Question orale n° 761 :
métallurgie

12e Législature

Question de : M. Jean-Paul Bacquet
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Socialiste

M. Jean-Paul Bacquet souhaite appeler l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les suppressions de poste annoncées par le groupe Alcan. Déjà interrogé en décembre dernier sur les dangers encourus par les salariés de l'usine Pechiney d'Issoire, dangers engendrés par l'OPA d'Alcan sur Pechiney, le Gouvernement, par la voix de Mme Nicole Fontaine, se voulait rassurant pour les employés de cette usine, allant même jusqu'à souligner « l'engagement d'Alcan de faire de la France le coeur de ses activités aéronautiques ». Pourtant, le 28 avril dernier, lors de la réunion d'un comité de groupe, Alcan a annoncé son intention de supprimer 277 postes dans les sièges sociaux français de Pechiney, sans compter les licenciements qui auront également lieu dans les filiales européennes du groupe. Le sort des employés du laminoir de Neuf-Brisach, dans le Haut-Rhin, est lui aussi scellé puisque ce site sera vendu. Il est également nécessaire dans ce contexte de rappeler que ces licenciements font suite au plan social de Pechiney en 2003, qui a laissé 600 personnes sans emploi. En outre, de l'avis unanime des syndicats, une restructuration industrielle proprement dite serait en préparation, alors que la santé économique du groupe ne laisse entrevoir aucune difficulté particulière. Il souhaite donc savoir quelles garanties concrètes il peut apporter aux salariés de Pechiney que l'acquisition du groupe Pechiney par Alcan ne se transformera pas à terme en véritable catastrophe sociale, alors que déjà des centaines de personnes sont licenciées seulement quelques semaines après l'opération financière.

