Question orale n° 782 :
hôpitaux

12e Législature

Question de : M. Daniel Boisserie
Haute-Vienne (2e circonscription) - Socialiste

M. Daniel Boisserie interroge M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur l'avenir des petits hôpitaux de proximité qui subissent plus durement que les autres les difficultés du secteur hospitalier en raison de la modicité de leurs moyens tant matériels qu'humains. Cette situation résulte de la faible attractivité des postes, de la charge de travail, de l'inflation des dépenses, de l'accroissement des exigences en matière d'encadrement, d'infrastructures réduites et de l'isolement géographique. Le financement à l'activité en lieu et place de la péréquation des coûts pourrait compromettre la survie de ces établissements de proximité, tout en ne favorisant que des économies réduites. Le coût social et humain pourrait être quant à lui préoccupant. Des mesures d'accompagnement adéquates sont indispensables afin de prendre en compte la spécificité de ce type d'établissements de soins (comme ceux de Saint-Yrieix-la-Perche et de Saint-Junien en Haute-Vienne) et d'éviter ainsi leur démantèlement. Il lui demande donc de bien vouloir lui faire savoir les mesures qu'il entend prendre afin d'assurer leur pérennité et de permettre ainsi le maintien de services de soins de qualité sur tout le territoire national.

Réponse en séance, et publiée le 2 juin 2004

AVENIR DES ÉTABLISSEMENTS DE SOINS EN HAUTE-VIENNE

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie, pour exposer sa question, n° 782, relative à l'avenir des établissements de soins en Haute-Vienne.
M. Daniel Boisserie. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué aux personnes âgées, mes chers collègues, en 1998, l'association des petites villes de France a publié un Livre blanc sur les hôpitaux de proximité, qu'elle entendait défendre.
Les petits hôpitaux publics subissent toujours, et plus durement que les autres, les difficultés que connaît le secteur hospitalier, en raison de la modicité de leurs moyens tant matériels qu'humains. Les professionnels de la santé qui oeuvrent au sein de ces établissements savent mieux que quiconque les sujétions auxquelles ils sont soumis en raison de la faible attractivité de leurs métiers et d'un contexte de tensions démographiques dans ce secteur.
Par ailleurs, les normes de gestion, d'organisation et de fonctionnement ne font pas de différence entre petites et grandes structures : il en est ainsi des règles concernant les effectifs minimaux à respecter pour assurer les soins dans tel ou tel service.
Les hôpitaux de proximité ont pu, jusqu'à présent, survivre grâce à l'inventivité de leurs responsables et des personnels, inventivité qui n'est pas toujours conforme à la stricte orthodoxie administrative.
Le Livre blanc de l'APVF auquel je viens de faire allusion, a permis de rappeler à ceux qui avaient par trop tendance à l'oublier les nombreux atouts des hôpitaux de proximité, notamment leur rôle dans l'aménagement du territoire. La situation catastrophique dans laquelle les petits hôpitaux se trouvent actuellement résulte en fait de plusieurs facteurs : faible attractivité des postes en raison de l'isolement des établissements et de la charge de travail, inflation des dépenses hospitalières, accroissement des exigences en matière d'encadrement médical et paramédical, infrastructures réduites.
Le financement à l'activité que votre gouvernement a mis en place depuis le 1er janvier dernier va compromettre à très court terme la survie de bon nombre de ces établissements de proximité, car cette survie serait incompatible avec la notion de productivité suffisante. Dans ces conditions que deviennent donc, monsieur le ministre, l'utilité sociale et la qualité du service rendu ? Cette gestion purement comptable va contraindre les hôpitaux de proximité à réduire leurs dépenses dont 70 % ont trait au personnel, ou tout simplement à fermer leurs portes.
En fait, cette mesure gouvernementale conduit à la fin du service public à la française qui repose sur la péréquation des coûts, au profit du libéralisme dont on sait qu'il cause bien des dégâts dans le secteur de la santé dans des pays comme les États-Unis ou, plus près de nous, la Grande-Bretagne. Certes, si cette politique devait conduire à réaliser de véritables économies, vous pourriez éventuellement arguer d'un semblant de légitimité. Mais tel n'est pas le cas, loin de là. En effet, la suppression de centaines de petits établissements hospitaliers ne permettra d'économiser que l'équivalent de quelques jours de fonctionnement des 29 CHU de France. Le coût social et humain sera tout autre.
