Question orale n° 536 :
enfants

12e Législature

Question de : M. Maurice Giro
Vaucluse (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Maurice Giro appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l'immigration clandestine de mineurs sur le territoire français par l'application détournée d'un acte légal musulman. Cet acte, appelé acte de Kafala, permet de recueillir légalement un enfant mineur. Le recueillant s'engage à veiller sur l'enfant, signe tous les documents qui le concernent et a le droit de l'emmener à l'étranger car il peut faire porter le mineur sur son passeport comme s'il était son enfant. Grâce à cette inscription, il semblerait, malheureusement, que des personnes principalement originaires de pays d'Afrique du Nord, se servent des « kafala » pour ramener des mineurs en France après avoir encaissé 3 000 à 4 500 euros de la part des familles biologiques. Actuellement on peut estimer à partir des chiffres fournis par l'éducation nationale que seul un tiers des mineurs primo-arrivants inscrits dans les établissements scolaires entre dans le cadre d'une décision de regroupement familial et les deux tiers sont en ILE « mineurs Kafala ». Les responsables scolaires ont remarqué que l'âge des primo-arrivants en ILE tend à s'accroître. Ils demeurent donc scolarisés de moins en moins longtemps. Certains ont déjà des trains de vie sans commune mesure avec leur situation, d'autres sont déjà signalés par les services de police. Par ailleurs l'inquiétude est réelle pour les jeunes filles qui semblent pour la plupart destinées à servir de « bonnes à tout faire » dans les familles. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il va mettre en oeuvre afin de mettre un terme à cette situation.

Réponse en séance, et publiée le 7 janvier 2004

IMMIGRATION CLANDESTINE DE MINEURS
ORIGINAIRES D'AFRIQUE DU NORD
PAR LE BIAIS D'UN DÉTOURNEMENT DE PROCÉDURE

M. le président. La parole est à M. Maurice Giro, pour exposer sa question, n° 536, relative à l'immigration clandestine de mineurs originaires d'Afrique du Nord par le biais d'un détournement de procédure.
M. Maurice Giro. Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, je souhaite appeler votre attention sur l'immigration clandestine de mineurs sur le territoire français par l'application détournée d'un acte légal musulman. Cet acte, appelé acte de kafala, permet de recueillir légalement un enfant mineur. Le recueillant s'engage à veiller sur l'enfant et signe tous les documents qui le concernent. De plus, et c'est là que le bât blesse, le recueillant a le droit de l'emmener à l'étranger car il peut faire porter son nom sur son passeport comme s'il s'agissait de son propre enfant. Il semblerait malheureusement que des personnes, originaires, principalement, d'Afrique du Nord, se servent de cette procédure pour emmener des mineurs en France après avoir encaissé auprès des familles biologiques des sommes allant de 3 000 à 4 500 euros.
Actuellement, on peut estimer, à partir des chiffres fournis par l'éducation nationale, que seul un tiers des mineurs primo-arrivants inscrits dans les établissements scolaires entre dans le cadre d'une décision de regroupement familial, les deux tiers restants étant en infraction sur la législation des étrangers - ILE -, c'est-à-dire « mineurs kafala ». Les responsables scolaires ont remarqué en outre que l'âge des primo-arrivants en ILE tendait à s'élever, ce qui fait que ces enfants demeurent scolarisés de moins en moins longtemps. Certains ont un train de vie sans commune mesure avec leur situation, tandis que d'autres sont déjà signalés par les services de police.
Par ailleurs, l'inquiétude est réelle pour les jeunes filles qui semblent pour la plupart destinées à servir de bonnes à tout faire dans les familles. A cet égard, je rappellerai la récente affaire à Marseille de cette jeune fille qui n'a pas hésité à prendre des risques en passant par-dessus le balcon de l'appartement où elle était malmenée, pour ne pas dire frappée, afin de rejoindre l'appartement voisin. D'après les renseignements que j'ai pu recueillir ce n'est pas au titre d'une adoption mais d'un acte de kafala qu'elle résidait en France.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, m'indiquer quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour mettre un terme à cette situation dramatique, principalement dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le député, la question que vous soulevez est complexe. En Algérie et au Maroc, la kafala est d'une certaine manière assimilable au régime de la tutelle sur les mineurs. C'est le régime légal de tutelle sur les mineurs dans ces pays. Mais, indépendamment de cela, ce qui pose problème, c'est notre législation.
L'ordonnance du 2 novembre 1945, dans son article 9, prévoit que les mineurs étrangers ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour avant leur majorité. Ils ne peuvent donc faire l'objet d'une mesure forcée d'éloignement s'ils ne sont pas accompagnés par leurs parents ou leur représentant légal. Or la kafala ne donne pas le statut de représentant légal. Mais l'accord franco-algérien relatif au séjour et au travail permet de déposer une demande de regroupement familial pour un mineur recueilli au titre de la kafala. Or, en vertu de l'article 55 de la Constitution, les traités - et c'est un traité qui a été signé - s'imposent au législateur et ont, de ce point de vue, valeur quasi constitutionnelle.
Il n'en demeure pas moins qu'une vérification des conditions de ressources et de logement du demandeur doit précéder l'entrée en France. C'est sur ce terrain que les efforts doivent porter. La prise en compte de la kafala en tant que telle n'est pas le fait générateur du problème d'intégration.
J'ajoute, monsieur le député, que selon l'article 42 de la loi du 26 novembre 2003, les ressortissants étrangers - en l'occurrence les personnes qui recueillent l'enfant - qui ne respectent pas la procédure de regroupement familial peuvent faire l'objet, doivent faire l'objet d'un retrait de leur titre de séjour suivi d'une mesure de reconduite à la frontière.
Nous avons une législation complexe mais nous disposons, grâce à la loi du 26 novembre 2003, d'une marge de manoeuvre, même si elle est étroite. A condition de procéder aux vérifications, il est possible de faire face au phénomène que vous dénoncez à juste titre et qui fait l'objet, de la part du ministère de l'intérieur, d'une étude très approfondie pour détecter les abus. Le cas que vous signalez, qui a été révélé par la presse et la télévision, est sans doute symptomatique d'un phénomène contre lequel nous devons nous mobiliser.
M. le président. La parole est à M. Maurice Giro.
M. Maurice Giro. Je vous remercie, monsieur le ministre. Votre réponse me conduit à penser qu'il faudrait peut-être modifier la législation pour trouver une solution à ce problème très important. Car que deviendront tous ces mineurs quand ils auront atteint leur majorité ? Ils demeureront sur le territoire national dans une situation totalement illégale. Je les vois mal, en effet, retourner dans leur pays où ils n'auront plus de racines. Je souhaite que, ensemble, vous, monsieur le ministre, le Gouvernement et tous les députés, nous puissions adopter une législation qui permette véritablement de mettre fin à ce système.

Données clés

Auteur : M. Maurice Giro

Type de question : Question orale

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 6 janvier 2004

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