Question orale n° 628 :
délocalisations

12e Législature

Question de : M. Michel Françaix
Oise (3e circonscription) - Socialiste

M. Michel Françaix appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation de l'emploi dans l'Oise, où se multiplient les fermetures d'entreprises ou encore les restructurations de grands groupes, tels que Arcelor ou Aventis. S'ajoute une remise en cause des structures juridico-financières sous couvert de la mise en place de l'harmonisation des taxes européennes. Ce phénomène, marginal il y a encore quelque temps, s'accélère aujourd'hui, notamment dans les groupes de la chimie. Il a toujours comme finalité d'augmenter encore les profits au détriment de l'emploi, de l'imposition nationale et locale, une remise en cause de la législation du travail, des conventions collectives, des accords d'entreprises. Ainsi, le groupe Colgate Palmolive, qui affiche des bénéfices insolents, a choisi d'amplifier encore ses profits en déménageant son siège européen de la France vers la Suisse, en négociant un taux d'imposition sur les bénéfices de 6 %, au lieu de plus de 30 % en France. Les sites de production changeront de statut et deviendront des sous-traitants avec un statut juridique local particulier à chaque pays. Ils deviendront des centres de coût. De ce fait, l'imposition locale s'en trouvera altérée de 30 % à 50 % par rapport au montant actuel, se traduisant par un impact évident sur les finances locales, et donc sur une charge supplémentaire pour les citoyens. Ces opérations juridico-financières ont des effets négatifs sur l'emploi par les regroupements des tâches. Ainsi, d'ores et déjà, sur le site de Compiègne est annoncée la suppression de 107 emplois pour 2004. Le cas de Colgate Palmolive a fait l'objet d'un forum syndical européen le 9 janvier 2004 à Bruxelles et d'une grève de solidarité européenne le 30 janvier 2004. Il s'avère également que ces groupes savent fort bien utiliser les compensations financières et les subventions versées par l'État (baisse des cotisations, mise en retraite anticipée, aide à la création des sites et d'emplois, etc.). Il s'agit à la fois notamment d'évasion fiscale organisée dans un contexte le permettant, d'emplois menacés de disparition, de démantèlement des conventions collectives, de désertification industrielle de notre pays. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour empêcher cette dérive, sous couvert d'une mondialisation accommodante.

