déchets ménagers
Question de :
M. Jean-Claude Sandrier
Cher (2e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. Jean-Claude Sandrier souhaite interroger Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les actions du Gouvernement en matière de traitement des déchets d'assainissement. En effet, en 2003, sous l'effet des normes environnementales nécessaires mais contraignantes, mais aussi sous l'effet de pratiques quasi-monopolistiques des grands groupes prestataires de ces services, les coûts facturés aux usagers se sont littéralement envolés. Cette hausse, très importante, pour la collecte et le traitement des ordures ménagères atteignant jusqu'à 200 % voire 300 % dans notre département, fait suite à une augmentation de 9 % en 2002. C'est pourquoi, il demande au Gouvernement l'examen de trois propositions : la création de services publics départementaux de collecte et de traitement des ordures ménagères ; la création d'un service public national de l'eau et de l'assainissement et la mise en place d'une aide particulière aux communes concernant les ordures ménagères et d'une aide exceptionnelle pour les investissements en matière d'assainissement afin de préserver les habitants d'une hausse très forte de l'imposition locale. De plus, il souhaiterait connaître les décisions du Gouvernement, pouvant concilier le respect de la planète avec les capacités financières des contribuables locaux.
Réponse en séance, et publiée le 28 janvier 2004
COUT DU TRAITEMENT DES DECHETS MENAGERS
ET DE L'ASSAINISSEMENT
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour exposer sa question n° 586, relative au coût du traitement des déchets ménagers et de l'assainissement.
M. Jean-Claude Sandrier. Mme la ministre de l'écologie et du développement durable, en 2003, l'augmentation du produit de la taxe sur les ordures ménagères a atteint 400 millions d'euros, soit un accroissement de 10 % en moyenne, de beaucoup supérieur à l'inflation. Certains départements, comme le Cher, dont je suis l'élu, ont connu des hausses particulièrement disproportionnées, entraînant des difficultés notables pour les familles. Ainsi, à Bourges et à Vierzon, les deux principales villes du Cher, la facture pour les usagers a augmenté de 250 % ces dernières années, et un syndicat intercommunal a pris pour 2003 des décisions qui ont entraîné des hausses de 300 % du prix supporté par certains habitants.
De telles hausses sont inacceptables. Pesant sur le pouvoir d'achat des familles, et donc sur la croissance économique, sans s'accompagner de quelque façon que ce soit d'une amélioration du service, elles constituent une rente de plus en plus profitable au bénéfice de quelques grosses sociétés privées. Elles sont d'autant plus injustes que, partout où a été mis en place le tri sélectif, on avait fait miroiter à nos concitoyens la promesse d'une facture allégée. Ils se rendent compte aujourd'hui qu'ils ont passé un marché de dupes.
Il ne s'agit absolument pas de baisser la garde sur le traitement des déchets : il n'est pas question de laisser à nos enfants une planète poubelle. Mais cette obligation pour l'humanité ne saurait justifier des hausses de prix totalement déraisonnables à des fins de profit privé.
La production croissante d'emballages par les industriels génère de plus en plus de déchets ménagers, dont le traitement génère lui-même des coûts exorbitants. Une première solution consisterait donc à pénaliser plus lourdement les producteurs de déchets, pour financer plus et mieux le traitement de ceux-ci.
En deuxième lieu, grâce à l'organisation actuelle du marché du traitement des ordures ménagères comme dans le secteur de l'eau ou de l'assainissement, les trois grands groupes prestataires, Vivendi, Suez et Bouygues, font supporter aux usagers des coûts faramineux. Ils se sont en effet pratiquement partagé le territoire, éliminant ainsi toute concurrence. Après avoir pratiqué des prix attractifs dans les années quatre-vingt, quand il s'agissait de conquérir des parts de marché, ces trois multinationales réalisent aujourd'hui des profits considérables sur le dos des citoyens usagers. Elles leur font ainsi payer les choix de gestion d'actionnaires à la recherche de profits immédiats, voire les échecs auxquels ont abouti leurs aventures industrielles et boursières.
