politique d'aménagement du territoire
Question de :
M. Michel Liebgott
Moselle (10e circonscription) - Socialiste
M. Michel Liebgott interroge M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur l'implication de la France dans la réalisation du projet luxembourgeois de réhabilitation des friches d'Esch-Belval. Ce projet, présenté le 8 octobre, est d'une importance majeure. En effet, il consisterait à réhabiliter 120 hectares de friche industrielle à la frontière entre la France et le Luxembourg. Concernant 20 000 emplois, 7 000 logements, la création d'une université, d'une gare..., ce projet permettrait d'insuffler une dynamique extraordinaire dans toute cette zone frontalière, déjà très touchée par les problèmes nés de l'arrêt de l'exploitation minière et par la crise économique et industrielle. Les autorités luxembourgeoises ont regretté l'absence d'implication des autorités françaises en général, lorraines en particulier. Certains ont manifestement craint qu'une telle réalisation ne tire vers le Luxembourg le centre de gravité économique de toute la zone, contrariant ainsi les efforts de diversification et de soutien à l'économie entrepris, notamment côté français. C'est pourquoi il lui demande son sentiment sur ce dernier point et le degré d'implication que la France entend acter sur ce projet susceptible de revitaliser en terme d'emplois, de logement, d'infrastructure, tout un secteur qui en a cruellement besoin. Il souhaite particulièrement connaître son avis sur les formes juridiques qu'une coopération franco-luxembourgeoise pourrait prendre le cas échéant.
Réponse en séance, et publiée le 18 décembre 2002
COOPÉRATION FRANCO-LUXEMBOURGEOISE
POUR LA RÉHABILITATION DES FRICHES
INDUSTRIELLES D'ESCH-BELVAL
M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott, pour exposer sa question n° 56, relative à la coopération franco-luxembourgeoise pour la réhabilitation des friches industrielles d'Esch-Belval.
M. Michel Liebgott. Monsieur le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, ma question touche aux relations entre un grand pays, la France, avec ses soixante millions d'habitants, et un pays beaucoup moins peuplé, le Luxembourg. Mais si sa population est celle d'un petit département français, elle bénéficie d'un des PIB par habitant les plus élevés dans le monde.
Plus précisément, ma question est relative à la rénovation, à la réhabilitation de friches industrielles qui se situent des deux côtés de la frontière franco-luxembourgeoise. Alors qu'aucune mesure n'a été prise par notre pays, en particulier pour celle de Micheville, le gouvernement luxembourgeois a déposé, le 8 octobre, un dossier d'une importance majeure. Il prévoit en effet la création, d'ici à 2010, d'une vingtaine de milliers d'emplois, de 7 000 logements, d'une université et d'une gare. Cet aménagement ne sera évidemment pas sans conséquence sur les relations entre nos deux pays, notamment en ce qui concerne les migrations de salariés.
Actuellement, déjà, 55 000 Français passent chaque jour la frontière pour travailler au Luxembourg alors que de nombreux Luxembourgeois, bien qu'ils travaillent dans leur pays, habitent en France.
Nous sommes donc dans une situation assez paradoxale, mais nous avons le sentiment que, si le département de la Moselle et la région Lorraine s'impliquent fortement, l'Etat français ne le fait que très peu. Pourtant, ce projet devrait insuffler une dynamique extraordinaire dans une région frontalière encore durement touchée par l'arrêt de l'exploitation minière et par une crise économique et industrielle qui dure depuis plusieurs décennies. Il amènera un plus, et nous en sommes évidemment tous satisfaits.
Néanmoins, nous craignons que, une fois de plus, le centre de gravité économique soit déplacé vers le Luxembourg, le côté français étant délaissé.
Je voudrais donc savoir dans quelle mesure l'Etat entend s'impliquer dans ce projet. Quelles formes juridiques pourrait prendre cette coopération franco-luxembourgeoise dans ce cas assez particulier d'une zone qui n'est pas seulement interdépartementale mais aussi située des deux côtés d'une frontière ?
J'ajoute que, depuis de très nombreuses années, les gouvernements successifs ont toujours considéré que le contournement autoroutier d'Audun-le-Tiche, cette commune frontalière par laquelle passent chaque jour une bonne partie des 55 000 Français allant travailler au Luxembourg, concernait non pas l'Etat, mais les départements de Moselle et de Meuthe-et-Moselle. L'importance du projet luxembourgeois devrait conduire à une nouvelle réflexion sur ce contournement qui aura un aspect international plus affirmé.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le député, je vous remercie, au nom du Gouvernement, d'évoquer le dossier du projet luxembourgeois d'aménagement du secteur de Belval et d'Esch-sur-Alzette, appelant ainsi notre attention et celle de l'Assemblée nationale sur un enjeu transfrontalier considérable pour la Lorraine.
