convention internationale des droits de l'enfant
Question de :
M. Patrick Braouezec
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Lors du comité des droits de l'enfant à Genève le 2 juin dernier, les experts ont examiné le deuxième rapport de la France sur l'application de la Convention internationale des droits de l'enfant. La France a été interpellée, entre autres, à propos de l'âge minimum du mariage, du développement de l'activité pénale au détriment de l'action éducative et sur les mineurs isolés étrangers arrivant sur le territoire français. M. Patrick Braouezec demande à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, les dispositions envisagées par le Gouvernement pour répondre aux recommandations du comité des experts. Il lui demande s'il envisage de faciliter la création de commissions parlementaires sur les droits des enfants tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
Réponse en séance, et publiée le 20 octobre 2004
APPLICATION DE LA CONVENTION INTERNATIONALE RELATIVE AUX DROITS DE L'ENFANT
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour exposer sa question, n° 912, relative à l'application de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.M. Patrick Braouezec. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux. Lors du dernier comité des droits de l'enfant des Nations unies, réuni le 2 juin à Genève, des experts indépendants ont examiné le deuxième rapport périodique de la France concernant la mise en oeuvre les dispositions de la convention internationale des droits de l'enfant.
Je me contenterai d'aborder trois aspects qui ont été soulignés par ce comité des experts.
Le premier est l'âge du mariage. Il est de quinze ans pour les filles et de dix-huit pour les garçons. Même si cette différence peut s'expliquer par l'âge d'entrée dans la puberté, il n'en demeure pas moins qu'elle légalise la discrimination entre garçon et fille, discrimination d'autant moins justifiée aujourd'hui que l'âge de la majorité au titre de la loi du 5 juillet 1974 est de dix-huit ans pour les deux.
De plus, elle ne tient pas compte de la préconisation introduite par les rédacteurs de la convention relative aux droits de l'enfant selon laquelle toute personne ayant moins de dix-huit ans relève du statut de l'enfant.
Il serait dès lors important de revoir l'âge minimum du mariage et de mettre notre code civil en conformité avec les différents instruments internationaux, mais aussi avec les orientations prises par le Gouvernement qui affirme vouloir lutter contre toutes les discriminations. Ce serait un des moyens efficaces de lutter contre les mariages forcés au profit du développement de l'enfant. Rappelons que depuis 1959, en France, la scolarité est obligatoire de six à seize ans.
Le second point porte sur le développement de sanctions pénales au détriment de l'action éducative. En effet, lorsqu'un enfant se trouve aux prises avec la loi, on privilégie le développement de réponses pénales au détriment de l'action éducative. La loi du 9 septembre 2002 rapproche singulièrement le traitement des mineurs de celui des majeurs.
Les enfants entre dix et treize ans peuvent être retenus vingt-quatre heures au commissariat ou à la gendarmerie - douze heures renouvelables une fois. Des sanctions éducatives peuvent être prononcées à partir de dix ans au prétexte que les jeunes en infraction sont de moins en moins âgés.
Au lieu d'apporter des réponses sociales et éducatives pour les jeunes déviants, conformément aux articles 37 et 40 de la convention internationale des droits de l'enfant, notre société préfère le registre répressif et les illusions de l'éducatif en milieu fermé avancées dans la loi du 9 septembre 2002. Or la prison ne peut, en aucun cas, viser une démarche d'insertion sociale qui suppose l'apprentissage des libertés. Pour cela, faut-il encore faire le choix d'investir dans des moyens matériels et humains pour lutter contre la délinquance afin de ne pas fabriquer des multirécidivistes.
On s'est attaché à prévenir la récidive, mais rien n'a été engagé pour prévenir le premier passage à l'acte, ce qui implique une politique familiale, sociale et d'intégration.
