Question orale n° 578 :
dyslexie et dysphasie

12e Législature

Question de : M. Jean-Paul Bacquet
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Socialiste

M. Jean-Paul Bacquet interroge M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur le dépistage des troubles spécifiques du langage oral ou écrit. En effet, dans son plan en faveur de la santé des élèves, il évoque bien le dépistage des troubles d'apprentissage et envisage d'instaurer une visite médicale systématique en milieu scolaire à l'âge de cinq ans, mais rien n'est prévu en ce qui concerne la partie formation des enseignants pour dépister ces troubles, ni les prises en charge nécessaires pour la résolution de ces troubles. Suite au rapport Ringard, le précédent gouvernement avait prévu la mise en oeuvre d'un plan d'actions pour les enfants atteints d'un trouble spécifique du langage oral ou écrit et des moyens étaient prévus pour donner suite au dépistage systématique préconisé, recommandant comme cela se fait dans le département du Puy-de-Dôme un dépistage dès l'âge de trois ans. Ce dépistage très précoce paraît aujourd'hui le plus important pour éviter l'échec scolaire de nombreux enfants atteints de tels troubles. En effet, dès l'école maternelle, la manifestation de difficultés requiert la vigilance et un ajustement de l'action pédagogique. Si aujourd'hui les médecins scolaires et de PMI sont bien formés, il paraît important d'assurer une formation spécifique de tous les intervenants de maternelle et d'accorder des moyens humains supplémentaires, pour ne pas marginaliser l'élève, ni médicaliser une question qui peut être dans la grande majorité des cas considérée comme éducative. En conséquence, il lui demande de l'informer des dispositions qu'il compte prendre afin d'assurer un meilleur repérage et dépistage ainsi qu'une prise en compte plus efficace des troubles spécifiques du langage, notamment dans le cadre de l'école.

