crédit
Question de :
M. Olivier Jardé
Somme (2e circonscription) - Union pour la Démocratie Française
M. Olivier Jardé souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale sur le manque d'information relatif aux crédits revolving. La Somme est un département particulièrement touché par le chômage et les emplois précaires, faisant entrer de nombreuses familles dans la précarité. Celle-ci est majorée par un recours excessif des familles aux crédits revolving, aboutissant dans la plupart des situations à un surendettement. Certaines sociétés accordent en effet de façon pratiquement automatique des prêts, sans vérifier auparavant, comme le font les banques, le taux d'endettement des foyers. Aussi, il souhaiterait connaître sa position sur ce manque d'information auquel sont confrontés les foyers face aux offres attractives des sociétés de crédits et sur le fait que ces sociétés n'étudient pas les ressources des familles avant de leur accorder un crédit.
Réponse en séance, et publiée le 9 juin 2004
ENCADREMENT DE L'ACCÈS
AU CRÉDIT À LA CONSOMMATION
M. Olivier Jardé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun le sait, le département de la Somme est un département fortement touché par le chômage et par les " petits boulots ", ce qui entraîne une situation de grande précarité dans les familles.
Les crédits revolving les font rêver. Elles ont l'impression que ce type de crédits leur permettra de s'en sortir. En réalité, elles sont entraînées dans la spirale infernale du surendettement.
De tels crédits - il convient de le reconnaître - sont accordés avec une grande légèreté. Aucune enquête n'est effectuée, contrairement à la pratique bancaire habituelle. J'ai été alerté par la commission d'action sanitaire et sociale de la CPAM d'Amiens qui a noté, en 2003, une augmentation de 33 % environ des demandes d'aides financières pour des soins que je qualifierai de base.
Je souhaiterais connaître, monsieur le secrétaire d'État, la position du Gouvernement face aux facilités accordées pour obtenir ce type d'emprunt, face à l'absence d'information des familles et des personnes sur la nature de l'emprunt et face à celle d'enquête faite préalablement pour les accorder.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le député, je me permettrai de vous répondre un peu longuement parce que la situation que vous dénoncez est, du point de vue de Nicolas Sarkozy et du mien, tout à fait condamnable.
Elle va à l'encontre du droit, qui prévoit que le prêteur, comme tout professionnel, a une obligation d'éclairer le consentement de son client. Il n'y a d'ailleurs pas, en la matière, vous le savez, monsieur Jardé, de distinction entre les établissements bancaires et les sociétés financières.
Aux termes de cette obligation, le prêteur doit réunir des éléments d'appréciation relatifs à la situation financière de l'emprunteur, afin de déterminer son niveau d'endettement et sa capacité à supporter les charges de remboursement du prêt sollicité. À ce titre, il doit demander à son client un certain nombre de renseignements, pièces justificatives à l'appui, qui légitimeront l'octroi du prêt. Sur le plan civil, et par décision du juge, et de lui seul, les manquements à ces règles peuvent entraîner, à rencontre du prêteur, la déchéance du droit aux intérêts, voire la nullité relative ou absolue du contrat de prêt.
Mais le Gouvernement ne se contente pas de se reposer sur cette obligation de conseil et son application par le juge. De nombreuses mesures sont venues compléter notre droit de la consommation afin d'améliorer l'information du prêteur et du débiteur. De plus, des engagements forts ont été pris par les établissements prêteurs à l'occasion de la mise en place de la réduction d'impôts sur les intérêts des prêts à la consommation annoncée par Nicolas Sarkozy le 4 mai dernier.
Un des facteurs d'aggravation, malheureusement classique, du surendettement des familles est l'activation rapide de réserves de crédit " dormantes " après un accident de la vie - divorce, chômage - qui reste la cause la plus fréquente du surendettement. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité suivre l'avis du comité consultatif du Conseil national du crédit et du titre, qui lui recommandait d'aménager les conditions d'inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits, de manière à le rendre plus réactif. Cet aménagement a été réalisé au début de cette année.
Le législateur - vous-même - s'est montré quant à lui sensible à certaines dérives publicitaires et a souhaité améliorer l'information des emprunteurs, dans le souci de mieux les prévenir du risque de surendettement.
Ainsi, la loi du 1er août 2003 sur la sécurité financière, votée par l'Assemblée nationale et le Sénat, a renforcé les dispositions relatives au crédit à la consommation. Elle encadre plus strictement les publicités concernant le crédit, en rendant plus lisibles certaines informations jugées essentielles à un consentement éclairé du consommateur et en prohibant certains arguments commerciaux inacceptables ou trompeurs. La référence à un taux autre que le taux annuel effectif global est désormais interdite, et il n'est plus permis d'annoncer l'octroi d'un crédit " sans justificatif ", ni d'assimiler un prêt à une augmentation de revenus ou de passer sous silence la contrepartie financière d'une réserve d'argent.
La proposition de loi déposée par votre collègue Luc-Marie Chatel, avec le soutien du Gouvernement, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 11 décembre dernier et qui sera prochainement examinée par le Sénat, contient des dispositions complémentaires visant notamment à permettre à l'emprunteur de mettre un terme plus facilement à son contrat de crédit renouvelable.
Enfin, je l'ai rappelé, lorsque Nicolas Sarkozy a annoncé une mesure destinée à relancer la consommation en développant le crédit à la consommation, il a tenu à demander des contreparties aux établissements prêteurs de manière à ce que la mesure de réduction d'impôt soit mise en oeuvre de manière équilibrée. Les professionnels du crédit s'y sont engagés, par la voix de l'Association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissements, qui regroupe les banques, leurs filiales et les sociétés financières indépendantes. Ces engagements concrets sont précis : les établissements de crédits se sont engagés à ne pas accorder un crédit à un nouveau client sans consultation préalable du fichier national des incidents de paiement caractérisés et ils se sont engagés à rechercher un contact personnalisé avec chaque client en cas d'incident de crédit ou de retard de paiement d'échéance significatifs.
De tels engagements me semblent aller, monsieur Jardé, dans le sens que vous prônez. Le Gouvernement sera attentif à leur respect, de même qu'à celui des dispositions de nature législative et réglementaire, notamment les plus récentes. Nous souhaitons tous un développement harmonieux du crédit à la consommation dans notre pays. Il doit trouver toute sa place au service de la croissance et du pouvoir d'achat. Il doit être contrôlé. Nous le souhaitons autant que vous et nous nous y efforçons.
Auteur : M. Olivier Jardé
Type de question : Question orale
Rubrique : Consommation
Ministère interrogé : emploi
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 juin 2004