PAC
Question de :
M. Jean Auclair
Creuse (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jean Auclair attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur la définition des prairies permanentes et la notion de non-retournement de ces parcelles d'une part et les difficultés liées au versement des aides OFIVAL pour les bâtiments d'élevage d'autre part. Selon le règlement européen, sont considérées comme prairies permanentes toutes les prairies âgées de plus de cinq ans. Or, dans la région Limousin, et bien d'autres en France, compte tenu des pratiques culturales, les prairies temporaires ont une durée de vie bien supérieure. Une durée de dix années au moins en système de production herbagère serait mieux adaptée pour une classification en prairie permanente. De plus, le statut de prairies permanentes interdirait le retournement de ces terres ce qui est absurde car, dans le Massif central, beaucoup de terres, que l'on peut qualifier de légères, nécessitent d'être cultivées pour régénérer la prairie. Le non-retournement des prairies permanentes doit être exclu des conditionnalités de versement des aides ou, à tout le moins, une clause dérogatoire doit être introduite. S'agissant des bâtiments d'élevage, les aides promises et notifiées hier par l'OFIVAL font l'objet aujourd'hui d'une mise en attente, voire d'une remise en question au motif futile que telle ou telle OPA, et notamment les associations de producteurs, ne serait pas reconnue. Ce dispositif d'aides, mis en place pour la période 2000-2006, était destiné à améliorer les conditions de travail des agriculteurs. Il ne saurait désormais fragiliser la profession agricole. Ainsi il lui demande de lui indiquer ses intentions afin de défendre la pérennité de l'exploitation herbagère et afin de mettre un terme à la situation de blocage pour le versement des aides OFIVAL notifiées pour les bâtiments d'élevage.
Réponse en séance, et publiée le 30 juin 2004
CONDITIONS D'ATTRIBUTION DES AIDES
POUR LES PRAIRIES PERMANENTES
ET LES BÂTIMENTS D'ÉLEVAGE
M. Jean Auclair. Monsieur le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales, je vais évoquer trois problèmes.
Le premier est celui des prairies permanentes. Sont considérées comme telles, selon le règlement européen, toutes les prairies âgées de plus de cinq ans. Or, dans la région Limousin comme dans d'autres, les prairies temporaires, compte tenu des pratiques culturales, ont une durée de vie bien supérieure. En système de production herbagère, une durée de dix ans au moins serait mieux adaptée pour un classement en prairie permanente. De plus, le statut des prairies permanentes interdirait le retournement des terres, ce qui est complètement absurde, car, dans le Massif Central, beaucoup de terres, qualifiées de légères, ont besoin d'être cultivées pour régénérer les prairies. Le non-retournement des prairies permanentes doit être exclu des conditions de versement des aides ; à tout le moins, une clause dérogatoire doit être introduite.
Deuxièmement, les aides promises et notifiées par l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture - l'OFIVAL - au titre des bâtiments d'élevage sont aujourd'hui mises en attente, voire remises en question, au motif que telle ou telle organisation professionnelle agricole - je pense plus particulièrement aux associations de producteurs - n'est pas reconnue.
Monsieur le secrétaire d'État, il se trouve que je connais bien le problème et il y a vraiment de quoi sourire des raisons pour lesquelles certaines associations ne sont pas reconnues, telles celles de la Creuse, de l'Allier et, récemment, du Cantal. Votre technostructure, pour justifier son existence, a refusé de les reconnaître sous des prétextes futiles, mais aussi à cause d'un certain sectarisme : comme d'habitude, les groupements de producteurs ou leurs adhérents ont droit à tout alors que les autres n'ont que le droit de regarder ! C'est la réalité ; je peux vous en apporter la preuve. Le dispositif d'aide mis en place pour la période 2000-2006 était destiné à améliorer les conditions de travail des agriculteurs. Il risque paradoxalement de fragiliser la profession.
Je sais bien, monsieur le secrétaire d'État, que les crédits disponibles sont limités. C'est pourquoi je vous propose de réaliser de réelles économies, qui permettraient de dégager des moyens pour financer les agriculteurs qui restent sur la touche. Elles concernent les mesures prises pour lutter contre l'ESB.
