PAC
Question de :
M. Jean-Louis Léonard
Charente-Maritime (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jean-Louis Léonard attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les perspectives inquiétantes d'évolution de l'activité laitière en Charente-Maritime. En effet, la mise aux normes très onéreuse des exploitations dans le cadre des PMPOA (programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole) avant fin 2005, d'un montant de l'ordre de 38 000 EUR minimum, le coût élevé de la reprise des exploitations, un contexte de baisse du prix du lait, sont autant de facteurs qui entravent la poursuite de l'activité laitière. En conséquence, il lui demande quelles sont les mesures urgentes qu'il compte prendre en faveur du maintien de l'activité laitière en Charente-Maritime.
Réponse en séance, et publiée le 7 avril 2004
PERSPECTIVES DE L'ACTIVITÉ LAITIÈRE
EN CHARENTE-MARITIME
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour exposer sa question, n° 674, relative aux perspectives de l'activité laitière en Charente-Maritime.
M. Jean-Louis Léonard. Je souhaite appeler l'attention du ministre de l'agriculture sur les perspectives inquiétantes de l'activité laitière en Charente-Maritime, département prépondérant dans le domaine de l'élevage.
L'ADASEA de la Charente-Maritime et le syndicat du contrôle laitier ont porté à ma connaissance les résultats alarmants d'une enquête menée en 2003 auprès de 500 producteurs de lait, qui assurent 90 % du volume produit en Charente-Maritime : 84 exploitations arrêteront leur activité d'ici à 2008, ce qui représente à terme une baisse de la production de lait de plus de 16 millions de litres de lait.
La mise aux normes des exploitations dans le cadre des PMPOA, les programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricoles, d'ici à 2005, se révèle très onéreuse : 38 000 euros en moyenne ; le coût de la reprise des exploitations est élevé ; le contexte est à la baisse du prix du lait. Autant de facteurs qui entravent la poursuite de l'activité laitière.
La déstructuration des exploitations laitières dans le cadre d'un mouvement de société, dans un GAEC, par exemple lors d'une cessation d'activité ou d'une reprise par les enfants, est un phénomène important dans notre région - et ailleurs. Du fait du non-transfert des droits à produire, les jeunes dont les parents partent à la retraite abandonnent souvent le lait et préfèrent conserver ou développer les céréales ou la vigne.
Outre le fait de réduire dangereusement à long terme la production laitière de la France, ce phénomène conduit, dans bien des cas, au labour de prairies de marais, aggravant ainsi la situation déjà critique de nos zones humides - et ce n'est pas le ministre de l'environnement, ici présent, qui me contredira.
Quant à ceux qui décident de poursuivre l'activité laitière, ils subissent des prélèvements importants des quantités de référence, c'est-à-dire des droits à produire, en application du décret n° 96-47 du 22 janvier 1996, notamment de son article 10, dont l'effet est extrêmement néfaste et qui est relatif au transfert des quantités de références laitières dans le cadre d'un mouvement entre associés d'un GAEC. Les quantités ainsi « libérées », ou plutôt « prélevées », retournent dans la réserve nationale, diminuant de la sorte notre droit départemental à produire.
Tout cela concourt à la disparition de l'activité laitière et à la remise en culture de zones humides.
Je souhaiterais connaître le sentiment du ministre de l'agriculture sur l'application systématique de l'article 10, alors que les CDOA sont favorables à une redistribution. Que compte faire le Gouvernement pour nous soustraire à cette application systématique ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.
M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur le député, Hervé Gaymard et moi-même sommes bien conscients que la filière laitière française traverse actuellement une période de très forte inquiétude. Cette filière joue un rôle essentiel, non seulement au sein de notre économie agricole, mais également pour nos territoires, notamment pour votre département de la Charente-Maritime. Au niveau national, elle emploie 400 000 personnes, dont 300 000 au stade de la production. La France est le deuxième producteur européen et un très grand exportateur de produits laitiers, puisqu'elle dégage un excédent annuel de 2 milliards d'euros.
Depuis l'instauration des quotas laitiers, la filière a su conjuguer réussite économique et souci d'aménagement harmonieux du territoire. La gestion des quotas laitiers mise en place en France constitue le résultat probant d'une concertation entre les autorités nationales et tous les acteurs de la filière, de laquelle est issu un corps de règles qui utilise toutes les possibilités offertes par l'organisation commune des marchés « lait et produits laitiers » pour s'adapter à ses spécificités.
L'entrée en vigueur en 2004 des décisions prises à Berlin en 1999, complétées le 26 juin dernier à Luxembourg, va profondément modifier cette OCM. Il convient de rappeler que les décisions que nous vivons aujourd'hui sont issues des accords de Berlin. Mais, comme ceux-ci n'étaient pas encore entrés en application, ces décisions n'étaient pas ressenties comme étant d'application certaine. L'accord obtenu à Luxembourg en juin dernier préserve - et la France, représentée par Hervé Gaymard, y a veillé tout au long de la négociation - les principes essentiels de la PAC, en particulier, les outils de régulation économique des marchés, notamment la préservation des quotas laitiers jusqu'en 2015. Cet accord est donc plus favorable sur plusieurs points importants que l'accord de Berlin.
