métallurgie
Question de :
M. Jean-Pierre Blazy
Val-d'Oise (9e circonscription) - Socialiste
M. Jean-Pierre Blazy sollicite l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur la question des délocalisations. Il y a quatre ans ouvrait l'usine Ugine et ALZ France services de Gonesse du groupe Arcelor. Dans le cadre d'un programme de réduction des coûts, il a été décidé l'arrêt définitif de l'activité du site de Gonesse en 2006, au profit du site d'Isbergues (Nord). 135 emplois sont menacés. La validité des arguments avancés par Ugine est contestable : une contre-expertise divulguée lors du comité d'entreprise du 3 septembre proposait ainsi un projet alternatif crédible intégrant les orientations générales du groupe Arcelor. Arcelor est déjà coutumière du fait : elle a supprimé près de 900 emplois dans le Gard et s'apprête à faire disparaître 420 emplois directs sur le site d'Isbergues. De nombreux indices augurent d'un désengagement d'Arcelor hors du territoire français, le départ pour Isbergues ne serait que le prélude à une concentration de la production d'inox d'Arcelor sur les sites belges de Genk et Charleroi. À long terme, il s'agirait même d'un processus de désengagement d'Europe du groupe Arcelor dont la vraie raison serait liée à la directive européenne sur les émissions de CO² : les dirigeants d'Arcelor craindraient de ne pas pouvoir obtenir les permis d'émission pour produire l'acier en quantité souhaitée dans les années à venir. En conséquence, il souhaite savoir ce que le Gouvernement compte faire pour empêcher ce désastreux processus annoncé de désengagement du territoire national, voire européen, par le groupe Arcelor et sa filiale Ugine, notamment à Gonesse.
Réponse en séance, et publiée le 1er décembre 2004
AVENIR DE L'USINE UGINE ET ALZ
DU GROUPE ARCELOR À GONESSE
M. Jean-Pierre Blazy. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous féliciter à mon tour de votre promotion ministérielle, tout en regrettant que le ministre délégué à l'industrie ne soit pas là pour répondre à ma question. En effet, le groupe Arcelor, dont il est va être question, n'est pas une PME, comme chacun sait !
Je souhaitais effectivement attirer l'attention du ministre délégué à l'industrie - mais je ne doute pas que vous vous ferez mon interprète - sur la question des délocalisations, et notamment sur le cas de l'usine Ugine et ALZ France services de Gonesse, du groupe Arcelor. Il y a quatre ans - c'est très court - j'inaugurais ce nouvel établissement flambant neuf avec Francis Mer, alors PDG du groupe. Or voilà qu'a été décidé, dans le cadre d'un programme de réduction des coûts, l'arrêt définitif de l'activité du site de Gonesse en 2006 - c'est-à-dire seulement quatre ans après son inauguration ! - au profit du site d'Isbergues, dans le Nord. Cette nouvelle devrait vous satisfaire, monsieur le président, et je serais d'ailleurs le premier à me réjouir que le département du Nord, qui connaît tant de difficultés puisse bénéficier d'une relocalisation, si celle-ci était réelle. Or, comme vous allez le voir, elle n'est peut-être qu'apparente.
Ceci dit, 135 emplois seront supprimés à Gonesse. Et la validité des arguments avancés par Ugine est contestable : un projet alternatif crédible, intégrant les orientations générales du groupe Arcelor, a été mis au point avec l'appui d'un cabinet missionné par le conseil général d'Île-de-France, lequel s'est engagé dans l'action en faveur de l'emploi dans la région francilienne. Arcelor est coutumier du fait : il a déjà supprimé près de 900 emplois dans le Gard, et s'apprête à faire disparaître 420 emplois directs sur le site d'Isbergues. C'est pourquoi j'ai parlé de profit seulement apparent pour le Nord.
En effet, de nombreux indices augurent d'un désengagement d'Arcelor hors du territoire français. Le départ pour Isbergues ne serait que le prélude à une concentration de la production d'inox d'Arcelor sur les sites belges de Genk et de Charleroi. À long terme, il s'agirait même d'un processus de désengagement d'Europe du groupe Arcelor, puisque celui-ci met en avant la directive européenne sur les émissions de CO2. D'ailleurs, le PDG Guy Dolllé a dit, dans une interview à La Libre Belgique, au mois de septembre, que les dirigeants du groupe craignent de ne pas pouvoir obtenir le permis d'émission pour produire l'acier en quantité souhaitée dans les années à venir, ce qui est un formidable encouragement à la délocalisation. Il a ajouté que le jour où ils seront forcés de délocaliser une partie de sa production, on les taxera de capitalistes insensés qui ne respectent rien.
Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, ce que le Gouvernement compte faire pour empêcher ce désastreux processus annoncé de désengagement du territoire national, voire européen, par le groupe Arcelor et sa filiale Ugine. On connaissait jusque-là le dumping social, on risque de connaître le dumping environnemental. S'agissant de Gonesse, comment favoriser une véritable réindustrialisation du site d'Ugine, qui doit disparaître dans moins de deux ans, malgré l'action qui a été menée, à la fois par les élus de la ville, par des représentants du personnel et des syndicats ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation.
