Question orale n° 666 :
plans de prévention des risques

12e Législature

Question de : M. Jacques Myard
Yvelines (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jacques Myard appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur la prévention des risques d'inondations en France. En effet, les inondations de ces dernières années ont conduit le Gouvernement à décider l'élaboration de nouveaux plans de prévention des risques d'inondations (PPRI) sur la base d'un scénario maximal. Ces derniers sont aujourd'hui en cours d'études et, ce qui concerne la Seine, s'appuient principalement sur l'étendue de la crue centennale de janvier 1910, sans prendre en compte les réservoirs de la Seine et le dragage des fleuves. Les moyens qui sont aujourd'hui privilégiés pour la prévention des risques consistent à limiter ou interdire l'urbanisation dans les zones potentiellement inondables suivant les hypothèses. Cela peut apparaître comme du bon sens a priori mais est souvent très excessif et a des conséquences économiques désastreuses sans lien avec une gestion raisonnée des risques. En effet, les PRI ne prennent pas en compte un certain nombre de facteurs de nature à faciliter l'écoulement du fleuve. C'est ainsi que l'existence des réservoirs en amont de la Seine qui peut diminuer, selon les experts de l'État eux-mêmes, le niveau de la crue de 1910 d'un minimum de 60 à 80 centimètres n'est pas prise en compte, ce qui constitue une erreur manifeste sur l'appréciation des risques. D'autre part, le dragage et le curage apparaissent essentiels. En effet, l'enlèvement des déchets et des dépôts de sédiments accumulés sur plusieurs dizaines d'années dans le fond des rivières à leurs endroits les plus lents, qui vont jusqu'à créer de véritables bouchons, constitue un axe de prévention efficace des risques d'innondations. Or l'État est, ô combien, muet sur ces actions, et il privilégie les interdictions absolues sur les berges, qui sont totalement excessives. Cela n'est pas acceptable, car il existe mille manières de prendre en compte les risques d'inondations sans tout bloquer. Il demande en conséquence qu'il donne des instructions aux services de l'État pour que les réservoirs soient pris en compte dans les cartes d'aléas. Il souhaite également savoir quelles mesures il entend arrêter pour que le dragage des fleuves navigables soit correctement effectué, limitant d'autant les risques d'inondations, et si l'État entend, enfin, cesser de se défausser de ses responsabilités.