Réponse en séance, et publiée le 28 janvier 2004

DEPISTAGE DES TROUBLES DU LANGAGE

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour exposer sa question n° 578, relative au dépistage des troubles du langage.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre délégué à l'enseignement scolaire, je souhaitais interroger M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur le dépistage des troubles spécifiques du langage oral et écrit.
Dans son plan en faveur de la santé des élèves, le ministère évoque bien le dépistage des troubles d'apprentissage et envisage d'instaurer une visite médicale systématique en milieu scolaire à l'âge de cinq ans, mais rien n'est prévu pour former les enseignants à dépister ces troubles ni prendre en charge ceux qui en sont atteints.
A la suite du rapport Ringard, le précédent gouvernement avait prévu la mise en oeuvre d'un plan d'action pour les enfants atteints d'un trouble spécifique du langage oral ou écrit et des moyens pour permettre le dépistage systématique préconisé dès l'âge de trois ans, comme cela se fait dans le département du Puy-de-Dôme. Ce dépistage très précoce paraît aujourd'hui l'élément le plus important pour éviter l'échec scolaire de nombreux enfants atteints de tels troubles. En effet, la manifestation de difficultés dès l'école maternelle requiert une vigilance et un ajustement de l'action pédagogique.
Si, aujourd'hui, les médecins scolaires de PMI sont bien formés, il paraît important d'assurer une formation spécifique de tous les intervenants de maternelles et d'accorder des moyens humains supplémentaires pour ne pas marginaliser l'élève ni médicaliser une question qui peut être, dans la grande majorité des cas, considérée comme éducative.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, m'informer des dispositions que compte prendre le Gouvernement afin d'assurer un meilleur dépistage ainsi qu'une prise en compte plus efficace des troubles spécifiques du langage, notamment dans le cadre de l'école ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le député, je vous remercie de poser cette question qui touche à un sujet très sensible. L'école a la responsabilité particulière de veiller à la santé des jeunes qui lui sont confiés. C'est pourquoi le Gouvernement a développé une politique en faveur de la santé des élèves.
Ainsi, un plan d'action pour les enfants atteints d'un trouble spécifique du langage oral ou écrit a été mis en place. Ce plan, traduit dans les circulaires du 31 janvier 2002 et du 1er décembre 2003, s'articule autour de trois objectifs prioritaires : connaître et comprendre les troubles, assurer la continuité du parcours scolaire pour les élèves concernés, mieux coordonner et mieux organiser les réponses.
Depuis la rentrée scolaire 2003, les élèves atteints de troubles sévères du langage, environ 1 % des cas, s'intègrent aux 270 unités pédagogiques d'intégration, les UPI, qui viennent d'être créées. Cela permet d'accroître le nombre d'élèves handicapés capables de poursuivre leur scolarité au collège et au lycée. Il est prévu de créer, dans les cinq ans, 1 000 nouvelles UPI.
Par ailleurs, pour développer les possibilités offertes par les services d'assistance pédagogique à domicile, nous avons décidé d'augmenter leurs moyens horaires, et 26 000 heures supplémentaires seront attribuées au cours de l'année 2003-2004.
Ainsi les élèves contraints d'interrompre momentanément leur scolarité peuvent-ils bénéficier d'une aide personnalisée à domicile afin d'assurer la continuité des apprentissages scolaires.
La prévention repose sur une pratique pédagogique diversifiée et structurée, centrée sur l'acquisition de la langue orale. Elle s'adresse à tous les enfants scolarisés et a fortiori à ceux qui présentent des risques de difficultés ou des symptômes de trouble de langage. Ce travail s'appuie sur la connaissance des élèves par le maître. Par ailleurs, des outils d'évaluation pour le langage oral et l'entrée dans l'écrit en grande section de maternelle et en cours préparatoire sont diffusés aux personnels - nous avons fait un livret pour tous les personnels concernés par l'apprentissage du langage.
Pour ce qui concerne le dépistage - là, c'est plutôt au médecin que je m'adresse -, les nouveaux textes en vigueur prévoient un premier bilan par le médecin de la PMI à l'occasion de la visite de trois-quatre ans - nous avons avancé l'âge pour cette visite -, sur la base des informations fournies par l'équipe pédagogique, la famille et les membres des réseaux d'aide spécialisée pour les enfants en difficultés.
Le second dépistage est organisé dans les mêmes conditions par le médecin de l'éducation nationale lors de la visite obligatoire qui, comme vous l'avez souligné, pourra être avancée à cinq ans pour mieux prévenir et prendre en charge les problèmes de santé des enfants.
De même, afin d'améliorer l'efficacité du dépistage et du suivi, un nouveau dossier de santé de l'enfant, qui le suivra durant toute sa scolarité, évitera la déperdition des informations entre les services de la PMI, de la médecine scolaire et de la médecine de ville.
