politique de l'éducation
Question de :
M. Christian Bataille
Nord (22e circonscription) - Socialiste
M. Christian Bataille interroge M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur la réduction des postes d'enseignant dans le premier et le second degré. Cette politique de réduction des moyens est en totale contradiction avec ses déclarations quant à la rénovation de notre système d'enseignement : on ne peut pas rénover l'enseignement si, dans le même temps, on réduit les postes budgétaires partout en France, plus particulièrement dans les académies du Nord et de l'Est. Le Nord - Pas-de-Calais risque de battre les records de suppressions de postes. Il l'interroge sur le maintien de l'accueil en maternelle dès l'âge de deux ans ; ses projets pour le second degré, dans une région qui continue à souffrir du chômage et de la misère sociale et qui aurait besoin d'une élévation du niveau d'éducation et de formation ; la préservation des options, notamment les langues anciennes, le latin, le grec, et les langues vivantes autres que l'anglais, notamment l'allemand, langue de notre principal partenaire en Europe. Il lui demande enfin de prendre en compte la dimension de l'aménagement du territoire et de la solidarité pour les régions concernées par des baisses d'effectifs.
Réponse en séance, et publiée le 28 janvier 2004
MOYENS ALLOUES A L'EDUCATION
DANS LE NORD - PAS-DE-CALAIS
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille, pour exposer sa question n° 581, relative aux moyens alloués à l'éducation dans le Nord - Pas-de-Calais.
M. Christian Bataille. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, l'année scolaire 2004-2005 sera une triste année en matière de réduction des postes d'enseignants dans le premier et le second degrés. C'est par milliers que les postes d'enseignants seront supprimés à l'école, au collège, au lycée. Cette politique de réduction des moyens est en totale contradiction avec vos déclarations quant à la rénovation de notre système d'enseignement : on ne peut pas rénover l'enseignement si, dans le même temps, on réduit les postes budgétaires partout en France, plus particulièrement dans les académies du Nord et de l'Est.
Alors que la commission technique paritaire se réunit aujourd'hui, le Nord - Pas-de-Calais risque, hélas, de battre les records de suppressions de postes. Selon les éléments connus à ce jour, 564 suppressions sont envisagées dans l'académie de Lille, essentiellement dans le second degré. Dans le premier degré, voulez-vous maintenir l'accueil en maternelle dès l'âge de deux ans ? Prendrez-vous en compte la dimension de l'aménagement du territoire et de la solidarité pour les régions concernées par des baisses d'effectifs ou bien choisirez-vous une interprétation restrictive des textes, retardant ainsi la socialisation des jeunes enfants qui ont, dès leur plus jeune âge, besoin du service public et de la solidarité ?
Dans le second degré, collèges et lycées, confirmez-vous des mesures négatives très lourdes dans une région qui continue à souffrir du chômage et de la misère sociale et qui aurait besoin d'une élévation du niveau d'éducation et de formation ?
Entendez-vous maintenir les options, notamment les langues anciennes, le latin, le grec, et les langues vivantes autres que l'anglais, notamment l'allemand, langue de notre principal partenaire en Europe ? Ces enseignements, qui complètent la richesse et la diversité de la culture de nos élèves, seront-ils préservés ou allez-vous, pour des raisons d'économies budgétaires, procéder à la normalisation des matières dans les lycées ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le député, je ne pense pas que ma réponse soit de nature à vous donner totale satisfaction. Vous le savez bien d'ailleurs, car vous seriez surpris si je vous annonçais subitement la création d'une multitude de postes.
La méthode que nous utilisons pour répartir les emplois d'enseignants vise à assurer une équité des dotations entre les académies les mieux dotées et les académies les moins dotées, et ce en accord avec le budget que la représentation nationale a approuvé.
Je rappelle que, sur le plan général, le budget 2004 de l'enseignement scolaire, en progression de 2,8 %, traduit la volonté du Gouvernement de donner au système éducatif les moyens d'un bon fonctionnement. La répartition des moyens entre les académies obéit à des principes clairs et équitables qui, contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Bataille, ne se bornent pas à une logique comptable fondée sur les seules variations démographiques, mais prennent également en compte la volonté de maintenir le service public dans les zones rurales, par exemple, et le souci de favoriser la réussite des élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées. Nous voulons aussi éviter des effets accordéon.
S'agissant de l'académie de Lille, il faut être lucide. Le contexte régional est le suivant : l'académie de Lille connaît depuis dix ans une baisse considérable de la démographie scolaire. Les retraits de moyens n'ont jamais été dans la même proportion. A la rentrée prochaine, l'académie va encore perdre 8 500 élèves dans les collèges et dans les lycées après une chute déjà considérable de 7 200 élèves en 2003. Nous aurons perdu plus de 15 000 élèves en deux ans.
