biocarburants
Question de :
Mme Pascale Gruny
Aisne (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Mme Pascale Gruny attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur le développement de l'éthanol en France. En juin dernier, à l'occasion de l'examen en séance du projet de loi d'orientation sur l'énergie, le Gouvernement a accepté de reprendre les objectifs européens d'incorporation de biocarburants dans l'essence et le gazole à des fins de transports. Cet objectif de 5,75 % de biocarburants incorporés dans les carburants dès 2010 a d'ailleurs été rappelé dans le plan climat présenté par le Gouvernement le 22 juillet dernier. Le 19 août dernier, le Président de la République, à l'occasion du conseil des ministres, a souhaité la mise en place, dès le 1er janvier 2005, d'un dispositif pour le développement des biocarburants et, le 7 septembre dernier, le Premier ministre a annoncé un vaste plan visant à tripler la production de biocarburants dans notre pays d'ici à 2007. Cela devrait logiquement entraîner un triplement des surfaces agricoles pour ce débouché. De nombreuses études présentent, depuis plusieurs années déjà, les retombées positives pour notre pays - et notamment pour notre agriculture - d'un développement réel des biocarburants. Le développement d'éthanol permettrait ainsi l'implantation d'usines de traitement dans des zones aujourd'hui faiblement industrialisées ou qui ont subi une désindustrialisation. Il ressort d'ailleurs que la production de 1 000 tonnes d'éthanol représentent 6,2 emplois pour notre pays contre 0,01 emploi pour 1 000 tonnes d'essence. Mais ces impacts positifs pour notre économie, et donc nos emplois, ne seront possibles que si les biocarburants consommés sont, bien sûr, produits dans l'Union européenne. Il y a pourtant un risque que notre marché soit envahi par de l'éthanol fabriqué à moindre coût hors de nos frontières. Ainsi le Brésil, dans le cadre des accords Union-européenne/Mercosur, pourrait prochainement exporter son alcool en grande quantité vers l'Europe. Pour éviter cela, l'Union européenne doit donc impérativement maintenir les protections actuellement en place, au moins durant le temps nécessaire au développement des filières communautaires. L'industrie française ne pourra faire face à cette compétition que si des distilleries de forte capacité ont déjà été construites pour approvisionner le marché de l'éthanol carburant et ont eu le temps d'amortir partiellement leurs outils. Une ouverture trop précoce du marché de l'éthanol aux pays extra communautaires serait bien évidemment inacceptable pour les agriculteurs français, qui voient dans ce marché naissant le maintien d'une activité crédible et durable en milieu rural. Aussi elle lui demande de lui indiquer la position du gouvernement français sur ces négociations internationales et les perspectives de production d'éthanol dans notre pays.
Réponse en séance, et publiée le 20 octobre 2004
PERSPECTIVES DE LA PRODUCTION D'ÉTHANOL
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour exposer sa question, n° 917, relative aux perspectives de la production d'éthanol.Mme Pascale Gruny. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, ma question concerne le développement de l'éthanol en France
En juin dernier, à l'occasion de l'examen en séance du projet de loi d'orientation sur l'énergie, le Gouvernement a accepté de reprendre les objectifs européens d'incorporation de biocarburants dans l'essence et le gazole à des fins de transports. Cet objectif de 5,75 % de biocarburants incorporés dans les carburants dès 2010 a d'ailleurs été rappelé dans le plan Climat présenté par le Gouvernement le 22 juillet dernier. Le 19 août, le Président de la République, à l'occasion du conseil des ministres, a souhaité la mise en place, dès le 1er janvier 2005, d'un dispositif pour le développement des biocarburants, et le Premier ministre a annoncé le 7 septembre un vaste plan visant à tripler la production de biocarburants dans notre pays d'ici à 2007. Cela devrait logiquement entraîner un triplement des surfaces agricoles pour ce débouché.
De nombreuses études ont mis en évidence, depuis plusieurs années déjà, les retombées positives pour notre pays - notamment pour notre agriculture - d'un développement réel des biocarburants. L'accroissement de la production d'éthanol permettrait ainsi l'implantation d'usines de traitement dans des zones aujourd'hui faiblement industrialisées ou qui ont subi une désindustrialisation. Il ressort d'ailleurs des estimations que la production de 1 000 tonnes d'éthanol représente 6,2 emplois pour notre pays, contre 0,01 emploi pour 1 000 tonnes d'essence.
