chimie
Question de :
M. Jacques Remiller
Isère (8e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jacques Remiller appelle l'attention de M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale sur la fermeture de Stahl Industrial colorants SAS, entreprise appartenant à un groupe hollandais, qui emploie 147 personnes à Saint-Clair-du-Rhône, en Isère. Les salariés de cette entreprise sont inquiets depuis que l'actionnaire hollandais, le 20 août dernier, a annoncé qu'il allait procéder à la fermeture de la filiale française. Le 2 septembre dernier, le ministre a rencontré les représentants du personnel de la société Stahl. Il les a assurés qu'il allait intervenir auprès de son homologue hollandais. Toutefois, il semble que la situation soit bloquée. Aussi souhaite-t-il savoir ce qu il compte mettre en oeuvre afin de rassurer les salariés de cette société.
Réponse en séance, et publiée le 6 octobre 2004
AVENIR DE L'USINE
STAHL INDUSTRIAL COLORANTS SAS
À SAINT-CLAIR-DU-RHÔNE EN ISÈRE
M. Jacques Remiller. Monsieur le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes, nous avons apprécié vos déclarations sur le dossier abordé par notre collègue Jean-Louis Léonard. Je voudrais à présent évoquer un autre dossier, que le ministre Jean-Louis Borloo et vous-même connaissez bien : la fermeture de l'entreprise Stahl industrial colorants SAS, qui appartient à un groupe hollandais, dont le capital est aux mains de fonds de pension américains et qui emploie 147 personnes à Saint-Clair-du-Rhône, en Isère.
Ces salariés sont inquiets depuis que, le 20 août dernier, au milieu des vacances, l'actionnaire hollandais a annoncé qu'il allait procéder à la fermeture de la filiale française.
Le 2 septembre dernier, alors que vous étiez à Lyon, monsieur le secrétaire d'État, avec d'autres membres du Gouvernement, Jean-Louis Borloo assistait, à Vienne, à une intéressante opération de rénovation urbaine et de déconstruction. Je profite d'ailleurs de l'occasion - même si, ce faisant, je m'écarte de la question - pour remercier le Gouvernement d'avoir apporté les crédits nécessaires à cette opération, dont nous aurons à reparler en d'autres circonstances. Au préalable, Jean-Louis Borloo avait, à ma demande, rencontré à la sous-préfecture de Vienne les représentants du personnel de la société Stahl, et leur avait promis d'intervenir auprès de son homologue hollandais.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous confirmer officiellement qu'il a tenu promesse, nous informer sur ces premiers contacts, notamment sur la réaction de M. Johannes Vervloed, ministre plénipotentiaire aux affaires économique des Pays-Bas en France, qui a été saisi par vos services.
En ce qui concerne les mesures de reclassement et d'aide qui peuvent être envisagées pour tous les salariés de la société Stahl, trois points paraissent essentiels. Nous avons parlé du premier lors de la réunion à la sous-préfecture de Vienne : la durée du congé de reclassement pour les salariés les plus âgés pourrait être portée à neuf mois. Vous le savez, des gens qui, en moyenne, ont entre cinquante et cinquante-sept ans, auront plus de mal à retrouver un emploi.
D'autre part, les salariés attendent que la direction de l'entreprise fasse un geste et leur accorde davantage que l'indemnité de licenciement conventionnelle. On m'assure que les actionnaires hollandais sont frileux. J'espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous allez nous dire le contraire.
Enfin, il faut veiller à l'avenir du bassin d'emploi de Saint-Clair-du-Rhône, qui, je le rappelle, est un site Seveso.
Peut-être est-il encore possible d'éviter cette fermeture : nous avons demandé que cette possibilité soit étudiée avant que ne soient mises en place des mesures de reclassement. Dans le cas contraire, pouvez-vous me dire, monsieur le secrétaire d'État, les mesures que vous comptez prendre pour que la fermeture se déroule dans la plus grande sérénité pour toutes les familles concernées par ces pertes d'emploi ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes.