Je veux évoquer le cas de deux établissements qui me tiennent particulièrement à coeur, ceux de Saint-Junien et de Saint-Yrieix.
Saint-Yrieix est une petite ville de 8 000 habitants, aux confins de trois départements et de deux régions, à 41 kilomètres de Limoges, 61 de Brive et 63 de Périgueux. Son hôpital rayonne en fait sur un bassin de population de plus de 50 000 habitants. Malgré les efforts constants d'adaptation engagés par la direction de l'établissement et tous les personnels, les perspectives budgétaires annoncent un grave déficit au regard des charges fixes. Ainsi, en dépit de 270 interventions annuelles en ophtalmologie, 460 en gastro-entérologie, 400 en gynécologie obstétrique et 7 000 visites aux urgences, le nouveau système de tarification à l'activité condamne l'existence même de certains services.
Sans mesures d'accompagnement immédiates, qui prennent en compte la spécificité de ce type d'établissement de soins, cette politique conduirait immanquablement au démantèlement de la plupart des hôpitaux de proximité, ce qui serait en contradiction totale avec la volonté, maintes fois affirmée par le Premier ministre, d'aménager le territoire.
Après la visite qu'a effectuée le ministre à l'hôpital de Gourdon, je vous demande donc de bien vouloir porter à la connaissance de la représentation nationale les mesures urgentes que vous entendez prendre afin de permettre d'assurer la pérennité des hôpitaux de proximité.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux personnes âgées.
M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur le député, je me dois d'excuser Philippe Douste-Blazy, qui a, en effet, évoqué cette question la semaine dernière lors de l'inauguration du salon Hôpital expo.
La tarification à l'activité est un nouveau mode de financement qui fonde désormais la ressource de l'établissement sur ce qu'il fait réellement. Elle est plus juste que le budget global qui se contentait de reproduire les dépenses réalisées en 1985 augmentées d'un taux chaque année, et qui n'empêchait donc pas la coexistence de rationnement pour certains hôpitaux et de rentes pour d'autres. Elle est plus transparente, car l'hôpital sait exactement pourquoi il reçoit ce financement. Elle est mobilisatrice et responsabilisante, car elle permet de passer d'une logique de dépenses à une logique de recettes.
Néanmoins l'hôpital exerce de multiples missions, qui ne peuvent pas être financées par la seule activité. Par exemple il assure l'égalité d'accès aux soins, la prise en charge de la précarité, l'enseignement, la recherche. Un budget hospitalier ne pourra donc jamais - c'est une évidence - dépendre en totalité de l'activité.
La réforme a prévu ce point. Il s'agit de préserver une partie de l'allocation de moyens par une enveloppe forfaitaire, dite de missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation. Ainsi, une activité dont le volume insuffisant gênerait l'équilibre financier de l'hôpital, mais qui serait jugée indispensable pour la santé publique par l'agence régionale de l'hospitalisation, par exemple pour des raisons géographiques, pourra être prise en charge en partie par cette enveloppe sur décision de l'ARH.
Vous le voyez, monsieur le député, la tarification à l'activité n'empêche en rien le fonctionnement des hôpitaux de proximité pourvu qu'ils répondent objectivement aux besoins de santé de la population. Le ministre de la santé a rappelé, il y a quelques jours, combien nous étions attachés à ces hôpitaux et à leur maintien.
M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie.
M. Daniel Boisserie. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je souhaiterais connaître le volume de l'enveloppe qui sera distribuée et mise à disposition des ARH pour subvenir aux besoins des hôpitaux de proximité. J'espère que nous obtiendrons rapidement une réponse de votre ministère.

Données clés

Auteur : M. Daniel Boisserie

Type de question : Question orale

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juin 2004

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