En troisième lieu, il s'agit de la possibilité pour un mineur étranger, arrivant en France non accompagné, d'y séjourner légalement après sa majorité. La réécriture de l'article 21-12 du code civil par la loi du 26 novembre 2003 conditionne la possibilité de devenir français pour un mineur étranger au fait d'avoir été confié depuis trois ans au moins au service de l'aide sociale à l'enfance. Cette exigence affecte les jeunes arrivant sur le territoire entre quinze et seize ans. En effet, n'étant pas expulsables, ils sont, selon l'article 375 du code civil, confiés aux services départementaux ou associatifs, pour une période souvent inférieure à trois ans.
Pour autant, aucune disposition particulière, n'a été prise pour garantir à ces jeunes la délivrance d'un titre de séjour régulier. Aujourd'hui, avec cette loi, l'expulsion les attend alors même qu'ils sont allés à l'école.
En outre, les services départementaux répugnent désormais à continuer la prise en charge, au-delà de la majorité, des jeunes qui se retrouvent précipités dans une situation d'illégalité avec tous les risques de comportements délictueux.
Comme le réclament nombre d'organisations, il est urgent de réécrire cet article 21-12 afin que soit mis en place un dispositif permettant à ces jeunes de disposer automatiquement d'une carte provisoire de séjour.
Pour l'instant, les orientations du Gouvernement ont pour conséquence de favoriser la loi au détriment de la personne. Il fait ainsi le choix de mettre en danger la société, en exigeant d'une personne qu'elle respecte ses devoirs sans l'avoir, au préalable, investie dans ses droits,
Je souhaite connaître les dispositions envisagées par le Gouvernement pour répondre aux recommandations du comité des experts. Envisage-t-il concrètement de faciliter l'adoption de la création de commissions parlementaires sur les droits des enfants, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des victimes.
Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes. Monsieur le député, je vous prie à nouveau d'excuser l'absence de Dominique Perben qui m'a prié de vous apporter la réponse suivante.
Vous avez interrogé le Gouvernement aux fins de connaître les suites réservées aux recommandations faites par le comité des droits de l'enfant, après examen du deuxième rapport périodique de la France relatif aux mesures adoptées pour la mise en oeuvre des droits reconnus par la convention relative aux droits de l'enfant.
Je tiens à vous rassurer : la France est soucieuse d'assurer réflectivité des droits garantis par la convention. À cette fin, le Premier ministre a confié, depuis plusieurs années, la coordination des mesures ministérielles destinées à mettre en oeuvre cet instrument au ministre chargé de la famille.
En concertation avec les autres ministères, il veille ainsi au suivi des recommandations formulées par le Comité des droits de l'enfant.
Concernant plus particulièrement les observations du Comité relatives à l'âge minimum du mariage, à l'accent qui serait mis sur la voie pénale et aux mineurs étrangers isolés, le Gouvernement souhaite attirer votre attention sur plusieurs points.
Le débat sur l'instauration d'un âge minimal unique de mariage pour les hommes et les femmes a été abordé à plusieurs reprises lors de l'examen de différents textes devant le Parlement, notamment à l'occasion de la dernière réforme du divorce. Les positions exprimées sur cette question étaient très contrastées et dépassaient les clivages partisans. Les débats parlementaires ont conclu à l'époque à la nécessité d'organiser une large concertation.
La proposition de modification de l'article 144 du code civil fait donc l'objet d'une réflexion approfondie, en liaison avec de nombreux experts.
De même, la prise en charge des mineurs étrangers isolés constitue une priorité pour le Gouvernement.
Ainsi la loi du 4 mars 2002 a-t-elle prévu la possibilité de désigner un administrateur ad hoc pour l'enfant afin qu'il puisse être assisté et représenté dans les procédures administratives et judiciaires relatives à son maintien en zone d'attente ou à son entrée sur le territoire français, ainsi qu'à sa demande d'asile éventuelle.
Pour répondre aux nécessités de prise en charge de ces mineurs, l'État a également créé une structure d'hébergement ad hoc, qui a ouvert ses portes en 2002.