M. Laurent Hénart, secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, le 2 septembre dernier, M. Jean-Louis Borloo, accompagné de l'ensemble des ministres qui travaillent avec lui sur les questions de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, était en déplacement dans la région Rhône-Alpes. Sa visite dans chacun des huit départements de cette région a été l'occasion de confirmer certains engagements de l'État, et surtout d'étudier de nombreux projets communs entre l'État et les collectivités locales.
Ce déplacement était chargé en rendez-vous et en contacts, mais Jean-Louis Borloo a tenu à recevoir les représentants du personnel de la société Stahl. Il a entendu leurs inquiétudes, a perçu leur détresse et a pu pleinement mesurer ce que représentait cette société pour le territoire dans lequel elle est installée et donc la nécessité qu'il y avait que le Gouvernement se mobilise, et d'abord pour éviter le pire, vous l'avez dit et j'y reviendrai. Ensuite, pour faire respecter la loi. Le droit du travail existe, avec un code du travail, un encadrement des procédures collectives et une protection des droits des salariés dans le cadre des procédures collectives. Il appartient aux directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de les faire respecter, par le biais des corps d'inspection et de contrôle.
La première consigne donnée par Jean-Louis Borloo aux services de l'État dans votre département a été de veiller au strict respect de la loi. C'est ainsi qu'il a été demandé au préfet d'accompagner autant que faire se peut, grâce aux dotations d'État au redéploiement, à la reconversion et à la formation professionnelle, les éventuelles solutions heureuses proposées par l'entrepreneur.
Mais, et c'est là-dessus que nous nous battons aujourd'hui, nous souhaitons surtout éviter la pire des solutions. Jean-Louis Borloo a pris directement contact, voici une vingtaine de jours, avec M. Aart Jan De Geus, le ministre des affaires sociales des Pays-Bas.
Le long entretien qu'il a eu avec son homologue a permis à M. Borloo d'expliquer l'importance cruciale de cette entreprise pour le territoire concerné, même si, à l'échelle du groupe, 147 emplois peuvent paraître bien peu. Ce contact a permis surtout de sensibiliser le ministre des affaires sociales des Pays-Bas à la recherche d'une solution qui réponde à la doctrine de la " flexsécurité ", que les pays scandinaves et que les Pays-Bas connaissent bien, c'est-à-dire qui permette de prendre certaines mesures sans en arriver à la pire, la fermeture totale.
Le ministre des affaires sociales, nous le savons depuis huit jours par un retour de l'ambassade des Pays-Bas, a pris lui-même l'attache des responsables du groupe concerné pour leur faire part de l'inquiétude du gouvernement français, leur montrer qu'il restait vigilant et demander deux choses : d'une part, trouver des solutions économiques plus nuancées, je ne sais pas quelle est l'expression la plus appropriée, que celle initialement envisagée et, d'autre part, faire en sorte que les personnels qui pourraient être concernés par des mesures définitives puissent bénéficier de mesures d'accompagnement ambitieuses, comme les Pays-Bas et les pays scandinaves savent le faire.
Jean-Louis Borloo porte un intérêt évident à cette opération, qui s'inscrit dans le cadre de la coopération européenne telle qu'il souhaite la développer. Il a le souci également de vous tenir informé et je crois qu'il le fera au fur et à mesure des étapes concrètes qui seront franchies.
Aujourd'hui, vingt jours après cette prise de contact, nous avons une remontée encourageante du gouvernement hollandais, qui met en oeuvre ses propres moyens de dissuasion, ou de conviction, comme vous voudrez, à côté de ceux du gouvernement français auprès des propriétaires de cette entreprise pour qu'ils trouvent des solutions plus subtiles et plus adaptées.
M. le président. La parole est à Jacques Remiller.
M. Jacques Remiller. Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais vous donner, si vous le permettez, quelques précisions supplémentaires pour vous permettre de continuer à agir très efficacement, comme le fait Jean-Louis Borloo auprès de son homologue des Pays-Bas.