Réponse en séance, et publiée le 7 avril 2004

POLITIQUE DE PRÉVENTION
DES RISQUES D'INONDATION

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour exposer sa question, n° 666, relative à la politique de prévention des risques d'inondation.
M. Jacques Myard. Monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, je vais évoquer, pour votre baptême du feu, un sujet qui fâche. Connaissant votre ouverture d'esprit, je sais que vous vous en saisirez.
La prévention des risques d'inondation en France est un sujet sérieux qui, à mes yeux, est abordé aujourd'hui de façon beaucoup trop dogmatique. Les inondations des dernières années ont conduit, à juste titre, les gouvernements successifs à décider l'élaboration de nouveaux plans de prévention des risques d'inondation sur la base d'un scénario maximal. Cet aspect me semble pouvoir être discuté.
Les PPRI sont aujourd'hui en cours d'étude. S'agissant de celui de la Seine, qui concerne Paris, l'Ile-de-France, mais aussi tout le bassin aval de Paris, ces études s'appuient principalement sur l'étendue de la crue centennale de 1910. Les moyens qui sont aujourd'hui privilégiés pour la prévention des risques consistent à limiter, et même à interdire complètement, l'urbanisation dans les zones potentiellement inondables, suivant les hypothèses retenues. Cela peut sembler relever du bon sens, mais ce n'est, je crois, qu'un excès de prudence qui a des conséquences économiques désastreuses, sans lien avec une gestion raisonnée des risques.
Il ne s'agit pas, bien évidemment, de mettre en péril la vie de nos concitoyens. Personne, pas plus l'Etat que les responsables des collectivités locales, ne prendra ce risque.
Il me semble que les PPRI ne prennent pas en compte un certain nombre de facteurs propres à faciliter l'écoulement du fleuve, qui est pourtant, je le rappelle, l'objectif de la loi afin d'éviter des catastrophes. C'est ainsi que l'existence des réservoirs en amont de la Seine, qui peut diminuer, selon les experts de l'Etat eux-mêmes, le niveau de la crue de 1910 d'un minimum de soixante à quatre-vingts centimètres, n'est pas prise en compte, ce qui constitue une erreur manifeste sur l'appréciation des risques. Par ailleurs, le dragage et le curage pratiqués jadis semblent avoir disparu et font aujourd'hui défaut car ils apparaissent essentiels. En effet, l'enlèvement des déchets et des dépôts de sédiments accumulés pendant des années sur le fond de la Seine éviterait la montée du fleuve en cas de crue en facilitant justement son écoulement et limiterait d'autant les risques d'inondation.
L'Etat est muet sur ces deux points et a tendance à se défausser de sa responsabilité en édictant une réglementation draconienne, d'autant plus dogmatique que la prise en compte conjointe des notions d'aléas forts et de zones urbanisées ou urbanisables aboutit à la création de véritables carcans où il n'est plus tenu compte ni des techniques de construction ni des possibilités de remblaiement et de déblaiement.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, au moment où vous prenez vos fonctions, avec un oeil nouveau, de nous indiquer les mesures que vous entendez prendre pour que, tout en privilégiant la sécurité de nos populations, le bon sens prévale et que l'on ait une politique raisonnée des risques qui ne bloque pas des projets d'intérêt général. La vie doit pouvoir continuer, sans risque mais aussi sans dogmatisme.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, vous avez bien voulu appeler mon attention sur la qualification de l'aléa inondation dans le bassin de la Seine lors de l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles.
L'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation sur les sections de la Seine incluses dans le département des Yvelines est menée en plusieurs étapes : qualification de l'aléa à partir de données historiques, évaluation des enjeux sur le territoire de chaque commune, élaboration du zonage réglementaire et du règlement par confrontation de l'aléa et des enjeux.
Pour la qualification de l'aléa, les services déconcentrés départementaux de l'Etat se réfèrent au cadre technique établi à l'échelle de la région Ile-de-France. Le choix de ce cadre est apparu nécessaire pour permettre une élaboration cohérente des plans de prévention des risques d'inondation. Il a pour objectif la prise en compte des connaissances actuelles de l'hydrologie de la région Ile-de-France des services de l'Etat sans qu'il soit nécessaire de mener des investigations complémentaires.
S'agissant des lacs réservoirs du bassin de la Seine, sur lesquels vous avez insisté, monsieur le député, ils assurent le soutien d'étiage, notamment pour l'alimentation en eau potable de l'agglomération parisienne, et l'écrêtement des crues. Leur rôle écrêteur a diminué la fréquence d'apparition des crues moyennes et a permis de réduire les temps d'inondation. Mais, cette fonction n'est pas assurée efficacement pour des crues tardives du fait du remplissage des réservoirs ou pour des crues exceptionnelles à cause de l'importance des volumes de ruissellement mis en jeu.
Les directions régionales de l'environnement et de l'équipement d'Ile-de-France ont donc proposé de retenir les caractéristiques de l'inondation de janvier 1910. Cette proposition a été validée par le préfet de la région Ile-de-France le 23 septembre 1997. Par ailleurs, le ministre de l'équipement, des transports et du logement, et la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ont, le 5 février 1998, confirmé au préfet de la région Ile-de-France, le choix des caractéristiques de la crue de janvier 1910 comme crue de référence, en tant que plus hautes eaux connues.
Les services de l'Etat dans le département des Yvelines se conforment donc aux instructions données dès 1998.
S'agissant de l'extension des actions de curage aux annexes hydrauliques de la Seine, le gain potentiel attendu n'est pas susceptible de modifier l'ampleur de l'inondation. En revanche, les perturbations de l'écoulement dans les bras secondaires par les aménagements existants peuvent être beaucoup plus dommageables. Afin d'évaluer les influences respectives, une analyse hydraulique et sédimentologique est prévue par les services de l'Etat.
Tout en plaçant au plus haut niveau la préservation des sites et la prévention des risques, je me tiens à votre disposition, monsieur le député, pour étudier plus particulièrement les problèmes posés dans votre département.
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. Je saisis bien évidemment la balle au bond, monsieur le ministre, et ne manquerai pas de prendre contact avec vous pour vous faire part d'un certain nombre de réflexions qui me paraissent être de bon sens.
Je ne partage pas l'avis de vos services en ce qui concerne l'impact des réservoirs du bassin de la Seine. Il est beaucoup plus important puisque leur capacité normale est de 800 millions de mètres cubes sur un surplus de 4 milliards d'eau, tel qu'évalué lors de la crue de 1910, soit pratiquement 20 %. Si cet impact n'était pas pris en compte par les PPRI, cela constituerait une erreur manifeste d'appréciation des risques et fragiliserait ces plans devant les tribunaux.
Par ailleurs, il n'est pas possible de ne pas prendre en compte les travaux de dragage et de curage car ce sont des millions de mètres cubes qui doivent être retirés du fleuve. Mais vous nous avez dit qu'une analyse était prévue à ce sujet.
Enfin, j'appelle votre attention sur le fait que, même s'il existe un aléa inondation très fort, il peut être possible d'y remédier par des travaux conjoints de remblaiement et de déblaiement et d'éviter ainsi de priver ces zones d'équipements d'intérêt général. Les règles retenues me semblent, je l'ai déjà dit, trop dogmatiques et fonctionnent comme des carcans. Mais nous évoquerons ce problème ensemble, monsieur le ministre.

Données clés

Auteur : M. Jacques Myard

Type de question : Question orale

Rubrique : Sécurité publique

Ministère interrogé : équipement

Ministère répondant : écologie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 avril 2004

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