Question orale n° 688 :
politique de la santé

12e Législature

Question de : M. Marc Bernier
Mayenne (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Marc Bernier souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur les difficultés récemment rencontrées en Mayenne pour assurer la permanence des soins - principalement dans les zones rurales - alors que ce département est sujet à un manque alarmant de médecins généralistes. En effet, après deux ans de négociations infructueuses entre les représentants des praticiens, des établissements hospitaliers, des organismes de protection sociale et de la préfecture, un accord temporaire a enfin été trouvé le 11 mars dernier, débouchant sur un projet de gardes qui sera testé pendant six mois. Il s'agit d'une avancée particulièrement significative ayant conduit à un compromis favorable pour tous les acteurs locaux. Pour autant, ce n'est qu'une étape provisoire puisqu'en septembre prochain les différents acteurs se retrouveront de nouveau à la table des négociations pour faire le bilan de cette période d'essai. Pilote en ce domaine, la Mayenne est le premier département - au nombre de ceux qui souffrent d'un déficit inquiétant en offre de soins - à avoir proposé un projet aussi abouti, même s'il subsiste quelques imperfections qui pourront aisément être corrigées. Mais le cas de la Mayenne, aussi peu marginal qu'il puisse paraître, se retrouve dans d'autres départements, dont certains lui sont limotrophes. Aussi, il souhaite lui poser les trois questions suivantes : - d'une part, ne considère-t-il pas que le surcroît de travail, inhérent à la permanence des soins dans les zones déficitaires, serait de nature à dissuader les jeunes médecins de s'installer ou de reprendre un cabinet dans une telle zone ? - d'autre part, n'est-il pas désormais urgent de généraliser la création de maisons médicales, pour que le rassemblement des cabinets soit de nature à alléger les charges de travail de nos médecins de « campagne » ? Enfin, il lui demande s'il est envisagé d'établir une politique nationale destinée à améliorer les conditions d'exercice de la permanence des soins - notamment dans les zones déficitaires - afin de garantir le principe fondamental de l'égalité des citoyens devant l'offre médicale, mais aussi pour assurer aux médecins les moyens d'exercer, de façon viable, leur profession au service des patients.