Quand un animal de plus de vingt-quatre mois est accidenté, son éleveur doit, pour le faire euthanasier, obtenir l'accord du vétérinaire sanitaire avant de percevoir, à titre de dédommagement, 228,67 euros. Le vétérinaire et l'agriculteur sont payés sur les crédits du ministère de l'agriculture. Auparavant, l'animal était envoyé à l'abattoir sur simple avis du vétérinaire traitant et, après contrôle sanitaire, les parties jugées commercialisables étaient vendues ou consommées.
Je m'interroge également sur la nécessité et l'intérêt de la visite de mortalité obligatoire, faite par le vétérinaire avant l'envoi à l'équarrissage, puisque le dépistage de l'ESB est systématique au nom du principe de précaution. Il s'agit, certes, d'une bonne mesure, mais son coût est démesuré, d'autant que l'ESB n'existe pratiquement plus. Le problème est réglé. Alors pourquoi continuer à dépenser autant d'argent ?
Troisièmement, je veux appeler votre attention sur la complexité de la réglementation française relative aux mouvements d'animaux dans les exploitations, qu'il s'agisse des entrées ou des sorties. La législation européenne accorde plus de vingt jours aux éleveurs pour notifier les mouvements d'animaux, contre sept jours en France. Il faut être raisonnable, monsieur le secrétaire d'État : les agriculteurs n'ont pas tous un ordinateur et ils ne peuvent pas être toutes les semaines dans leur bureau à faire des déclarations. Il faut absolument assouplir le régime des notifications, au rythme d'une fois toutes les trois semaines ou une fois par mois. Ce serait une mesure judicieuse.
Les agriculteurs qui, parce qu'ils ont oublié ou qu'ils ont trop de travail, n'ont pas adressé les notifications dans les délais se voient infliger des pénalités énormes qui risquent de mettre en péril leurs exploitations. La fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de la Creuse a donc rédigé une motion que je vous ai transmise.
Il faut absolument, monsieur le secrétaire d'État, harmoniser les réglementations dans le sens de la souplesse et rapporter les pénalités qui sont injustes. Les agriculteurs concernés ne sont pas des tricheurs ; ce n'est pas non plus de la mauvaise volonté de leur part, mais ils ont autre chose à faire que des travaux de secrétariat. Comme toujours, la technostructure invente des dispositifs et ce sont les agriculteurs qui paient les pots cassés !
Quand un fonctionnaire du ministère commet des erreurs, on n'ampute pas son salaire tandis que l'agriculteur, lui, doit payer. Cela ne peut plus durer et j'espère que vous allez y mettre bon ordre.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.
M. Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur le député, avant de vous répondre aussi précisément que possible, je rends hommage à votre compétence, à votre connaissance du terrain et à votre combativité, que je connais bien pour vous avoir côtoyé pendant de longues années, votre département étant voisin du mien.
La conditionnalité des aides constitue une évolution majeure de la politique agricole commune, qui, après avoir privilégié l'offre, s'oriente désormais vers une politique de la demande. Autrement dit, il s'agit de renforcer la qualité des produits dans un espace rural protégeant la nature.
En application de l'accord de Luxembourg de juin 2003, les États membres mettront en place, dès 2005, la conditionnalité des aides, à charge pour chacun d'eux de définir les modalités de sa mise en oeuvre au niveau des exploitations agricoles. Pour les prairies permanentes, l'objectif est de les protéger en empêchant leur utilisation en culture arable.
Le 18 mai 2004, nous avons décidé, en accord avec les membres du Conseil supérieur de l'orientation qui réunit l'ensemble des organisations professionnelles agricoles, de constituer un groupe de travail spécifique sur ce thème. Il présentera ses propositions en octobre 2004 au plus tard.
Sachez que je suis très sensible à la nécessité d'une approche concrète des problèmes dans les départements comme le vôtre et, plus généralement dans les zones de montagne ou les zones intermédiaires dont font partie la Creuse, l'Indre ou le Cher. Je veillerai donc tout particulièrement à ce que les difficultés liées à la définition et au statut des pâturages permanents - durée de vie, retournement de la terre, etc - soient prises en considération. Le problème est le même chez moi et je le connais bien. Je me battrai sur cette question, monsieur le député, en m'appuyant sur les exemples que vous nous avez donnés.
