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, je vais vous transmettre la réponse de Nicole Fontaine, à laquelle était adressée votre question.
Deux industriels, Pechiney et Eramet, sont implantés dans votre région depuis cinquante ans et font la fierté de ce bassin d'emploi.
Pechiney, tout d'abord, dont l'usine de Rhenalu à Issoire est un des fleurons. Les activités de cet établissement spécialisé dans les produits aéronautiques n'ont pas réellement d'équivalent dans le groupe Alcan. L'OPA d'Alcan sur Pechiney, dont il faut noter qu'elle est devenue amicale, ne devrait donc pas avoir d'effet nuisible sur les perspectives d'avenir du site d'Issoire. On pourrait même dire, au contraire, que l'engagement d'Alcan de faire de la France le coeur de ses activités aéronautiques est un gage de pérennité pour les activités d'Issoire.
Eramet, ensuite, avec des activités de forgeage et de matriçage qui sont destinées pour l'essentiel aux marchés de l'aéronautique et de l'énergie.
Le groupe Eramet vient d'engager des négociations avec les représentants du personnel sur la restructuration de son activité pour l'adapter à la situation conjoncturelle. Il a pris l'engagement de traiter de façon exemplaire cette reconversion, qu'il s'agisse du personnel ou de la revitalisation du bassin d'Issoire. Le Gouvernement veillera à ce que le groupe industriel mette en place les dispositifs nécessaires pour aider à la création d'activités.
Ainsi, le val d'Allier devrait être bien placé pour assurer l'avenir de ses activités industrielles en s'appuyant sur ces deux entreprises métallurgiques, leaders mondiaux dans leur domaine.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie pour cette réponse. Malheureusement, je ne peux pas vous dire qu'elle m'a rassuré. Je ne crois pas d'ailleurs qu'elle ait rassuré beaucoup de monde.
Ces inquiétudes ne sont pas seulement les miennes.
Le conseil régional d'Auvergne, présidé par le président Valéry Giscard d'Estaing, s'est déclaré, à l'unanimité, opposé aux licenciements chez Aubert et Duval.
Le maire UMP d'Issoire, ancien député, Pierre Pascallon, a écrit dans la pressse un article extraordinairement dur intitulé « Non à l'OPA hostile d'Alcan-Pechiney », dans lequel il va même jusqu'à dire : « Nul n'ignore pourtant que, malgré ces assurances, les fusions-acquisitions de ce type, avec l'objectif de rentabilité qui les motive, sont synonymes, hélas ! de restructurations drastiques, délocalisations, pertes d'emplois avec ou sans plan social, et, à la clé, les firmes globales multinationales restant bien à dominante nationale, la prise de contrôle de Pechiney par cette entreprise non européenne entraînera forcément la perte de centres de décision puis progressivement de centres de recherche et de développement qui seront transférés à terme en Amérique du Nord. »
Cette déclaration a été faite au lendemain d'un entretien qu'il a eu avec M. Brice Hortefeux et avec Mme la ministre de l'industrie. C'est vous dire combien il avait été rassuré !
Inquiétude aussi lorsque M. Rodier, PDG de Pechiney, écrivait : « Le Gouvernement a déjà indiqué que c'était une affaire entre deux groupes privés et qu'il n'interviendrait pas », précisant même : « c'est une bataille pour Pechiney, l'avenir du personnel et des actifs de la société, et non contre Alcan spéficiquement ».
Inquiétude encore lorsque, le 7 juillet 2002, le PDG d'Alcan précisait dans un courrier : « Les cadres dont les emplois pourraient être supprimés bénéficieront d'un traitement équitable et feront l'objet de mesures d'accompagnement. »
Inquiétude toujours, lorsque, dans une lettre du 25 novembre 2003, Mme la ministre de l'industrie parlait des « conséquences sociales induites par cette restructuration, le groupe s'engageant à mettre en place un plan social. » Bien sûr, nous attendons un plan social. On ne peut pas systématiquement penser qu'il n'y en aura pas. Cela étant, comment peut-on prétendre, lorsqu'on est confronté à de très grandes difficultés financières, argument utilisé par la société, que l'on pourra investir dans la restructuration et dans la revitalisation d'un bassin ?
J'ai d'ailleurs interpellé M. le préfet de région, qui a décidé de charger le directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de coordonner avec la DATAR une stratégie d'encouragement à la création d'activités. Malheureusement, depuis le 20 octobre, la DATAR n'a toujours pas répondu.
Inquiétude enfin lorsque je lis que les résultats de Pechiney pour le troisième trimestre 2003 font apparaître une marge opérationnelle de 58 millions d'euros. L'OPA, que vous qualifiez d'amicale, a été totalement inamicale. Toutefois, le Gouvernement n'est pas intervenu, alors qu'il avait matière à le faire puisque cette entreprise travaille pour la défense ; la Commission européenne n'a rien dit non plus, contrairement à ce qu'elle avait fait en 1999, où elle avait émis un avis négatif.
L'opération aura coûté 33 millions d'euros à la société Pechiney. Or on ne dépense pas une telle somme quand on pense que l'opération est porteuse.
Inquiétude oui, tant pour Pechiney que pour Aubert et Duval ou pour Baxter, voire pour Valeo, qui délocalise déjà de petites entreprises en Pologne.
Mme la présidente. Il faudrait conclure, monsieur Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Je termine, madame la présidente.
Le Gouvernement prétend qu'il n'y a pas de raison d'être inquiet car le groupe qui a repris Pechiney-Alcan va réinvestir sur le site. Certes, il va réinvestir pour ce qui est des tôles fortes, car, pour l'instant, il n'a pas d'autre site pour ce produit, mais en ce qui concerne les tôles minces, il désinvestit. Toutefois, demain, quand ce groupe aura trouvé un autre site et construit sur celui-ci, nous reparlerons des dégâts que cela aura causé dans la région.
Auteur : M. Jean-Paul Bacquet
Type de question : Question orale
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 1er décembre 2003