Question orale n° 869 :
SNCF

12e Législature

Question de : M. Louis Giscard d'Estaing
Puy-de-Dôme (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Louis Giscard d'Estaing appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur la suppression envisagée du transport de fret en gare de Saint-Eloy-les-Mines dans le Puy-de-Dôme. A ce jour, les services de la SNCF n'ont fait aucune communication sur ce sujet, et ce sont les cheminots qui ont alerté les élus locaux sur l'existence de ce projet. Or, on ne peut que s'inquiéter des conséquences immédiates de cette fermeture éventuelle qui conduirait à une forte augmentation du trafic poids lourds dans le secteur de Saint-Eloy-les-Mines et plus généralement sur la RN 144. Par exemple, l'usine Rockwool Isolation utilise les services de la SNCF pour un tonnage annuel de 53 000 tonnes, ce qui engendrerait, en cas de suppression du transport de fret en gare de Saint-Eloi-les-Mines, 5 000 passages supplémentaires par an sur la RN 144. Cet exemple démontre l'inconséquence d'une telle mesure quant à l'aménagement du territoire, le secteur des Combrailles se trouvant déjà en grandes difficultés, et est en contradiction absolue avec le classement de la zone en « Contrat de site » obtenu au niveau national. Par ailleurs, la ligne Clermont-Ferrand - Mont-Dore - La Bourboule connaît également des difficultés similaires en matière de fret, notamment au regard de l'activité d'embouteillage installée au Mont-Dore, et de la perspective d'une autre usine d'embouteillage pour les magasins Leclerc sur cette ligne. Il souhaiterait savoir non seulement en tant que député du Puy-de-Dôme, mais également en tant que rapporteur spécial chargé du budget de l'aménénagement du territoire, sa position quant à ce problème, qui concerne non seulement l'aménagement du territoire, mais également la sécurité routière puisqu'une augmentation du trafic routier engendre inévitablement une augmentation de l'insécurité. Par ailleurs, il lui demande ce qu'il pense de la politique unilatérale choisie par la SNCF qui impose des majorations inacceptables de tarif en refusant toute négociation commerciale, cela en violation des obligations de service public, par ailleurs largement subventionné par la région et le département.