Jean-Louis Borloo et vous-même vous êtes personnellement investis sur ce dossier, j'en témoigne, le ministre allant même jusqu'à prolonger sa visite à Vienne pour rencontrer les membres du personnel.
Vous avez parlé, à juste raison, monsieur le secrétaire d'État, de " territoire ". Je suis en effet l'élu d'un territoire et d'un territoire sinistré. Jean-Louis Borloo lui-même a cru y retrouver ce qu'il avait connu de pire dans sa vie d'élu, lorsqu'il était maire de Valenciennes, avec tous les problèmes sociaux qu'il avait dû affronter à l'époque. Mais ce n'est pas tant le député de la huitième circonscription de l'Isère qui souhaite s'exprimer ici que le président du groupe d'études sur les risques chimiques.
Quand on parle chimie, on pense généralement aux risques, mais il faudrait aussi songer à son avenir. La chimie française est malade. Elle subit la concurrence de pays européens - je pense à l'Allemagne mais également à certains pays qui sont entrés dans la Communauté européenne le 1er mai, comme la Pologne.
Je lance, et je crois pouvoir parler au nom de tous les parlementaires du groupe d'études, un véritable cri d'alarme : on ne peut pas continuer comme cela. Car, en réalité, ce qui se passe avec Stahl peut se répéter sur tout le territoire national. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'une délocalisation, sujet qui préoccupe le Gouvernement, et notamment le Premier ministre. Or il faut savoir que si certaines activités chimiques sont déficitaires, d'autres sont excédentaires. Le groupe hollandais, qui fonctionne avec des fonds de pension américains, a tout bonnement décidé de délocaliser ce qui n'était pas rentable en Chine - peut-être le Président de la République, qui part aujourd'hui dans cette région du globe, pourra-t-il évoquer ce problème - et de vendre à un groupe anglais, le groupe Albion, une activité excédentaire, celle des colorants chimiques, sans se préoccuper, du moins jusqu'à la visite de Jean-Louis Borloo, des 147 salariés concernés dont certains ont entre cinquante et soixante ans. Comment ces salariés feront-ils pour retrouver du travail ? Comment peut-on fermer boutique comme cela, pendant les vacances, alors que les gens sont sur les plages, à l'autre bout de la France ?
Vous m'avez rassuré, monsieur le secrétaire d'État, et je me félicite de la venue du ministre sur le terrain. Sa présence s'est révélée très utile, et j'encourage les ministres à se déplacer très souvent. Bien sûr, le représentant de l'État, le préfet, est présent sur le terrain, mais c'est encore mieux quand le ministre prend le dossier en main. Ainsi, le représentant de la CGT, qui avait donné son numéro de téléphone au ministre, a reçu un dimanche un coup de fil de Jean-Louis Borloo lui-même - il a cru à une farce. C'est cela le dialogue ! Jean-Louis Borloo tenait à communiquer les informations non seulement aux parlementaires mais également aux représentants du personnel. Cela a permis au personnel et à leurs représentants de défiler dans la dignité, avec l'ensemble des élus, pour réclamer, sinon le sauvetage de leur entreprise et de tous les emplois, du moins des conditions de départ décentes et le maintien de quelques emplois. Je considère que les colorants peuvent très bien être fabriqués à Saint-Clair-du-Rhône plutôt qu'au Royaume-Uni, même si je suis profondément européen, tout comme vous, monsieur le président.
Enfin, je voudrais rappeler que cette entreprise se situe sur un site classé Seveso, c'est-à-dire qu'il faut décontaminer, et que l'usine ne peut être remplacée que par une entreprise classée Seveso I ou II. Je souhaite donc qu'on recherche activement sur tout le territoire national si des entreprises Seveso ne voudraient pas s'agrandir ou se délocaliser pour les orienter vers le site de Saint-Clair-du-Rhône.
Auteur : M. Jacques Remiller
Type de question : Question orale
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : emploi
Ministère répondant : emploi
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 octobre 2004