M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le député, je tiens tout d'abord à vous présenter les excuses de mon collègue Patrick Devedjian, qui ne peut être présent. Il m'a chargé de vous donner lecture de sa réponse.
La restructuration dont vous faites état est la conséquence d'un plan - que vous avez évoqué - de rationalisation globale de l'activité inox d'Arcelor, qui a été rendu possible par le rapprochement, en 2001, sous une majorité dont vous faisiez partie, des aciéristes européens Usinor, Aceralia et Arbed.
Arcelor est organisé selon quatre secteurs principaux d'activité, dont les aciers inoxydables à travers l'entreprise Ugine et Alz Services. Arcelor estime que cette activité souffre d'une structure industrielle historiquement éparpillée, d'où des outils de production économiquement peu compétitifs par rapport à la concurrence, et d'une multiplicité des lignes de produits dont la taille n'est parfois pas suffisamment importante pour être rentable.
Pour pallier la dispersion de ses capacités de production de demi-produits et le sous-dimensionnement de ses aciéries, le groupe entend concentrer une partie de la production sur le site de Carlam, à Charleroi, en Belgique, en y installant un four moderne de grande capacité en amont du laminoir à chaud dédié aux aciers inoxydables. Le choix de cette localisation à l'extérieur de la France ne relève pas d'un arbitrage entre des coûts du travail ou des fiscalités différentes, comme on le constate parfois dans des cas de délocalisations, mais de l'optimisation de l'outil industriel des trois sociétés qui ont été fusionnées. Cet investissement conduira à la fermeture des aciéries de Laudun, dans le Gard, et d'Isbergues, dans le Pas-de-Calais. Les activités industrielles et commerciales d'Ugine et d'Alz Services qui étaient concentrées jusqu'à présent à Gonesse seront progressivement transférées à Isbergues, sur une période courant jusqu'en 2006.
Le Gouvernement est particulièrement attentif à ce qu'Arcelor soit transparent sur ses intentions, afin de permettre aux territoires d'anticiper au plus tôt et au mieux les restructurations. Sur chacun des sites touchés, les ministres concernés restent mobilisés pour que l'accompagnement individuel de chaque salarié soit réel et que chacun d'entre eux se voie proposer des solutions adéquates.
Au plan général, Arcelor reste un groupe très européen par ses effectifs, et, en particulier, très français. Notre pays accueille 35 % des effectifs mondiaux du groupe et abrite un outil industriel lourd qui a nécessité d'importants investissements. Il n'est pas dans l'intention d'Arcelor de se désengager de l'Europe, qui constitue son coeur de marché et concentre les trois quarts de son chiffre d'affaires.
La mise en place d'un marché européen des permis d'émission de CO2, si elle constitue effectivement une source d'inquiétude pour tous les industriels européens intensifs en énergie, n'est plus de nature à fonder le désengagement d'Arcelor d'un marché essentiel pour son activité. D'abord, parce que le dispositif européen de permis d'émission de CO2 est mis en oeuvre sur la base d'un plan national d'allocation gratuite de quotas qui tient compte des besoins des différents secteurs et en particulier de l'acier ; ensuite, parce que les impératifs du réchauffement climatique amèneront tôt ou tard l'ensemble des pays émetteurs de gaz à effet de serre à aller vers des systèmes de ce type.
S'il n'est pas question pour Arcelor de remettre en cause sa base industrielle historique en Europe et en France, il n'en reste pas moins qu'il est important, dans un marché qui reste très cyclique, malgré la période favorable que les sidérurgistes vivent actuellement, et extrêmement concurrentiel, ainsi que l'a montré l'émergence récente d'un nouveau numéro un mondial de l'acier, que le groupe puisse procéder à la modernisation de sa capacité industrielle afin de renforcer son assise.
Dans ce contexte, le Gouvernement reste très attentif à ce que la stratégie d'Arcelor préserve globalement les intérêts européens et, en particulier, les intérêts français.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, votre réponse confirme ce que j'ai dit. S'agissant des salariés de l'usine de Gonesse, c'est maintenant le plan social et donc, pour eux, la nécessité de rechercher un nouvel emploi. Ils n'iront certainement pas, pour la majeure partie d'entre eux, dans le Nord. Et c'est pour les élus la nécessité de réindustrialiser le site, qui est tout neuf ! J'appelle votre attention sur le gâchis que constitue la fermeture, au bout de quatre ans, de ce site qui avait été inauguré par Francis Mer, alors PDG d'Ugine. Il venait d'être construit ! Il y avait donc tout de même des choix industriels raisonnés qui avaient été faits. Et, au bout de quatre ans, on décide de fermer. C'est un grand gâchis.
De plus, je tiens à vous faire observer que le groupe Arcelor est tout de même le numéro un européen et qu'il se porte bien. Il a d'ailleurs des ambitions au-delà de l'Europe. C'est peut-être légitime de vouloir, au cours de 2005, prendre le contrôle du brésilien Acesita, mais cela ne doit pas s'inscrire dans une logique purement financière, au détriment de l'Europe et, en particulier, de la France. Or, on est parti dans cette voie, et c'est un désengagement du territoire français, voire du territoire européen, qui semble se confirmer.
Auteur : M. Jean-Pierre Blazy
Type de question : Question orale
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2004