maladies professionnelles
Question de :
M. Jean-Pierre Decool
Nord (14e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jean-Pierre Decool attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur la politique menée par le Gouvernement en direction des victimes de l'amiante. Depuis quelques années, la société a pris conscience des effets dramatiques de l'amiante sur la santé. Chaque année ce sont 3 000 Français qui décèdent des suites d'une exposition à l'amiante. Cette prise de conscience s'est traduite par le versement d'une allocation de cessation anticipée d'activité (créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999) et par la mise en place du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001). Cependant, concernant l'allocation de cessation anticipée d'activité, de nombreux dysfonctionnements existent. En effet, pour pouvoir prétendre à cette aide, il faut que le salarié ait une maladie reconnue comme maladie professionnelle ou que l'établissement dans lequel il travaille soit inscrit sur une liste fixée par arrêté. A titre d'exemple, l'usine des Dunes située à Leffrinckoucke a vu sa demande d'inscription sur la liste des établissements pouvant prétendre à l'allocation de cessation anticipée d'activité refusée. En outre, le barème du FIVA ne permet pas une réparation intégrale et juste. Enfin, s'agissant de la responsabilité des employeurs, une ordonnance de non-lieu a été récemment rendue suite à une plainte de salariés victimes et après près de six années d'instruction. Les responsabilités doivent être reconnues et les salariés victimes doivent trouver une juste réparation pécuniaire et morale. Il lui demande en conséquence de lui préciser la politique que le Gouvernement entend mener en faveur des victimes de l'amiante.
Réponse en séance, et publiée le 28 avril 2004
indemnisation des victimes de l'amiante
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour exposer sa question, n° 690.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, mes chers collègues, tous les ans, dans notre pays, 3 000 Français meurent victimes de l'amiante.
En Europe, au cours des trente-cinq prochaines années, 500 000 personnes pourraient décéder des suites d'une exposition à l'amiante. En France, le nombre des décès pourrait atteindre 60 000 personnes dans les vingt prochaines années. Ces chiffres, prévisionnels, certes, mais éloquents, témoignent de l'ampleur de la catastrophe.
Notre société a pris conscience des effets dramatiques de l'amiante sur la santé. Cela s'est notamment traduit par le versement d'une allocation de cessation anticipée d'activité aux salariés âgés de moins de cinquante ans, revenu de remplacement créé par l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, et par la mise en place du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, créé par l'article 53 de la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2001.
La prise en charge totale des victimes de l'amiante représenterait, selon les rapporteurs du projet de loi de financement pour la sécurité sociale, un coût de 1,1 milliard d'euros pour 2003.
Cependant, certains dysfonctionnements existent. Ainsi l'allocation de cessation anticipée d'activité n'est versée qu'aux salariés travaillant dans un établissement inscrit sur la liste établie par arrêté. Il s'agit des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage ou de calorifugeage, de construction ou de réparation navale.
Certains établissements, dont les salariés ont pourtant été touchés par des cancers dus à une exposition à l'amiante, ne bénéficient pas de cette allocation. C'est le cas de l'entreprise ASCOMETAL, usine des Dunes de Leffrinckoucke dans le Nord, dont la demande d'inscription a été refusée.
Les salariés sont dans l'obligation de se retourner vers le FIVA, dont l'objectif est une réparation intégrale des préjudices subis par les personnes ayant obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante ou par les personnes ayant été exposées directement à l'amiante.
Le FIVA, créé en 2001, n'a été installé qu'en 2002 et le barème d'indemnisation adopté en janvier 2003. Ce n'est qu'en août 2003 que les premières victimes ont pu être indemnisées.
Ce fonds avait été institué afin d'éviter une procédure judiciaire lourde et longue dont les réparations pécuniaires et morales n'étaient pas forcément à la hauteur. Cependant, il n'a pas fait entièrement la preuve de son efficacité et son avenir mérite une réflexion entre les pouvoirs publics et les représentants des associations. La responsabilité de tous doit être reconnue. Les victimes ne doivent pas attendre de longues années de procédure judiciaire, avant de voir leurs demandes rejetées ou les réparations amoindries.
Quel sera l'avenir du FIVA ? Qu'entend faire le Gouvernement pour améliorer l'indemnisation des victimes et de leurs ayants droit face au nombre croissant des victimes et dans la perspective de la réforme de l'assurance maladie ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Vous avez appelé mon attention, monsieur Decool, sur le problème des victimes de l'amiante. Le rapport du Gouvernement remis au Parlement en octobre 2003 fait état des données disponibles de l'Institut national de veille sanitaire, lesquelles confirment l'ampleur des effets dramatiques de l'amiante sur la santé. L'INVS estimait notamment entre 2 086 et 4 172 le nombre de décès attribuables à l'exposition professionnelle à l'amiante, chez les hommes seulement. L'exposition professionnelle représente 95 % des victimes. Le régime général à lui seul a reconnu, en 2002, plus de 5 000 cas de maladies professionnelles graves ou moins graves imputables à l'amiante.
