secours
Question de :
M. Martial Saddier
Haute-Savoie (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Martial Saddier souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la remise en cause de la gratuité des secours, issue de l'article 54 de la loi du 27 février 2002, particulièrement dans les départements de montagne et de haute montagne tels que la Haute-Savoie. Cette mesure soulève des difficultés pratiques considérables. Tout d'abord, la créance instaurée par l'article 54 est indéfinissable par nature, tant les opérations de secours sont complexes et la quantité de périmètres vastes. Par ailleurs, l'apparition inévitable des compagnies d'assurances dans ce système soulève de nombreuses difficultés : qu'adviendrait-il de l'usager non assuré, accidenté en montagne ? Qui payerait pour lui ? Qui assurera les secours en dehors des périodes hautement touristiques ? De même, les usagers ne se trouvent pas traités équitablement selon leur localisation géographique puisque l'activation de cette disposition appartient à la commune. Enfin, comment une commune peut-elle objectivement différencier l'usager prudent de l'usager irresponsable ? Plus généralement, il est à craindre que l'article 54 ne contribue à faire de la montagne un espace réglementé, incompatible avec la nature même de cet environnement si particulier. Il lui demande en conséquence quelles mesures il envisage de proposer pour répondre à ces difficultés dans la perspective du projet de loi sur la sécurité civile.
Réponse en séance, et publiée le 17 décembre 2003
GRATUITÉ DES SECOURS EN MONTAGNE
M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour exposer sa question, n° 522, relative à la gratuité des secours en montagne.
M. Martial Saddier. Monsieur le président, ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, concerne la remise en cause de la gratuité des secours, issue de l'article 54 de la loi du 27 février 2002, particulièrement dans les départements de montagne et de haute montagne, tels que la Haute-Savoie. Je me permets d'englober dans ma question le secours aux personnes en mer.
Cette remise en cause soulève des difficultés pratiques considérables.
Tout d'abord, la créance instaurée par l'article 54 est indéfinissable par nature, tant les opérations de secours sont complexes et la quantité de périmètres est vaste.
Par ailleurs, l'apparition inévitable des compagnies d'assurances pose de nombreux problèmes : qu'adviendrait-il de l'usager non assuré accidenté en montagne ? Qui payera pour lui ? Qui assurera les secours en dehors des périodes hautement touristiques, à des moments économiquement non rentables ?
Les usagers ne se trouvent pas traités équitablement selon leur localisation géographique puisque l'activation de cette disposition appartient à la commune.
Enfin, comment une commune peut-elle objectivement différencier l'usager prudent de l'usager irresponsable, qui reste très largement minoritaire ?
Plus généralement, il est à craindre que l'article 54 ne contribue à faire de la montagne un espace réglementé, incompatible avec la nature même de cet environnement si particulier, et qu'il pousse les professionnels à équiper nos zones de montagne, entraînant par là même leur propre responsabilité ainsi que celle des maires et des préfets. J'y ajouterai l'impossibilité, que nous avons vécue cet été au couloir du Goûter dans le massif du Mont-Blanc compte tenu des conditions climatiques exceptionnelles, de prévoir des interdictions. En outre, qui prendrait la responsabilité de lever les interdictions mises en place ?
La solution semble passer davantage par une information et une prévention accrues.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de proposer pour répondre à ces difficultés dans la perspective du projet de loi sur la sécurité civile ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Saddier, l'article 54 de la loi du 27 février 2002 répondait à une préoccupation très ancienne des élus : pendant plus de dix ans, ces derniers n'ont cessé de réclamer des mesures contre une minorité, comme vous avez eu raison de le rappeler, mais contre une minorité fortement imprudente, qui se livre à des prises de risque dont les conséquences pour la collectivité et les professionnels de la sécurité sont considérables.
C'est dans ce contexte que le sénateur Jean Faure a déposé une proposition de loi en 1999, qui a inspiré un amendement au projet de loi relatif à la démocratie de proximité du 27 février 2002. C'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui.
Je reconnais avec vous que cette disposition suscite des difficultés d'application. Je ne crois pas pour autant qu'il faille supprimer une mesure qui va dans le sens d'une plus grande responsabilisation des acteurs. Mais il faut certainement aménager le dispositif de l'article 54, si on veut remédier à certaines difficultés. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a confié au préfet Marcel Peres une mission de service public aux fins de conduire une expertise sur cette question. Après qu'une large concertation a été menée auprès des associations d'élus, des fédérations sportives, des représentants des ministères concernés, un rapport est actuellement en cours de finalisation, et doit donc être déposé incessamment. Il contiendra certaines propositions propres à améliorer la situation, qui seront soumises au Parlement dans le cadre du prochain projet de loi de modernisation de la sécurité civile.
Sachez, monsieur le député, que le ministère de l'intérieur est tout à fait prêt à discuter de ce rapport avec vous, une fois qu'il lui aura été remis, pour envisager ensemble les mesures opportunes.
M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos propositions. Je prends bonne note de votre promesse que le dispositif de l'article 54 sera prochainement réaménagé, ainsi que de votre proposition de débattre des propositions du préfet Peres, que j'ai bien entendu rencontré dans ma circonscription.
Je me permets d'insister sur deux points. Vous parlez d'une majorité d'élus qui ont pris position sur ce sujet. Je me permets de vous rappeler que, à ce jour, aucun maire de ma circonscription - qui totalise à elle seule 60 % du secours en montagne - ne s'est prononcé en faveur de l'article 54. C'est pourtant aux maires, qui sont les premiers concernés par le problème, qu'il faut laisser le soin de délibérer de cette question.
M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est le Parlement qui fait la loi !
M. Martial Saddier. Il faut ensuite insister sur le fait que la jurisprudence qui naîtra éventuellement de l'application de cet article 54 pourrait, au-delà du secours en montagne, s'appliquer à l'ensemble du secours aux personnes, notamment au secours en mer : c'est près de 2,5 millions de personnes, qui vivent du secteur touristique français, qui seraient ainsi concernées.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie, monsieur le ministre, de la précision de vos réponses.
Auteur : M. Martial Saddier
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 décembre 2003