Le retrait de 567 postes dans le second degré semble énorme, mais, compte tenu de la baisse démographique, le taux d'encadrement, le service rendu, sera préservé. Nous allons maintenir des options rares, et notamment le latin et le grec, mais nous sommes évidemment obligés d'effectuer des regroupements de classes, car les effectifs sont très faibles.
Dans le premier degré, le ratio d'encadrement restera très élevé - 5,27 enseignants pour 100 élèves. Nous avons tenu compte des difficultés sociales et territoriales de votre région et nous n'avons pas retiré autant de postes que l'aurait dicté la calculette !
L'accueil des enfants de deux ans - sujet qui passionne les élus socialistes -...
M. Marcel Dehoux. Qui passionne les parents surtout !
M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. ... est très important dans l'académie de Lille : 60 % contre 35 % en moyenne nationale. L'effort est important, mais il sera maintenu, comme je l'ai toujours dit, en donnant la priorité aux secteurs les plus socialement défavorisés et aux zones rurales isolées.
L'aménagement du territoire est pour nous essentiel. L'école a bien souvent montré le chemin. J'ai renforcé notre engagement en demandant aux recteurs et aux inspecteurs d'académie de travailler à l'élaboration d'un schéma territorial pour le premier degré, associant tous ceux qui sont intéressés par la question - enseignants, personnels communaux, parents, élus. Ce schéma, nouveauté dans le premier degré, permettra de rendre cohérente la carte des écoles et surtout d'offrir aux élèves de meilleures conditions pédagogiques lorsque les écoles et les communes choisiront de constituer des réseaux d'écoles que j'appelle de mes voeux, surtout dans des académies qui perdent des élèves. Nous aurons là un élément fort d'un aménagement harmonieux du territoire.
Voilà, monsieur Bataille, ce que je voulais vous dire. Je le répète, le taux d'encadrement dans l'académie de Lille reste élevé. Il ne diminuera pas, puisque le nombre de postes retirés est largement inférieur en proportion à celui des élèves qui quittent l'académie.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bataille.
M. Christian Bataille. Monsieur le ministre, je suis loin de souscrire à cette vision optimiste.
M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Ce n'est pas une question d'optimisme !
M. Christian Bataille. Dans cette académie, où vous avez vous-même reconnu que vous supprimiez 567 postes, nous assistons à un véritable sinistre industriel ou tertiaire : la fermeture d'une entreprise qui emploierait un aussi grand nombre de personnes ne ferait-elle pas la une des journaux ?
Seulement, l'habileté de vos services est telle qu'on parle à peine de cette disparition de la matière vive du Nord - Pas-de-Calais. Vous prétendez la justifier par une baisse des effectifs. Mais l'argument n'est pas recevable : ainsi, vous supprimez cinquante postes dans l'enseignement du premier degré, qui accueillera pourtant, d'ici l'an prochain, 2 500 élèves supplémentaires.
Au vu des dernières nouvelles, il semble que la situation ne s'améliorera pas dans les années qui viennent. Les syndicats d'enseignement envisagent d'ailleurs un mouvement de protestation contre la réduction drastique des postes offerts au concours. Dans l'enseignement professionnel comme dans l'enseignement technique, on annonce, pour des matières comme l'éducation physique, une baisse des postes de l'ordre de 40 %. Et il en va de même pour les conseillers principaux d'éducation et les conseillers d'orientation psychologues. Cette diminution des postes mis au concours se traduira, à brève échéance, par des arrivées moins nombreuses dans l'éducation nationale.
Je suis d'autant plus inquiet que cette réduction du recrutement va se conjuguer aux très nombreux départs en retraite annoncés - et d'ores et déjà présentés dans le pays comme un handicap qui sera difficile à surmonter.
Je me demande donc si nous n'allons pas au-devant d'une grave pénurie de personnel enseignant, qu'on ne pourra imputer, monsieur le ministre, qu'à votre imprévoyance.
Mme la présidente. Souhaitez-vous reprendre la parole, monsieur le ministre ?
M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Bien sûr ! Je ne peux pas laisser dire que je souhaiterais organiser la pénurie de l'encadrement scolaire !
Monsieur le député, je ne citerai qu'un chiffre : cette année, alors que nous allons perdre 0,8 % d'élèves, la diminution du recrutement des professeurs ne diminuera, elle, que de 0,6 %. Le taux d'encadrement sera donc amélioré.
Je le répète : ce ne sont pas les professeurs, mais les élèves qui partent, et nous nous contentons d'adapter notre recrutement à la baisse de la démographie. Cette adaptation de l'effectif du personnel aux réalités du terrain ne remet nullement en cause la qualité du service public.
Quoi qu'il en soit, je sais, monsieur Bataille, que nous aurons du mal à nous mettre d'accord sur ce sujet.
Auteur : M. Christian Bataille
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : jeunesse et éducation nationale
Ministère répondant : jeunesse et éducation nationale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 janvier 2004