Vous évoquez le dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante institué en 1999. Il concerne tout d'abord les victimes de maladies professionnelles. Depuis décembre 2001, l'ensemble des personnes reconnues, au titre du régime général, victimes d'une maladie professionnelle imputable à l'amiante peuvent être admises au bénéfice de ces mesures, quel que soit le degré de gravité de la maladie. En 2003, les salariés agricoles y ont été également admis. Depuis sa création, 2 900 victimes de maladies professionnelles ont bénéficié de ce volet du dispositif. Elles n'étaient que 400 en 2001.
Le dispositif concerne aussi, et ce collectivement, des secteurs professionnels bien circonscrits, ceux dans lesquels l'exposition a concerné la grande majorité des salariés : les établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante ou de flocage et de calorifugeage, la construction et la réparation navale, les dockers. Les quelque 1 500 établissements inscrits à ce titre ouvrent à leurs salariés le droit à la cessation anticipée d'activité, sans que la preuve de l'exposition individuelle doive être fournie. Cette procédure a bénéficié, depuis l'origine, à près de 25 800 salariés.
La grande difficulté de gestion de ce volet du dispositif est la tenue des listes d'établissements, avec la définition dans un arrêté des périodes d'utilisation de l'amiante. Je ne saurais trop insister sur la nécessité de bien mener les enquêtes auprès des établissements pour la tenue à jour des listes ; une circulaire de méthode a d'ailleurs été diffusée, à cette fin, à tous les services de prévention le 6 février dernier.
Le champ d'application législatif du dispositif est bien précis et les établissements qui n'en relèvent pas ne peuvent faire l'objet d'une inscription sur les listes ; c'est notamment le cas pour l'entreprise ASCOMETAL que vous avez cité, monsieur Decool.
Je vous confirme enfin l'ampleur tout à fait considérable de l'effort de la collectivité dans le financement de ces aides, qui repose principalement, vous le savez, sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Cette dernière a contribué au financement à hauteur de 1 550 millions d'euros depuis la création du dispositif. En 2004, le fonds qui prend en charge les allocations et les prestations sociales des allocataires a été doté de 530 millions d'euros.
Vous évoquez également le niveau de l'indemnisation par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. La création du FIVA répond à un souci de justice sociale. Elle répond également au souci de simplifier et d'accélérer les procédures. Ce devoir est d'autant plus exigeant du fait de l'évolution rapide de certaines maladies de l'amiante. Institué en 2001, le FIVA n'a commencé à formuler des offres qu'après l'adoption du barème en janvier 2003. C'est ce gouvernement et cette majorité qui ont permis au FIVA de fonctionner. Il a déjà reçu près de 13 000 demandes, elles affluent au rythme de plus de 600 dossiers par mois. Le fonds est doté de moyens financiers très importants : près d'un milliard d'euros à ce jour.
Le barème, qui est indicatif, aboutit à des montants d'offres très significatifs, le montant moyen s'élevant à près de 140 000 euros pour les cancers et à 25 000 euros pour les autres maladies.
Depuis l'adoption du barème, le FIVA a formulé plus de 6 800 offres de réparation intégrale et seules 5 % des offres sont contestées devant les cours d'appel. Les réactions des instances judiciaires ne font pas apparaître de tendance convergente puisque, si certaines juridictions - Bordeaux, Paris, Douai - ont majoré les indemnisations dans les dossiers qui leur étaient soumis, d'autres cours les ont validées - Bourges, Aix-en-Provence, Colmar - ou les ont très légèrement relevées : c'est le cas de Caen.
Je pense que l'on peut ainsi dire, monsieur Decool, que le FIVA a globalement répondu à sa double mission consistant, d'une part, à indemniser dans des délais rapides les victimes, notamment celles qui sont atteintes de cancers souvent incurables ; d'autre part, à assurer une égalité de traitement entre les victimes.
Le Gouvernement restera bien entendu attentif à l'indemnisation des victimes de l'amiante dans tous ses aspects. Les arrêts du Conseil d'Etat en date du 3 mars dernier ont d'ailleurs reconnu la responsabilité de l'Etat. Le Gouvernement poursuit ses réflexions pour tirer les conséquences de ces arrêts.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la secrétaire d'Etat, votre réponse atteste que vous avez pleinement conscience de la gravité de la situation. Néanmoins, vous n'avez que partiellement répondu à mon attente puisque l'entreprise ASCOMETAL n'est toujours pas inscrite sur la liste fixée par arrêté et qu'il reste notamment à traiter le cas des entreprises sous-traitantes travaillant pour les établissements inscrits. J'aurai d'ailleurs l'occasion de déposer une question écrite à ce sujet.
Tout en me félicitant de cette prise de conscience, je resterai donc très attentif à l'évolution du dossier des victimes de l'amiante.
Auteur : M. Jean-Pierre Decool
Type de question : Question orale
Rubrique : Risques professionnels
Ministère interrogé : santé
Ministère répondant : santé
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 27 avril 2004