Concernant les aides aux bâtiments d'élevage, je comprends très bien l'insatisfaction des producteurs, mais il est normal que les aides de l'État aillent à des groupements reconnus. L'argent public ne peut pas être distribué sans aucune règle. Les services de mon ministère sont à votre disposition pour faciliter la reconnaissance de nouveaux groupements, et vous pouvez me saisir directement des cas d'associations de producteurs qui n'arriveraient pas à être reconnues. Je veillerai à ce que le dossier soit instruit rapidement et que, le cas échéant, les conseils nécessaires soient prodigués, en toute impartialité.
Enfin, la lutte contre l'ESB justifie-t-elle le caractère contraignant des visites de mortalité des bovins adultes ? Cette visite, je vous le rappelle, a été instaurée en 2000, parce que le dépistage systématique n'existait pas encore à l'époque. Celui-ci a été mis en place en 2001 à l'abattoir et à l'équarrissage. La traçabilité des animaux s'étant ainsi améliorée, vous avez eu raison de poser la question de la suppression de cette formalité. Le ministère est en train de conduire une expertise très précise pour savoir si, compte tenu de la quasi-disparition de l'ESB, il est possible d'assouplir et de simplifier les procédures en toute sécurité. En revanche, la réintroduction dans la chaîne alimentaire des bovins accidentés de plus de vingt-quatre mois serait plus délicate à mettre en oeuvre, d'autant que les avis scientifiques sur ce point ne sont pas convergents.
Plus globalement, l'allégement des procédures agricoles, notamment l'allongement des délais de notification, est un sujet qu'Hervé Gaymard et moi avons sincèrement à coeur mais ce n'est pas si simple. En effet, le soutien public sous condition et l'aide au revenu entraînent nécessairement une certaine complexité administrative. Cela dit, vous avez raison : la simplification doit être une préoccupation constante et il faut la mettre en oeuvre partout où cela est possible. Je suis à votre disposition pour y travailler avec vous, y compris sur des exemples précis et concrets.
M. le président. La parole est à M. Jean Auclair.
M. Jean Auclair. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre approche concrète de la question. On sent bien, à vous entendre, l'ancien député d'un département agricole !
S'agissant des prairies permanentes, je sais que vous serez fin août dans la Creuse. Je vous propose d'organiser une réunion avec les agriculteurs, au cours de laquelle ils vous expliqueront leurs problèmes afin que ces derniers puissent être résolus concrètement.
J'ai déjà accompagné les responsables des organisations agricoles dans les ministères. Comment discuter avec des gens qui ne sortent jamais de leurs bureaux et qui ne possèdent aucune connaissance du terrain ? Les agriculteurs, membres d'organisations agricoles, ont sans doute une approche plus libérale de l'agriculture. Leurs exposés manquent parfois de points et de virgules, ce qui n'est pas toujours très apprécié dans les ministères. C'est donc souvent pour des futilités que certaines organisations de producteurs ne sont pas reconnues !
Vous m'opposez le principe de précaution à l'abattage des animaux accidentés : les vétérinaires, que je sache, sont des gens compétents ! Ils ont des diplômes et sont capables de déterminer en amont si l'animal sera consommable ou non. De plus, une seconde visite est effectuée à l'abattoir. Il n'est pas normal de dépenser autant d'argent. Il convient absolument d'autoriser l'abattage d'urgence des bovins de plus de vingt-quatre mois, ne serait-ce qu'à titre d'essai, d'autant plus qu'il est autorisé pour ceux de moins de vingt-quatre mois.
Quant aux notifications de mouvements d'animaux, monsieur le secrétaire d'État, la demande est très forte. Je souhaiterais que vous vous penchiez sur la question, parce que l'on n'a pas le droit de pénaliser des agriculteurs pour des motifs aussi futiles que les dates d'entrée ou de sortie du territoire des animaux.
M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Je le ferai.
M. Jean Auclair. Alors que de nombreux clandestins pénètrent chaque jour sur notre territoire sans être inquiétés, les agriculteurs ne comprennent pas d'être pénalisés pour une vache ou un veau qui n'a pas été déclaré !
Il faut être sérieux. Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d'État, pour remettre les pendules à l'heure.
Auteur : M. Jean Auclair
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 juin 2004