Enfin, lorsque le diagnostic est établi, les élèves concernés bénéficient d'un projet individualisé de scolarisation, adapté à la nature et à la sévérité de ces troubles. Heureusement, dans la majorité des cas, l'existence des troubles spécifiques du langage est compatible avec une scolarité dans une classe ordinaire. Pour cela, une information satisfaisante est désormais adressée aux enseignants. Ces aménagements pédagogiques permettent à un plus grand nombre d'élèves de suivre une scolarité normale.
Bien évidemment, les options d'enseignement spécialisé dans la formation initiale et continue des maîtres sont confortées. Des recommandations ont été données aux recteurs pour renforcer, dans les plans académiques de formation continue, l'offre à destination des enseignants du premier et du second degrés. De la même manière, la formation initiale des médecins scolaires sera enrichie afin d'accroître leurs compétences sur la détection des troubles de langage.
Comme vous le voyez, monsieur le député, la question est traitée par le Gouvernement. Elle nous préoccupe. Nous en entendons beaucoup parler par nos personnels. Je vous conseille de vous reporter aux textes référents, les circulaires du 31 janvier 2002 et du 1er décembre 2003 parues au Bulletin officiel de l'éducation nationale, qui résument la politique que nous conduisons avec énergie sur ce sujet très sensible.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais nous n'avons manifestement pas la même façon d'aborder le problème.
Vous avez eu raison de préciser que je suis médecin, mais je tiens à dire que je suis totalement incompétent en la matière, comme la quasi-totalité des médecins français d'ailleurs, puisqu'ils ne reçoivent aucune formation à cet égard, sauf lorsqu'ils exercent en milieu scolaire ou dans les centres de PMI.
Il faut soit instaurer un dépistage systématique à l'âge de trois ans, soit mettre en place un bon système d'alerte pour pouvoir dépister les enfants qui sont en difficulté non pas de façon systématique et globale, mais dans les classes maternelles. Vous avez parlé de 1 % d'affections graves, mais 4 % à 6 % des enfants souffrent de dyslexie, ce qui est loin d'être négligeable.
Le rapport Ringard, qui avait été demandé par votre prédécesseur, M. Jack Lang, justifiait le dépistage en maternelle, comme en témoigne la circulaire interministérielle du 4 février 2002 : « C'est la raison pour laquelle, dès l'école maternelle, la manifestation de difficultés requiert la vigilance et un ajustement de l'action pédagogique. Lorsque l'ensemble des signes d'alerte manifestés par un élève laisse à penser que les difficultés qu'il rencontre peuvent être en rapport avec des troubles spécifiques du langage oral ou écrit, il est indispensable de mobiliser les compétences d'une équipe pluridisciplinaire capable d'approfondir... »
Je lisais dernièrement dans le Concours médical, journal hautement qualifié en la matière, un article de Monique Touzin, de l'hôpital Robert-Debré, dont voici un extrait : « Les difficultés rencontrées par les enfants dyslexiques se situent essentiellement dans l'identification et la reconnaissance des mots écrits. Certaines compétences nécessaires à l'acquisition de la lecture se mettent en place bien avant que l'enfant soit confronté à cet apprentissage formel à l'école, alors que d'autres se développent parallèlement à l'apprentissage. » C'est donc bien avant le cours préparatoire, à l'école maternelle, qu'il faut procéder au dépistage. Cet article le dit d'ailleurs clairement : « Il faut repérer dès les classes maternelles les enfants qui ont un risque de développer des troubles de la lecture. Les études longitudinales ont montré que les enfants les plus en difficulté dans cet apprentissage étaient ceux qui avaient, avant même la confrontation à l'écrit, de mauvaises compétences en conscience phonologique, c'est-à-dire des difficultés à isoler les segments constitutifs des mots, à comparer les rimes, à effectuer des opérations de segmentation. » Il est donc absolument nécessaire d'intervenir au niveau de l'école maternelle.
La circulaire Lang prévoyait un plan d'action pour les enfants atteints d'un trouble spécifique du langage, oral ou écrit. A quand une véritable formation des enseignants ? A quand une véritable formation des intervenants médicaux à l'école ? Cela dit, encore faudrait-il qu'il y en ait suffisamment ! Le problème n'est pas négligeable, car il concerne 6 à 8 % des enfants, qui, de l'avis de tous les experts, sont des enfants intelligents, voire souvent très intelligents. Il en résulte des situations de souffrance graves non seulement pour les enfants et les parents, mais aussi pour les enseignants, qui mesurent leur difficulté à appréhender un problème pour lequel ils ne sont pas formés.
La question est certes complexe et l'on pourrait toujours l'aborder avec la langue de bois, si je puis me permettre l'expression. On pourrait dire qu'elle fait appel à la neurobiologie, à la neuropsychologie, aux sciences cognitives, à la linguistique, à la sociologie, à la pédagogie. Mais non, monsieur le ministre ! C'est un problème de volonté politique. La circulaire Lang n'a pas été suivie d'effets. C'est dramatique pour les enfants qui pourraient être dépistés et dont l'avenir est de ce fait remis en cause.

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Bacquet

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : jeunesse et éducation nationale

Ministère répondant : jeunesse et éducation nationale

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 27 janvier 2004

partager