Néanmoins ces impacts positifs pour notre économie, donc pour nos emplois, ne pourront être enregistrés que si les biocarburants consommés sont produits dans l'Union européenne. Or il y a un risque que notre marché soit envahi par de l'éthanol fabriqué à moindre coût hors de nos frontières. Ainsi le Brésil, dans le cadre des accords entre l'Union européenne et le Mercosur, pourrait prochainement exporter son alcool en grandes quantités vers l'Europe.
Pour éviter cela, l'Union européenne doit donc impérativement maintenir les protections actuellement en place, au moins durant le temps nécessaire au développement des filières communautaires. L'industrie française ne pourra faire face à cette compétition que si des distilleries de forte capacité ont déjà été construites pour approvisionner le marché de l'éthanol carburant et ont eu le temps d'amortir partiellement leurs outils. Une ouverture trop précoce du marché de l'éthanol aux pays extra-communautaires serait bien évidemment inacceptable pour les agriculteurs français, qui voient dans ce marché naissant le maintien d'une activité crédible et durable en milieu rural.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer la position du Gouvernement français sur ces négociations internationales et les perspectives de production d'éthanol dans notre pays ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Madame la députée, vous m'interrogez sur la position du Gouvernement français sur les négociations entre l'Union européenne et le Mercosur, sujet que nous avons évoqué hier encore au conseil des ministres de l'agriculture à Luxembourg.
L'objectif de la France dans cette négociation est de parvenir à un accord équilibré sans que celui-ci ne porte atteinte à ses intérêts. Les autorités françaises ont clairement réaffirmé ce message lors du troisième sommet Union européenne-Amérique latine, qui s'est tenu à Guadalajara le 28 mai dernier. Elles l'ont réaffirmé aussi bien à la Commission européenne qu'aux négociateurs du Mercosur.
Le 29 septembre dernier, la Commission a procédé à un échange d'offres tarifaires. L'offre communautaire prévoit d'importantes conditions pour être effective : la première d'entre elles est le principe d'une " poche unique " entre les concessions birégionales et les engagements qui pourront être pris dans le cadre des négociations multilatérales de l'Organisation mondiale du commerce afin d'éviter que l'Union européenne ne paye deux fois ; la deuxième est bien évidemment un principe de réciprocité.
L'ouverture de contingents tarifaires d'alcool du Mercosur sera exclusivement limitée au bioéthanol destiné à la carburation. Le volume proposé par la Commission devrait permettre de conserver à l'industrie communautaire une part largement majoritaire dans la satisfaction des besoins de l'Union européenne en biocarburants. L'introduction de ces contingents devra épouser le rythme de mise en oeuvre de la directive communautaire sur les biocarburants afin de permettre le développement d'une filière de production européenne. À cet effet, la France défend la mise en oeuvre d'un mécanisme d'indexation de la concession sur le développement de la demande communautaire de biocarburant, réservant au moins 90 % du marché communautaire à l'industrie européenne.
Les autorités françaises resteront donc très attentives à ce que la Commission européenne maintienne une position de fermeté sur ces principes.
Quant aux perspectives de production d'éthanol en France, elles s'inscrivent dans le cadre du vaste plan annoncé par le Premier ministre le 7 septembre dernier, lequel prévoit le triplement de la production de biocarburants entre 2003 et 2007.
Je suis en train de procéder à un tour de table avec l'ensemble des partenaires de ces filières et j'aurai l'occasion, avant la fin de l'année, d'annoncer dans le détail le dispositif de mise en oeuvre de ce plan absolument indispensable, à la fois pour l'agriculture française et pour notre indépendance énergétique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous comptons vraiment sur votre soutien. Il faut aussi que vous sachiez que les industriels concernés espèrent des réponses très rapides, car la construction des outils de production est assez longue. Ils veulent pouvoir être prêts très rapidement.
Auteur : Mme Pascale Gruny
Type de question : Question orale
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 19 octobre 2004