La France a ainsi obtenu que la baisse des prix d'intervention, demandée par la Commission, soit réduite et ne concerne que le beurre, qui ne représente en France que 11 % de la transformation du lait. Elle a, en outre, obtenu que cette baisse soit compensée à 82 %, soit un taux supérieur aux compensations obtenues à Berlin. Comme vous le savez, et je le rappelle parce que le cadre général de la négociation européenne est essentiel pour bien comprendre les difficultés et les inquiétudes ressenties par la filière laitière française, la baisse des prix d'intervention sur la poudre et le beurre, qui débutera au 1er juillet 2004, fera l'objet d'une compensation par une aide directe calculée sur la base du quota laitier détenu par chaque producteur. Cette aide directe sera totalement découplée de la production laitière à partir de l'année 2006.
Les évolutions de la politique agricole commune constituent donc un bouleversement important pour une filière qui avait bénéficié jusqu'à présent d'un contexte économique relativement sécurisé. Alors même que les décisions prises pour réformer la PAC ne sont pas encore effectives, certaines d'entre elles ont déjà été anticipées par les marchés, ce qui explique les inquiétudes ressenties par les producteurs et certains opérateurs. La filière laitière a donc des défis importants à relever, dont le plus immédiat est la renégociation de l'accord-cadre interprofessionnel sur les modalités d'évolution du prix du lait. La dénonciation par les transformateurs de l'accord de 1997, qui avait assuré une stabilité largement appréciée, a ouvert une période d'incertitude. Il importe que l'interprofession laitière trouve des solutions pour en sortir.
Je suis sensible à vos interrogations sur les droits à produire, sur la nécessité de remettre en pâturages certaines zones humides. Hervé Gaymard a d'ailleurs, dès la fin du mois de novembre 2003, confié une mission d'études prospectives aux corps d'inspection du ministère sur l'évolution en France de l'élevage laitier ainsi que des industries de transformation et de valorisation du lait. Des négociations interprofessionnelles sont en cours. La volonté d'Hervé Gaymard, comme la mienne, est de donner à la filière laitière française, dans le cadre européen que j'ai rappelé, une meilleure visibilité sur son avenir.
Le rapport demandé a été remis le 6 février et présenté le 10 février lors d'une table ronde qui réunissait l'ensemble des acteurs de la filière. Il a été bien accueilli par les participants. Nous considérons donc que nous disposons aujourd'hui d'une base de travail partagée. Les participants à cette table ronde avaient, d'ailleurs, été encouragés à élaborer eux-mêmes un programme stratégique destiné à adapter la filière aux enjeux de la réforme de la PAC.
Nous devrons analyser les conditions d'une meilleure maîtrise de l'offre, étudier la restructuration des industries et formuler des propositions en faveur des exploitations, notamment en matière de mise aux normes et de modernisation des bâtiments d'élevage, très importantes pour cette filière, notamment pour faciliter la sécurité alimentaire. Sept groupes de travail réfléchissent actuellement sur ce sujet. En outre, Hervé Gaymard a annoncé une aide immédiate de 20 millions d'euros pour engager les premières réformes structurelles urgentes, tant pour les exploitations que pour les transformateurs.
Pour ne pas être trop long, monsieur le député, je vous indique que je suis à votre entière disposition pour discuter des sujets que vous avez évoqués, notamment de la très difficile question des droits à produire. Votre grande expérience et l'exemple de la Charente-Maritime nous permettront, j'en suis sûr, de faire avancer ce dossier.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.
M. Jean-Louis Léonard. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne doute pas de l'efficacité des discussions que vous aurez avec M. Gaymard sur ce sujet. Je ne voulais pas traiter de l'ensemble des droits à produire, car il ne s'agit pas pour moi de remettre en cause la politique agricole commune et surtout pas celle de la Charente-Maritime. Je souhaitais seulement soulever le problème franco-français de la gestion interne de nos droits à produire.
L'article 10 du décret de 1996 instaure une gestion interne qui prive les producteurs, lors de mutations, de leurs droits à produire, ce qui constitue un frein important à la reprise ou à la transmission des entreprises. Dans le cadre de la décentralisation, il conviendrait de gérer les droits à produire, non pas nationalement, comme c'est le cas actuellement, ou du moins pas en totalité, mais de façon départementale, en faisant en sorte que les droits à produire puissent rester dans le département, quitte à en affecter une petite partie à un pot national. Je retiens, monsieur le secrétaire d'Etat, votre proposition d'en discuter en tête-à-tête.
Auteur : M. Jean-Louis Léonard
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 avril 2004