Ces enfants font aussi l'objet de mesures judiciaires de protection lorsque leur santé, leur sécurité ou leur éducation sont mises en danger.
Le garde des sceaux a décidé, en outre, la mise en place d'un groupe de travail piloté par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et chargé de réfléchir aux problèmes juridiques posés par l'intervention judiciaire auprès des mineurs isolés et d'améliorer leur prise en charge.
Par ailleurs, un groupe de liaison opérationnel - GLO - a été mis en place en application de l'accord bilatéral signé avec la Roumanie le 4 octobre 2002, dont la mission est de centraliser et partager l'information relative aux mineurs concernés, et de préparer leur retour en Roumanie après mise en oeuvre d'une mesure d'enquête sociale par les autorités roumaines.
De plus , la France participe à des programmes européens - PHARE, AGIS - qui traitent de la question des mineurs isolés.
En revanche, je dois vous indiquer que le Gouvernement ne souscrit pas à l'interprétation faite par le Comité des dernières évolutions législatives en matière de justice des mineurs.
Il convient tout d'abord de rappeler que la prise en charge des mineurs en danger est une mission essentielle du service public de la justice et représente l'activité principale des juridictions de la jeunesse : en 2003, les juges des enfants ont suivi au civil la situation de 199 400 mineurs en danger, alors qu'ils ont suivi au pénal 79 000 mineurs délinquants.
Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, la justice des mineurs est de plus en plus tournée vers l'éducation et l'insertion.
Voici maintenant quelques constats :
Depuis deux ans, le nombre des mineurs incarcérés ne cesse de décroître - 900 en mai 2002, moins de 600 aujourd'hui ;
Entre 2002 et 2003, le nombre des affaires traitées par les parquets a diminué de 10 % ;
Dans plus de 50 % des affaires , les parquets recourent aux procédures alternatives aux poursuites - rappel à la loi, réparation, excuses, stages civiques ;
Les juges prononcent plus de mesures éducatives que de peines - 57 % contre 43 % ;
Lorsqu'il y a peines, elles sont à visée éducative - exemple : les sanctions éducatives créées par la LOPJ applicables aux mineurs à compter de dix ans ;
Afin d'assurer la cohérence du traitement de la délinquance des mineurs et de garantir l'esprit de l'ordonnance de 1945 qui veut que soit toujours donnée primauté à l'éducatif, la loi du 9 mars 2004 confie, à compter du 1er janvier 2005, au juge des enfants l'exécution des peines privatives de liberté ;
Enfin, les éducateurs de la PJJ interviennent en continu auprès des mineurs détenus dans plus de la moitié des quartiers mineurs. Leur présence sera généralisée en fin de LOPJ.
L'accompagnement éducatif apparaît donc un axe fondamental de la justice des mineurs, notamment quand celle-ci s'adresse aux mineurs délinquants.
S'agissant de la création de délégations parlementaires aux droits des enfants, une proposition de loi, déposée par Jacques Barrot et Dominique Paillé, a été adoptée en première lecture par votre assemblée le 13 février 2003. Elle est déposée sur le bureau du Sénat depuis cette date et n'a pu, à ce jour, être examinée compte tenu des contraintes du calendrier parlementaire que vous connaissez.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.
M. Patrick Braouezec. Je note, madame la secrétaire d'État, que nous sommes d'accord sur deux points sur trois. Cela dit, quels que soient les avis divergents qui ont pu s'exprimer sur le sujet, à droite comme à gauche, il me semble urgent de relever l'âge du mariage compte tenu de la situation dans laquelle se trouvent certaines jeunes filles.
Par ailleurs, je prends acte de la prédominance du nombre des mesures éducatives sur celui des peines privatives de liberté, mais le suivi des jeunes est mis en péril par le nombre très important de postes non pourvus à la PJJ - c'est le cas notamment dans mon département. Il faut donc des moyens supplémentaires.
Auteur : M. Patrick Braouezec
Type de question : Question orale
Rubrique : Traités et conventions
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 19 octobre 2004