Réponse en séance, et publiée le 26 mai 2004

SUPPRESSION D'EMPLOIS PAR LE GROUPE ALCAN CHEZ PECHINEY

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour exposer sa question, n° 761, relative à la suppression d'emplois par le groupe Alcan chez Pechiney.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, j'interrogeais en décembre dernier le prédécesseur de M. Sarkozy, à l'industrie, Mme Nicole Fontaine, sur les dangers encourus par les salariés de l'usine Pechiney d'Issoire, dangers engendrés par l'OPA d'Alcan sur Pechiney.
Dans sa réponse laconique, la ministre n'a pas eu de mots assez apaisants pour rassurer les employés de cette usine et vanter les mérites de cette acquisition, allant même jusqu'à souligner " l'engagement d'Alcan de faire de la France le coeur de ses activités aéronautiques ".
Rétrospectivement, c'est à se demander si le Gouvernement, conscient des conséquences désastreuses que cette opération allait avoir sur l'emploi, ne cherchait pas dans ces propos apaisants à se rassurer lui-même, car force est de constater que " l'engagement d'Alcan ", comme vous l'appeliez alors, a mis à peine quatre mois à se transformer en désengagement.
Le 28 avril dernier, lors de la réunion d'un comité de groupe, Alcan a en effet annoncé son intention de supprimer 277 postes dans les sièges sociaux français de Pechiney, sans compter les licenciements qui auront également lieu dans les filiales européennes du groupe. Le sort des employés du laminoir de Neuf-Brisach, dans le Haut-Rhin, est lui aussi scellé puisque ce site sera vendu. Rappelons également que ces licenciements font suite au plan social de Pechiney de 2003, qui a laissé 600 personnes sans emploi.
Les sièges sociaux d'abord, les laminoirs ensuite. Qui seront les prochaines victimes ? De l'avis unanime des syndicats, en effet, cette vague de licenciements n'est que la première du genre, puisqu'une restructuration industrielle proprement dite serait en préparation, et tout cela alors que la santé économique du groupe ne laisse entrevoir aucune difficulté particulière.
J'ai d'ailleurs reçu la semaine dernière, à l'instar de mes collègues députés, un courrier émanant du groupe Alcan dans lequel il nous fait part de son intention de regrouper ses activités de laminage au sein d'une nouvelle entité. En regardant de plus près, on peut s'apercevoir que le site d'Issoire est le seul site français, hormis celui de Neuf-Brisach qui sera vendu, qui ne fera pas partie de cette nouvelle société. Autant vous dire que l'heure n'est donc pas à l'optimisme et que les craintes sont encore plus grandes sur ce site.
Plus que jamais l'inquiétude est profonde parmi les salariés d'Alcan-Pechiney, à Issoire comme ailleurs. Le ministre de l'économie pouvait il y a encore quelques mois évoquer les procédures de rachat pour gagner du temps, mais la réalité l'a rattrapé, les faits lui donnent tort, et, malheureusement, ils donnent raison à ceux qui l'avaient alors alerté.
Quelles garanties concrètes le ministre d'Etat, ministre de l'industrie, des finances et de l'industrie peut-il aujourd'hui apporter aux salariés de Pechiney que l'acquisition du groupe par Alcan ne se transformera pas à terme en véritable catastrophe sociale, alors que déjà des centaines de personnes sont licenciées seulement quelques semaines après l'opération financière ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, je vous présente les excuses de Nicolas Sarkozy pour son absence. Il m'a chargé de vous transmettre les éléments suivants.
Lors de l'OPA d'Alcan sur Pechiney, le Gouvernement avait obtenu un certain nombre d'engagements concrets de la part d'Alcan. Tout laisse penser pour l'instant que cette entreprise est disposée à les tenir. Alcan avait notamment annoncé son intention de ne pas procéder en France à la fermeture d'autres sites industriels que ceux annoncés par Pechiney avant l'OPA. C'est une orientation très forte, qui concerne notamment le site d'Issoire.
Vous savez aussi qu'Alcan s'était vu imposer par la Commission européenne, au titre de la réglementation relative aux concentrations, de céder soit le laminage de Neuf-Brisach en France, soit celui de Norf en Allemagne. La récente décision d'Alcan de créer une société indépendante spécialisée dans le laminage règle le dilemme puisque l'usine de Norf fera partie de l'entité nouvellement créée, tandis que celle de Neuf-Brisach restera dans le périmètre d'Alcan.
Cette évolution récente, apparemment contradictoire avec les informations dont vous disposez, monsieur le député, est une bonne nouvelle, pour Neuf-Brisach bien sûr, mais aussi pour l'usine d'Issoire, car celle-ci entretenait des liens industriels étroits avec Neuf-Brisach. De plus, la reprise de l'activité aéronautique et les succès commerciaux d'Airbus, notamment le programme A380, constituent aussi un signe très positif pour l'activité de l'unité d'Alcan d'Issoire.
Enfin, vous évoquez le plan social sur les activités des anciens sièges de Pechiney et d'Alcan France. Cette rationalisation, effectuée principalement en Ile-de-France sur les fonctions support du groupe, n'est pas contradictoire avec les engagements d'Alcan, qui ne portaient que sur les sites industriels. On comprend d'ailleurs aisément que la création de la nouvelle entité issue de la fusion entre Alcan et Pechiney appelle une nouvelle organisation des services centraux. Pour autant, le Gouvernement reste très attentif à ce que ce plan s'effectue dans de bonnes conditions pour les personnes concernées.
Il faut aussi souligner que ce plan social est loin de toucher la totalité des sièges parisiens, puisque ceux-ci représentaient environ 1 000 personnes, et que, comme vous l'indiquez, ce sont environ 300 emplois qui sont touchés. Cela est dû au fait que l'Etat avait obtenu d'Alcan l'engagement de conserver en France les sièges mondiaux de l'emballage, de l'aéronautique et des produits usinés, soit un tiers environ du chiffre d'affaires d'Alcan.
Vous le voyez, monsieur le député, les conditions obtenues par l'Etat lors du rachat de Pechiney par Alcan représentent des garanties substantielles pour les salariés, mais il est clair que la meilleure solution sur le plan de l'industrie et de l'emploi consiste à favoriser, quand c'est possible, l'émergence de champions européens comme cela a par exemple été fait tout récemment pour Sanofi-Aventis.
Votre question manifeste le souci que vous avez des salariés de votre circonscription. Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement partage ce souci et agit dans la même direction.
M. le président. La parole est à M. Jean Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je ne me soucie pas seulement des salariés de ma circonscription : je m'intéresse aussi à la totalité des anciens salariés du groupe Pechiney, devenus aujourd'hui salariés du groupe Alcan, quand ils n'en ont pas été évacués. Je n'oublie pas que le Gouvernement ne s'est pas opposé, au niveau de la Commission européenne, à une OPA qui était à l'origine inamicale. Rappelez-vous ce que disait à l'époque M. Rodier, le PDG de Pechiney, qui dénonçait cette affaire : " C'est une bataille pour Pechiney, l'avenir du personnel et des actifs de la société, et non contre Alcan spécifiquement. "
Quant aux informations dont je dispose, elles sont dans la presse. Les 277 licenciements, ce n'est pas moi qui les ai inventés ! Vous ne pouvez pas les nier !
Tout cela ne correspond pas du tout à l'état d'esprit de Mme Nicole Fontaine lorsqu'elle nous déclarait : " L'OPA d'Alcan sur Pechiney, dont il faut noter qu'elle est devenue amicale, ne devrait donc pas avoir d'effet nuisible sur les perspectives d'avenir du site d'Issoire. On pourrait même dire, au contraire, que l'engagement d'Alcan de faire de la France le coeur de ses activités aéronautiques est un gage de pérennité pour les activités d'Issoire. "
Et voici ce qu'a déclaré le maire d'Issoire, UMP comme vous et ancien parlementaire, dans un article intitulé " Non à l'OPA hostile d'Alcan-Pechiney ", après une entrevue avec la ministre de l'industrie et M. Brice Hortefeux, collaborateur du ministre de l'industrie actuel : " Nul n'ignore pourtant que, malgré ces assurances, les fusions-acquisitions de ce type, avec l'objectif de rentabilité qui les motive, sont synonymes, hélas, de restructurations drastiques, délocalisations, pertes d'emplois avec ou sans plan social, et, à la clé, des firmes globales multinationales restant bien à dominante nationale ; la prise de contrôle de Pechiney par cette entreprise non européenne entraînera forcément la perte de centres de décision puis progressivement de centres de recherche et de développement qui seront transférés à terme en Amérique du Nord. "
Je vous remercie donc de votre réponse, monsieur le ministre, mais, croyez-le bien, elle ne me rassure en rien. Elle est dans le même esprit que celle de Mme Nicole Fontaine : tout va très bien, madame la marquise... Je crains d'avoir à vous poser dans quelques mois une autre question sur le même thème, en parlant malheureusement des licenciements supplémentaires qui sont en train de se préparer.

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Bacquet

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 25 mai 2004

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