De récentes décisions de justice et renégociations de contrats ont prouvé que, en matière d'ordures ménagères ou d'eau et d'assainissement, il faut mieux soutenir les collectivités pour que des charges indues ne soient pas facturées aux citoyens. Les principes fondateurs du droit de la commande publique exigent une bonne utilisation des deniers publics, excluant l'enrichissement sans cause de prestataires peu scrupuleux. Il est donc indispensable que l'Etat soutienne les collectivités locales, en développant des services publics d'expertise publique, capables de tenir tête aux responsables techniques et financiers des grands groupes privés. De plus les chambres régionales des comptes pourraient se voir confier des missions d'audit et d'expertise pour juger le bien-fondé de certains contrats.
Les pouvoirs publics ne pourront pas continuer à faire supporter ces hausses aux usagers, sans voir qu'il s'agit à l'évidence d'un problème de société, celui de l'existence et du bon fonctionnement d'un service public. C'est pourquoi je tiens à vous faire quatre propositions très concrètes.
La première urgence, c'est que l'Etat accorde aux communes un soutien spécifique au traitement des ordures ménagères. La solution d'une subvention de 12 euros par « habitant-trieur » proposée par le congrès des maires de France me paraît mériter toute l'attention du Gouvernement. De même, l'Etat doit apporter un soutien exceptionnel aux investissements en matière d'assainissement, afin de préserver les habitants d'une hausse excessive de l'imposition locale. Ce soutien pourrait prendre la forme de bonifications de dotations globales d'équipement ou de prêts à taux zéro. Dans le même temps, le Gouvernement devra cesser de ponctionner les agences de l'eau, comme il l'a fait dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004.
Deuxièmement, pour pénaliser plus fortement les gros producteurs de déchets, qui alourdissent considérablement le coût de la collecte et du traitement des ordures ménagères, l'Etat doit augmenter notablement la taxe sur les emballages : actuellement, le niveau de la taxe française est cinq fois inférieur à ce qu'il est en Angleterre, et dix fois moindre qu'en Allemagne.
Notre troisième proposition, la création d'un service public des déchets, découle de notre réflexion. Il s'agirait de l'envisager soit à l'échelon départemental, soit à celui d'un bassin de déchets correspondant aux réalités locales. Ainsi, dans le Cher, il serait souhaitable de créer un établissement public départemental, en s'appuyant sur l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit la possibilité de transférer au département la compétence de collecte et de gestion des déchets. Cela permettrait une plus grande transparence et une plus grande cohérence, une meilleure maîtrise des coûts, grâce aux économies d'échelle ainsi réalisées, et une participation financière de l'Etat et du conseil général, au moins en ce qui concerne les investissements.
Je proposerai enfin la création d'un service public national en matière d'eau et d'assainissement, qui s'impose au regard des enjeux.
Je tenais, madame la ministre, à vous exposer ces quatre propositions, avant de vous demander ce que comptait faire le Gouvernement pour mettre fin aux hausses au détriment des usagers, aux pratiques non concurrentielles, en un mot à la loi du plus fort, dans ces domaines tout simplement essentiels pour la vie de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, vous avez appelé mon attention sur un sujet qui me préoccupe car j'ai constaté comme vous la hausse des coûts de collecte et de traitement des déchets, même si je conteste le caractère unilatéral de l'explication que vous en donnez.
En effet, plus d'un facteur expliquent en fait cette augmentation, notamment la diminution des rejets de polluants par les installations de traitement de déchets, ainsi que l'amélioration des conditions de collecte. Dans certains cas, la mise en place d'un système de collecte sélective mal adapté aux conditions locales a pu entraîner des surcoûts que ne justifie pas toujours le bénéfice écologique de l'opération.
Vous souhaitez que le Gouvernement étudie la possibilité de mettre en place des services départementaux de collecte et de traitement des ordures ménagères. Mais il me semble que l'organisation de la collecte et du traitement des déchets ménagers est avant tout tributaire des conditions locales. La loi du 12 juillet 1999, relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, a modifié les règles de gestion du service d'élimination des déchets ménagers et assimilés. S'agissant de l'élimination des déchets ménagers, elle distingue entre la compétence en matière de collecte et la compétence en matière de traitement. Cette dernière compétence peut être prise en charge par le département, et c'est d'ailleurs aujourd'hui le cas dans un département en France. Il est également possible de créer un syndicat intercommunal de collecte couvrant l'ensemble d'un département. En revanche, il ne me semble pas opportun de prévoir que ces compétences seront dans tous les cas exercées à l'échelon départemental : il appartient aux acteurs locaux d'en décider.