Réponse en séance, et publiée le 30 juin 2004

PERSPECTIVES DU FRET FERROVIAIRE
DANS LE PUY-DE-DÔME

M. le président. La parole est à M. Philippe Rouault, pour exposer la question n° 869 de M. Louis Giscard d'Estaing, relative aux perspectives du fret ferroviaire dans le Puy-de-Dôme.
M. François Rochebloine. Ainsi, la suppléance est possible ? C'est une nouveauté !
M. Philippe Rouault. Louis Giscard d'Estaing appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur l'avenir du transport de fret dans le Puy-de-Dôme, avec deux sujets d'inquiétude majeurs : la ligne desservant Saint-Eloy-les-Mines et celle qui dessert la commune du Mont-Dore.
Dans le premier cas, il s'agirait de la suppression du transport de fret en gare de Saint-Eloy-les-Mines. À ce jour, les services de la SNCF n'ont fait aucune communication sur ce sujet, et ce sont les cheminots qui ont alerté les élus locaux, au premier rang desquels le maire de Saint-Eloy-les-Mines, de l'existence de ce projet.
On ne peut que s'inquiéter des conséquences immédiates de cette fermeture éventuelle, qui conduirait à une forte augmentation du trafic de poids lourds dans le secteur de Saint-Eloy-les-Mines et, plus généralement, sur la RN 144. Ainsi, l'usine Rockwool Isolation utilise les services de la SNCF pour un tonnage annuel de 53 000 tonnes, ce qui engendrerait, en cas de suppression du transport de fret en gare de Saint-Eloy-les-Mines, 5 000 passages supplémentaires par an sur la RN 144. Cet exemple démontre l'inconséquence d'une telle mesure en termes d'aménagement du territoire, le secteur des Combrailles connaissant déjà de grandes difficultés, et est en contradiction absolue avec le classement de la zone en contrat de site, décidé à juste titre par le Gouvernement.
Par ailleurs, la ligne qui relie Clermont-Ferrand, Le Mont-Dore et La Bourboule connaît également des inquiétudes liées au fret, alors même que l'activité d'embouteillage installée au Mont-Dore, l'usine SMDA a expédié 150 000 tonnes, soit près des deux tiers de sa production annuelle, par voie de fret, et se présente la perspective de l'implantation d'une autre usine d'embouteillage - pour les magasins Leclerc - sur cette même ligne. L'augmentation de 8 % du tarif du fret en 2003 a eu pour conséquence la diminution du recours au fret au profit du transport routier, alors même que le transport de voyageurs en gares du Mont-Dore et de La Bourboule a été pérennisé par l'activité fret depuis 1996.
La disparition de l'activité fret sur la ligne qui relie Clermont-Ferrand, Le Mont-Dore et La Bourboule entraînerait donc la disparition du transport de voyageurs dans un secteur touristique très fréquenté. De plus, l'augmentation du transport routier sur ces routes de montagne entraînerait de nombreux désagréments, en matière tant d'environnement que de sécurité routière.
Louis Giscard d'Estaing souhaiterait donc savoir, non seulement en tant que député du Puy-de-Dôme, mais également en tant que rapporteur spécial chargé du budget de l'aménagement du territoire, votre position sur l'avenir du fret ferroviaire dans le Puy-de-Dôme, qui concerne, outre l'aménagement du territoire, la sécurité routière et l'environnement - auquel je suis particulièrement sensible en tant que rapporteur spécial du budget de l'écologie et du développement durable.
Par ailleurs, que pensez-vous de la politique unilatérale choisie par la SNCF, qui impose des majorations de tarif en refusant toute négociation commerciale, malgré les obligations de service public qui résultent des dotations et subventions de l'État et de la région ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer.
M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur le président, madame et messieurs les députés, le Gouvernement a entrepris la mise en oeuvre d'un plan destiné à rien de moins qu'à sauver le fret ferroviaire qui, sans des mesures courageuses, serait condamné à une disparition progressive. Notre volonté - et je partage pleinement votre préoccupation en ce domaine - est non seulement de maintenir, mais aussi de le développer.
Le fret ferroviaire, je le rappelle, perd des parts de marché dans le transport des marchandises depuis la dernière guerre mondiale. En 1997, le gouvernement précédent avait annoncé l'objectif d'un doublement du tonnage transporté. Au lieu de cela, non seulement la perte de parts de marché se poursuit, mais le tonnage transporté diminue en valeur absolue. Le déficit de la branche " fret " de la SNCF a atteint, en 2003, 450 millions d'euros, avec un accroissement annuel de 90 millions. Toutes les données sont littéralement catastrophiques.
Depuis le début de l'année, le Gouvernement a mis en oeuvre, avec la direction de la SNCF, un " plan fret " destiné à rationaliser et mieux organiser cette branche d'activité, de manière à stabiliser d'abord la situation, avant de retrouver une croissance souhaitable et souhaitée du fret ferroviaire. Cela supposait des mesures très rigoureuses, permettant d'assurer une compétitivité et une efficacité réelles, ainsi qu'une meilleure utilisation des matériels. Aujourd'hui, une locomotive de fret est utilisée, en moyenne, quatre heures et demie par jour : ces matériels très coûteux sont largement sous-utilisés. Alors que le fret représente 12 % de l'activité de la SNCF, 40 % des conducteurs de trains y sont affectés. On pourrait multiplier encore les indicateurs qui montrent l'évidence que des mesures devaient être prises. Nous sommes en train de les prendre, mais elles ne sont pas sans conséquences.
Il faudra, ainsi, admettre que l'abandon de certains trafics, trop déficitaires pour justifier un traitement par la voie ferrée. Le transport ferroviaire de marchandises suppose une massification de celles-ci, faute de quoi il est trop coûteux. Certains tarifs étaient totalement inadaptés.
Les mesures prises ont parfois été mal ressenties, et apparaissent comme un recul de la part de la SNCF, dont la volonté était pourtant de retrouver une efficacité aujourd'hui perdue. Ce n'est pas impossible, car certains pays, comme l'Allemagne, ont aujourd'hui de meilleurs résultats que la France en matière de fret ferroviaire - mais le chemin est long pour les rejoindre.
Dans le cas évoqué par M. Giscard d'Estaing, il faut souligner que l'entreprise Rockwool Isolation est le seul client de la gare de Saint-Eloy-les-Mines. Après examen des trafics et des coûts, la SNCF a proposé de relever ses prix, qui se sont révélés anormalement bas. Les trafics de ballast et de coke généraient 40 % de pertes par rapport au chiffre d'affaires.
En outre, sur un plan juridique, contrairement à ce qui a été dit, le transport de fret n'est pas, à la différence du transport de voyageurs, un service public. Des négociations ont été menées avec l'entreprise concernée, mais la SNCF n'a pu se maintenir sur le marché, l'entreprise ayant fait d'elle-même le choix du transport routier. Cette situation n'affecte ni les liaisons TER, ni la ligne de Clermont-Ferrand au Mont-Dore, que vous avez évoquée.
Reste que certaines décisions ont pu être mal comprises. Face à de telles situations, un effort de concertation avec les acteurs locaux - qu'il s'agisse des entreprises clientes ou des élus locaux - est nécessaire. Les décisions doivent être expliquées et justifiées.
C'est la consigne que nous donnons à la direction de la SNCF. Nous allons l'inciter à la reprise du dialogue, particulièrement dans le cas qui nous occupe, afin que ses décisions soient mieux comprises et que des solutions alternatives soient examinées.

Données clés

Auteur : M. Louis Giscard d'Estaing

Type de question : Question orale

Rubrique : Transports ferroviaires

Ministère interrogé : équipement

Ministère répondant : équipement

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 29 juin 2004

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