Réponse en séance, et publiée le 25 février 2004

CONSÉQUENCES SUR L'EMPLOI
DES RESTRUCTURATIONS D'ENTREPRISES DANS L'OISE

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Françaix, pour exposer sa question n° 628, relative aux conséquences sur l'emploi des restructurations d'entreprises dans l'Oise.
M. Michel Françaix. Madame la ministre déléguée à l'industrie, vous le savez, les fermetures d'entreprises et les restructurations se multiplient dans toute la France, particulièrement dans l'Oise : Nobel, Yoplait, Rhodia, Lajous, Case, Bosch, Nestlé, Aventis, Arcelor - j'attends toujours, avec le député Maxime Gremetz, que vos services nous fixent un rendez-vous.
A ce phénomène s'ajoute une remise en cause des structures juridico-financières sous couvert de la mise en place de l'harmonisation des taxes européennes. Ce phénomène, longtemps marginal, s'accélère aujourd'hui, Ainsi, le groupe Colgate Palmolive, qui affiche des bénéfices confortables, a choisi d'amplifier encore ses profits en déménageant son siège européen de la France vers la Suisse et en négociant un taux d'imposition sur les bénéfices de 6 %, au lieu de 30 % en France.
Les sites de production changeront de statut et deviendront des sous-traitants avec un statut juridique local particulier à chaque pays. Ils deviendront des centres de coût. De ce fait, l'imposition locale s'en trouvera altérée de 30 % à 50 % par rapport au montant actuel, se traduisant par un impact évident sur les finances locales, et donc sur une charge supplémentaire pour les citoyens.
Ces opérations juridico-financières ont des effets négatifs sur l'emploi, vous le savez, madame la ministre, du fait des regroupements des tâches. Ainsi, sur le site de Compiègne est d'ores et déjà annoncée la suppression de 107 emplois en 2004.
Le cas de Colgate Palmolive a fait l'objet d'un forum syndical européen le 9 janvier 2004 à Bruxelles et d'une grève de solidarité européenne le 30 janvier 2004.
Madame la ministre, que compte faire le Gouvernement ? Quels sont les textes de loi, les règles de bonne conduite qui devraient être mis en place aux niveaux national et européen pour éviter l'évasion fiscale organisée et redonner aux entreprises une image citoyenne ?
Quelles dispositions le Gouvernement va-t-il prendre pour éradiquer cette épidémie qui frappe actuellement de nombreux groupes ?
Qui paiera les impôts locaux et nationaux que ne supporteront plus ces entreprises qui font du chiffre d'affaires en France avec des bénéfices importants et qui paieront leurs impôts en Suisse à des taux négociés ?
Qui paiera les infrastructures et la maintenance nécessaires au bon fonctionnement d'une municipalité ou d'une région, et dont bénéficieront ces grands groupes ?
J'ai peur, madame la ministre, que cela n'incombe aux citoyens. J'espère, madame la ministre, que vous allez me rassurer sur ce point car les citoyens n'ont pas à supporter les conséquences d'une telle dérive, sous couvert d'une mondialisation accommodante.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur Françaix, les difficultés rencontrées dans le secteur de la chimie, dont je ne méconnais pas les graves conséquences sur l'emploi, ne sont pas uniquement dues à un manque d'attractivité du territoire français, en matière fiscale ou sociale. Ainsi, dans le cas que vous citez, il semble que la majeure partie des réductions d'effectifs prévues en France par le groupe Colgate Palmolive soit liée à la vente de certaines de ses marques à un groupe concurrent, et s'inscrive par conséquent dans une réorganisation à l'échelle mondiale.
Cela étant, dans le cas de Colgate Palmolive comme dans les autres cas, les pouvoirs publics sont particulièrement vigilants pour faire respecter la législation actuelle en matière fiscale et sociale.
En ce qui concerne les suppressions d'emplois envisagées à Compiègne au sein du groupe Colgate Palmolive, il n'appartient pas au Gouvernement de prendre position sur une négociation en cours. Celle-ci porte sur le nombre des salariés concernés et sur les modalités d'accompagnement de ces salariés.
Le ministère du travail sera attentif à ce que l'entreprise propose des moyens de reclassement satisfaisants pour les salariés, conformément au code du travail.
En matière d'impôts locaux, les pertes importantes de base de taxe professionnelle sont, depuis cette année, compensées par l'Etat, de manière dégressive.
Sur le plan fiscal national, il est avéré que la stratégie d'un groupe tel que Colgate Palmolive consistant à transférer son activité opérationnelle dans une structure « entrepreneur » basée en Suisse et à mettre en place des sociétés de services - sous-traitants ou commissionnaires - dans chaque pays, lui permet de localiser l'essentiel de ses résultats en Suisse.
Toutefois, dans une telle situation, la direction générale des impôts s'assure, dans le cadre de sa mission de contrôle, que les risques économiques et les fonctions qui étaient jusqu'alors attachés à la structure française sont réellement transférés et que les fonctions de base exercées par les entités vérifiées sont correctement rémunérées.
A défaut, les conséquences fiscales en sont tirées, de même qu'elles le seront dans l'hypothèse où la restructuration du groupe industriel évoquée revêtirait la forme de la dissolution ou du transfert physique vers la Suisse de l'une des sociétés établies en France.
En tout état de cause, la France ne peut pas s'accommoder de ces situations en s'inscrivant dans le camp de ceux qui prennent le parti du moins-disant fiscal ou social. La voie de la négociation internationale est la plus raisonnable.
Sur ce point, je tiens à vous préciser que la France participe activement aux travaux du forum sur les pratiques fiscales dommageables au sein de l'OCDE et les dispositifs suisses entrent dans le champ de cet examen.
Enfin, le Gouvernement agit résolument pour favoriser l'attractivité, et donc l'investissement et l'emploi. Les mesures en faveur de la recherche, de l'innovation, des impatriés constituent des signaux forts en direction de la communauté économique. La décision du Président de la République d'exonérer de taxe professionnelle les investissements nouveaux réalisés jusqu'au 30 juin 2005 va dans la même direction.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Françaix.
M. Michel Françaix. Je veux d'abord vous remercier, madame la ministre, car je connais votre bonne volonté. Mais permettez-moi de déplorer la frilosité dont le Gouvernement fait preuve en la matière.
Il demeure immobile devant l'évasion fiscale organisée, les emplois menacés de disparition, le démantèlement des conventions collectives, la désertification industrielle de notre pays.
Vous me dites que tout doit se passer au sein de négociations et que le Gouvernement ne doit pas intervenir dans ces domaines. Il vaudrait tout de même mieux que la remise en cause des structures juridico-financières des entreprises ne se fasse pas, dans l'avenir, au détriment de l'emploi et des finances locales. Je compte sur vous, madame la ministre, pour y veiller.

Données clés

Auteur : M. Michel Françaix

Type de question : Question orale

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 février 2004

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