Réponse en séance, et publiée le 28 avril 2004

organisation de la permanence des soins
dans les zones rurales

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Bernier, pour exposer sa question, n° 688.
M. Marc Bernier. Madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, vous n'ignorez certainement pas les difficultés récemment rencontrées en Mayenne pour assurer la permanence des soins - principalement dans les zones rurales -, ce département souffrant d'un déficit alarmant de praticiens médicaux.
J'ai déjà eu l'occasion d'appeler l'attention sur cette situation inquiétante dans le rapport que j'ai rédigé sur la répartition territoriale des professions de santé, conformément au mandat que j'avais reçu en 2003 du groupe d'études sur les professions de santé de l'Assemblée.
Après deux ans de négociations infructueuses entre les représentants des médecins généralistes, des établissements hospitaliers, des organismes de protection sociale et de la préfecture, un accord temporaire a enfin été obtenu, le 11 mars dernier, débouchant sur un projet de gardes qui sera testé pendant six mois.
Il s'agit d'une avancée particulièrement significative et je tiens à manifester ma profonde gratitude à l'égard de M. Jean-François Mattei, qui a bien voulu - à ma pressante demande - missionner sur le terrain le sénateur honoraire Charles Descours. La médiation que ce dernier a assurée et les alternatives qu'il a proposées ont permis de trouver - de façon fructueuse - un compromis favorable à tous.
Cela étant, ce n'est qu'une étape provisoire puisqu'en septembre prochain, les différents acteurs se retrouveront de nouveau autour de la table de négociation, pour dresser le bilan de cette période d'essai.
Jouant un rôle pilote en ce domaine, la Mayenne est le premier département, parmi ceux qui connaissent une dégradation inquiétante de l'offre de soins, à avoir proposé un projet aussi abouti, même s'il subsiste quelques imperfections qui pourront aisément être corrigées. Mais la situation n'est pas propre à la Mayenne ; elle se retrouve dans d'autres départements, dont certains limitrophes.
Les professionnels de santé - qui exercent déjà dans des conditions difficiles - sont inquiets, car le problème préoccupant de la permanence des soins ambulatoires se trouve amplifié par les perspectives peu engageantes induites par les projections statistiques. Celles-ci annoncent une diminution considérable du nombre de médecins en exercice : on s'attend, au cours des dix prochaines années, au départ en retraite de près de 10 000 praticiens par an, et l'on sait déjà que moins de la moitié de ces derniers trouveront un successeur du fait de l'inversion des courbes de numerus clausus opérée au début des années 1970, qui a fait passer le nombre de médecins formés par an de 8 500 à 3 500.
Cela me conduit, madame la secrétaire d'Etat, à vous poser trois questions.
Premièrement, ne pensez-vous pas que la charge de travail supplémentaire que représente la permanence des soins dans les zones déficitaires en praticiens médicaux soit de nature à dissuader les jeunes médecins de s'installer ou de reprendre un cabinet dans de telles zones ?
Deuxièmement, n'est-il pas devenu urgent de généraliser la création, dans ces zones, de maisons médicales regroupant des professions médicales et paramédicales ? Le rassemblement de cabinets me paraît de nature à alléger les charges de travail de nos médecins de « campagne ».
Enfin, est-il envisagé d'établir une politique nationale destinée à améliorer les conditions d'exercice de la permanence des soins - notamment dans les zones déficitaires - afin non seulement de garantir le principe fondamental de l'égalité des citoyens devant l'offre médicale, mais également d'assurer aux médecins les moyens d'exercer leur profession au service des patients dans des conditions décentes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le député, vous avez appelé mon attention sur les conditions d'exercice de la permanence des soins dans les zones déficitaires en matière de démographie médicale, et en particulier en Mayenne.
Le fichier national ADELI des professionnels de santé au 1er janvier 2003 montre, en effet, une sous-médicalisation de la Mayenne en matière de généralistes de 10 % par rapport à la région et de 22 % par rapport à la France entière. En outre, les 232 médecins généralistes libéraux comptabilisés au 1er janvier 2004 sont inégalement répartis, leur densité en zone rurale étant deux fois moindre qu'en zone urbaine. Cette sous-médicalisation alourdit le rythme des permanences pour les médecins de ces zones par rapport aux départements mieux médicalisés.
Cette dichotomie zones rurales - zones urbaines existe dans de nombreux départements ; elle est accentuée par une démographie vieillissante dans les zones déficitaires.
Quelles solutions existe-t-il aujourd'hui pour favoriser l'installation et le regroupement des médecins généralistes dans ces zones fragilisées ? Trois types de dispositifs complémentaires ont été élaborés ou sont en cours de finalisation.
Premièrement, les praticiens qui s'installent dans ces zones peuvent recevoir des aides de l'assurance maladie, conformément à l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, modifiée par l'article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. L'obtention de ces aides est subordonnée à l'installation et à l'exercice effectif du médecin bénéficiaire dans une zone déficitaire pour une période minimale de cinq ans.
Deuxièmement, ces aides sont complétées par des aides de l'Etat prévues par la loi de finances rectificative pour 2004. D'un montant de 10 000 euros par an et par médecin, ces dernières sont destinées à financer les dépenses de toute nature effectuées par le praticien dans le cadre de son exercice pendant les cinq années suivant son installation ou son regroupement.
Enfin, le projet de loi sur le développement des territoires ruraux en cours d'examen au Parlement comporte une disposition ouvrant aux collectivités locales la possibilité de s'associer au financement de l'aide aux côtés de l'Etat et de l'assurance-maladie, selon des modalités qui restent à déterminer.
Outre ces mesures incitatives, la modification de l'article 85 du code de déontologie médicale, proposée par le Conseil national de l'Ordre des médecins, devrait contribuer à pallier le déclin de la démographie médicale dans les zones déficitaires, en favorisant l'exercice sur des sites multiples.
Ces dispositions sont de nature à garantir un égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire, tout comme celles du décret n° 2003-880 du 15 septembre 2003, qui organise l'accès aux soins en dehors des heures habituelles d'ouverture des cabinets médicaux, en fixant les nouvelles modalités d'organisation de la permanence des soins et les conditions de participation des médecins à cette permanence.
Quel est le dispositif mis en oeuvre ? Chaque département est découpé en secteurs, chaque secteur disposant d'une permanence assurée par les médecins libéraux inscrits sur un tableau de permanence. Enfin, une régulation des appels permet de limiter le recours au médecin la nuit et les fins de semaine. Ces principes d'organisation garantissent l'égalité des citoyens devant l'offre médicale. Néanmoins, l'élaboration d'un cahier des charges départemental, arrêté par le préfet après avis du comité départemental de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires, doit permettre d'adapter l'organisation de la permanence des soins du département en fonction des spécificités locales.
Le dispositif de permanence doit être évalué annuellement, en vue des adaptations rendues nécessaires par l'évolution des besoins de soins non programmés et de l'offre de soins.
En attendant de connaître les effets de la mise en oeuvre du dispositif d'incitation à l'installation dans les zones déficitaires, je veillerai à ce que la permanence des soins dans ces zones fasse l'objet d'une mise en oeuvre adaptée, garantissant cependant l'accès aux soins des habitants de ces zones.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Bernier.
M. Marc Bernier. Je remercie Mme la secrétaire d'Etat pour l'attention qu'elle porte à un problème qui concerne toutes les zones déficitaires en praticiens médicaux : les zones rurales mais aussi les zones urbaines périphériques. Il est important - et cela a été souligné - de prévoir des mesures incitatives fortes pour éviter de recourir à des mesures plus coercitives. Je sais que les médecins sont prêts à faire des efforts, mais reconnaissez que la perspective d'être de garde tous les quinze jours en zone rurale n'est pas de nature à encourager le maintien des praticiens en place ni, surtout, à assurer leur succession par de jeunes médecins. Ces derniers préféreront aller dans les grandes villes universitaires, où ils disposent des conditions que l'on connaît. J'attends donc, madame la secrétaire d'Etat, que vous traitiez avec beaucoup d'attention ce sujet qui intéresse tout le territoire français.

Données clés

Auteur : M. Marc Bernier

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 avril 2004

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