Question orale n° 852 :
dossier médical personnel

12e Législature

Question de : M. Jean Roatta
Bouches-du-Rhône (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jean Roatta appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur la nécessaire définition de modalités de mise en oeuvre d'un dossier médical partagé, respectueuses du principe du secret médical. Dans le cadre d'une politique de réforme globale, il est envisagé, notamment, la mise en oeuvre d'ici à deux ans d'un dossier médical informatisé pour tous les Français permettant en quelques secondes, à chaque médecin d'accéder à l'ensemble des informations et données médicales concernant un patient, les actes médicaux et examens réalisés à son égard, les traitements et médicaments lui ayant été prescrits, ses antécédents et les potentielles interactions médicamenteuses pouvant l'affecter. Ce dossier médical partagé, de caractère obligatoire, consultable sur l'internet de manière « confidentielle », les informations sur le patient n'étant pas contenues sur la carte Vitale mais étant stockées sur un serveur informatique dont l'accès serait régi par un code, verrait son utilisation conditionner le remboursement des soins, les actes médicaux non mentionnés sur le dossier médical n'étant pas remboursés. Or, le dossier médical partagé peut permettre à tout médecin ou à toute personne ayant accès aux informations médicales informatisées de prendre connaissance de l'ensemble du dossier médical d'un individu et de pouvoir obtenir des informations, parfois sans importance médicale majeure, que le patient souhaiterait être confidentielles, relatives à des thérapies effectuées sans lien direct ou interaction potentielle avec des pathologies et des soins dont il est essentiel d'être informé pour optimiser la médication. Mais plus grave encore, en cas de rupture de la confidentialité, la distraction d'information personnelles contenues au sein du dossier médical partagé pourrait parfois avoir des conséquences fâcheuses pour une personne, aussi bien en matière d'accès à l'emploi, que d'accès à des produits d'assurance ou de crédit, voire pour bien d'autres domaines encore. Aussi, il lui demande, pour prévenir la survenance de toute éventuelle dérive, d'envisager comment saurait s'articuler la mise en oeuvre du dossier médical informatisé pour tous les Français avec le nécessaire respect des principes essentiels du secret médical et de protection de la vie privée, fondements capitaux de la société française.

Réponse en séance, et publiée le 23 juin 2004

CONCILIATION DU PROJET DE DOSSIER MÉDICAL PARTAGÉ ET DU SECRET MÉDICAL

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Roatta, pour exposer sa question, n° 852.
M. Jean Roatta. Monsieur le ministre délégué aux personnes âgées, je souhaite appeler votre attention et celle de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur le nécessaire respect, dans le cadre de la mise en oeuvre du dossier médical partagé, des principes du secret médical et de la protection de la vie privée.
C'est avec courage et détermination que le Gouvernement développe une politique volontariste de maîtrise des dépenses de santé et de rationalisation de la consommation de médicaments. Dans cette optique, il est envisagé d'instaurer d'ici à deux ans un dossier médical informatisé et individuel qui permettrait à chaque médecin d'accéder en quelques secondes à l'ensemble des données médicales concernant un patient : relevé des actes médicaux et des examens déjà réalisés à son bénéfice, indication des traitements et des médicaments lui ayant été prescrits ou de ses antécédents médicaux. Ce dossier médical, qui doit obligatoirement être partagé et consultable, de manière confidentielle, sur l'internet conditionnerait le remboursement des soins, puisque les actes médicaux qui n'y figureraient pas ne seraient pas remboursés.
Or, si cette réforme paraît juste et est parfaitement comprise par nos concitoyens, les conditions de sa mise en oeuvre et ses conséquences n'en suscitent pas moins des interrogations. En effet, le dossier médical partagé peut permettre à tout médecin ou à toute personne ayant accès aux informations médicales informatisées de prendre connaissance de l'ensemble du dossier médical d'un patient et d'obtenir des informations que celui-ci souhaiterait peut-être ne pas divulguer ou qui sont sans lien direct ni interaction potentielle avec la pathologie pour laquelle il consulte.
Plus grave encore, en cas de rupture de la confidentialité, la distraction d'informations personnelles contenues dans le dossier médical partagé pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour une personne, en compromettant notamment son accès à l'emploi ou à des produits d'assurance ou de crédit.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de nous indiquer comment l'instauration d'un dossier médical informatisé individuel peut s'articuler avec le nécessaire respect des principes essentiels du secret médical et de la protection de la vie privée.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux personnes âgées.
M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur le député, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. Philippe Douste-Blazy qui, dans l'impossibilité d'être présent à l'Assemblée nationale ce matin, m'a chargé de le représenter.
La mise en oeuvre du dossier médical partagé se fera dans le respect des principes du secret médical et de la protection de la vie privée, tels que le législateur les a stipulés dans la loi n° 2003-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et plus particulièrement aux articles L. 1110-4, L. 1111-7, L. 1111-8 du code de la santé publique créés par cette loi.
L'hébergeur des dossiers médicaux personnels devra se conformer à des règles de sécurité très strictes, définies par décret en Conseil d'État après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et des ordres professionnels de santé. L'hébergeur sera agréé par une commission spécialisée et l'agrément pourra être révoqué en cas de manquement.
Conformément à la loi, c'est le patient lui-même qui détermine les personnes pouvant avoir accès à son dossier médical partagé, à savoir son médecin traitant - étant entendu que le patient peut en changer - et les autres praticiens de son choix.
L'accès des médecins choisis par le patient au dossier sera authentifié par la carte " professionnel de santé ", conformément à l'article L. 161-33 du code de la sécurité sociale. Actuellement, cette carte est utilisée par les professionnels de santé, en même temps que la carte Vitale du patient, dans les lecteurs permettant la transmission électronique des feuilles de soins. Elle assure une authentification forte de son porteur, permettant de vérifier que c'est bien un professionnel de santé précis qui accède au dossier médical.
L'accès du patient, de chez lui, à son dossier médical sera totalement sécurisé, tant pour la transmission des données que pour l'authentification du patient. Des solutions existent là aussi : rappelons que, en 2004, plus d'un million de personnes - soit deux fois plus qu'en 2003 - ont fait leur déclaration d'impôt sur internet grâce à une procédure à la fois simple et sécurisée.
La traçabilité des accès permettra au patient d'être informé en temps réel de chaque consultation de son dossier médical. L'auteur de toute intrusion pourra être identifié. Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication d'informations du dossier médical partagé, en violation de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, est puni d'un an d'emprisonnement et de 1 500 euros d'amende.
Par ailleurs, il n'est pas prévu que les médecins du travail ou les médecins des compagnies d'assurance aient accès au dossier médical partagé du patient, qui, rappelons-le, choisit à tout moment les professionnels qui y ont accès.
Cette mesure, qui joue un rôle important dans la réforme de l'assurance-maladie dont l'Assemblée va bientôt débattre, figure à l'article 2 du projet de loi en cours de présentation au Parlement. Le Gouvernement s'engage à ce qu'elle soit mise en oeuvre au bénéfice de tous, dans le respect fondamental des principes de secret médical et de protection des données personnelles.
M. Jean Roatta. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Données clés

Auteur : M. Jean Roatta

Type de question : Question orale

Rubrique : Assurance maladie maternité : généralités

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 juin 2004

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