Je tiens d'abord à vous rassurer quant à l'implication et au suivi de ce projet par les services de l'Etat. Même si sa présentation officielle par les autorités luxembourgeoises est récente, les services du préfet de région et des ministères concernés ont engagé une première réflexion sur son impact pour le territoire lorrain et ils ont d'ores et déjà pris en compte cette perspective. Des échanges nombreux ont également eu lieu ces derniers mois avec l'ensemble des collectivités locales concernées.
En préalable, je crois utile de souligner, comme vous, que ce projet luxembourgeois constitue une opportunité forte et positive pour la région, notamment pour le secteur interdépartemental du Pays-Haut et du bassin de l'Alzette. En effet, une dynamique forte peut naître de la reconversion des anciens sites miniers luxembourgeois et de la constitution progressive d'un pôle d'activités tertiaires de premier plan. Il ne faut donc pas être frileux face à cette perspective, mais réactif et même offensif.
Dans cette perspective, le Gouvernement souhaite travailler avec vous au cours des prochains mois, chacun - Etat et collectivités locales - ayant à s'impliquer dans cette démarche. Je sais que Gérard Longuet, président du conseil régional de Lorraine, s'est récemment exprimé en ce sens. Concrètement, un comité d'orientation a déjà été mis en place par le préfet de région sur les difficultés liées aux restructurations de l'entreprise Daewoo. Le projet luxembourgeois est évidemment un élément essentiel dans la réflexion de ce comité.
Afin d'élargir les travaux, le préfet de région vient de me transmettre le projet d'une étude qui sera lancée très prochainement. Elle devra établir un plan d'action détaillé sur les deux éléments clés de ce dossier : la stratégie d'attraction et d'ancrage des entreprises dans ce bassin d'emploi et la détermination des axes de développement qui devront assurer une forte complémentarité avec le secteur luxembourgeois, en particulier dans la perspective du projet Belval-ouest. J'ai demandé que cette étude soit menée dans des délais suffisamment courts pour permettre une présentation et des arbitrages dès le premier semestre de l'année prochaine.
Les collectivités locales seront bien entendu étroitement associées au pilotage. Une première rencontre est d'ailleurs envisagée avec les élus locaux au début de l'année prochaine afin d'arrêter le périmètre définitif et des objectifs précis. D'ores et déjà, vous pouvez noter que le projet de directive territoriale d'aménagement des bassins miniers nord-lorrains, dont l'avant-projet vient d'être adopté en comité interministériel d'aménagement du territoire du 13 décembre 2002, intègre ces enjeux.
Pour conclure, il me semble important, comme vous l'avez vous-même souligné, d'évoquer les modalités de coopération transfrontalière qu'appelle un tel projet. Le Gouvernement, sur ce point, entend respecter le principe de subsidiarité et la libre initiative des collectivités locales dans leurs domaines de compétences, y compris lorsqu'il s'agit de coordonner leurs initiatives avec celles des autorités locales homologues étrangères. Il va néanmoins de soi que l'Etat français jouera tout son rôle dans les démarches à conduire en direction des autorités nationales luxembourgeoise. Jean-Paul Delevoye, qui, je le rappelle, préside, en ce moment, une réunion avec les syndicats - c'est la raison pour laquelle il n'a pas pu venir vous répondre -, évoquera très prochainement ce sujet avec ses collègues ministre de l'intérieur et ministre des affaires étrangères.
Souhaitant, avec Jean-Paul Delevoye, vous avoir convaincu de l'importance que nous accordons à l'avenir de votre territoire qui a subi de profondes restructurations depuis plusieurs décennies, ainsi que des tentatives, pas toujours couronnées de succès de reconversion, je souhaite que l'Etat et les collectivités locales saisissent l'opportunité offerte pour asseoir les bases d'un développement économique et social orienté vers des activités d'avenir créatrices d'emplois durables, dans une perspective résolument européenne.
M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.
M. Michel Liebgott. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai pris bonne note du recours au principe de subsidiarité et je partage, sur ce point, votre sentiment.
Je veux surtout insister sur la nécessaire coopération entre le représentant de l'Etat, le préfet, et les parlementaires que nous sommes afin que nous puissions mesurer au mieux les conséquences de ce projet Esch-Belval et l'impact qu'auront les équipements envisagés, mais aussi rappeler à l'Etat ses responsabilités dans des domaines qui le concernent, qu'il s'agisse de la réalisation de l'axe autoroutier dont j'ai parlé, de la gestion de l'après-mines, en particulier du refus de l'ensemble des élus de ce bassin de l'ennoyage qui serait un facteur aggravant de l'insécurité vécue par les habitants de ces régions.
Au-delà des relations personnelles et du lien d'amitié que nous entretenons avec les députés luxembourgeois que nous avons rencontrés d'ailleurs récemment sous votre présidence, monsieur Baroin, il me paraît important que les parlementaires soient associés officiellement à toutes les démarches de l'Etat.
Auteur : M. Michel Liebgott
Type de question : Question orale
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : fonction publique, réforme de l'Etat et aménagement du territoire
Ministère répondant : fonction publique, réforme de l'Etat et aménagement du territoire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 décembre 2002