S'agissant du traitement des déchets ménagers, le soutien direct que peut apporter l'Etat ne peut viser que des opérations particulières. Il a ainsi fortement soutenu les investissements réalisés par les communes afin de lancer la modernisation de la gestion de déchets à compter de la loi de 1992 - je vous rappelle que cette loi prévoyait la date butoir de juillet 2002. Mais il n'appartient pas à l'Etat d'assurer le fonctionnement courant du service d'enlèvement des ordures ménagères. Il subsiste cependant des soutiens indirects importants à des actions structurelles, comme l'instauration d'un taux de TVA réduit en faveur des collectivités qui ont mis en place une collecte sélective, ou d'une contribution des producteurs d'emballages, versée par l'intermédiaire de sociétés agréées, et qui représentait près de 300 millions d'euros en 2003.
S'agissant des services de l'eau et de l'assainissement, j'ai engagé en 2003 une large concertation sur la réforme de la politique de l'eau. A l'issue de cette consultation, je ne peux que constater que la création d'un service public national de l'eau et de l'assainissement n'est pas une attente de nos concitoyens ; ils apparaissent très attachés au caractère local de la gestion de l'eau, où l'organisation des services est une compétence des collectivités locales et de leurs groupements. Par contre, la question des niveaux de solidarité est fréquemment posée.
Les dispositions du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau, que je présenterai en conseil des ministres avant l'été, permettront notamment de consolider le dispositif des agences de l'eau. Cependant, des aménagements aux règles budgétaires pourront être proposés afin de permettre aux collectivités de lisser l'impact d'éventuels programmes de travaux importants sur le prix du service. Par ailleurs, des solidarités volontaires locales par le biais de l'intercommunalité ou avec l'aide des conseils généraux sont à encourager.
La transparence de la gestion des services est notre seconde préoccupation. Dans l'accroissement des coûts que connaît le domaine de l'eau et de l'assainissement, il est actuellement difficile de faire la part due à l'amélioration de la qualité du service rendu à l'usager. J'ai donc retenu l'idée de la création d'un observatoire national des services publics de l'eau et de l'assainissement, chargé de diffuser les données sur le prix, la qualité et les performances des services, qu'ils soient confiés à des sociétés privées ou à des régies. La participation des usagers à la vie des services est également l'un des axes qui découle de la transposition de la directive-cadre européenne sur l'eau. Les consultations que je compte prochainement engager avec les associations d'élus permettront de mieux définir les dispositions législatives indispensables pour maîtriser l'évolution du prix de l'eau, tout en garantissant sur le long terme la qualité du service rendu aux usagers.
J'ai bien entendu, monsieur le député, vos quatre propositions, qui seront naturellement examinées dans le cadre de cette large concertation.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
M. Jean-Claude Sandrier. Je veux simplement faire quelques observations.
Il me paraît tout à fait naturel que nous n'expliquions pas de la même façon les hausses constatées. Mais comprenons-nous bien : il ne s'agit pas de dessaisir les collectivités locales de leurs responsabilités en matière d'ordures ménagères, qui doivent rester ce qu'elles sont. Simplement, il faut que l'Etat s'investisse dans ce domaine, car on est là face à un problème écologique d'intérêt national. De plus, le congrès des maires de France a révélé un réel malaise, d'où l'intérêt d'examiner leur proposition d'instituer une subvention de 12 euros par « habitant-trieur », au bénéfice des collectivités locales. Ce serait là une bonne action de la part de l'Etat.
En ce qui concerne l'assainissement, s'il n'est pas possible de soutenir toutes les communes, il serait souhaitable pour le moins que celles qui connaissent des difficultés spécifiques, telles certaines communes rurales, puissent bénéficier d'un soutien exceptionnel en la matière.
Auteur : M. Jean-Claude Sandrier
Type de question : Question orale
Rubrique : Déchets, pollution et nuisances
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 27 janvier 2004