allocations et ressources
Question de :
M. Jacques Domergue
Hérault (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jacques Domergue souhaite appeler l'attention de Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées sur la situation financière des personnes lourdement handicapées. Ces dernières sont le plus souvent prises en charge dans des centres spécialisés, pour un coût journalier, variable selon les établissements, d'environ 400 euros. Lorsque ces personnes désirent vivre en dehors de ces structures d'accueil, et l'on sait bien que le nombre de places n'est pas illimité, elles bénéficient alors de deux allocations qui sont l'allocation adulte handicapé (AAH) et l'allocation compensatrice tierce personne (ACTP). Or ces deux allocations cumulées ne permettent pas à la personne handicapée, notamment lorsqu'elle l'est lourdement, de vivre à domicile puisqu'il leur faut alors recourir à l'aide d'une personne à plein temps dans la plupart des cas. Aussi, et afin d'assurer à toutes les personnes handicapées les mêmes libertés, dont celle de vivre à domicile, il demande au Gouvernement de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il compte prendre pour mettre fin à cette situation et laisser à ces personnes le droit de choisir librement de vivre en centre spécialisé ou bien à domicile.
Réponse en séance, et publiée le 1er décembre 2004
REVALORISATION DES AIDES FINANCIÈRES
AUX HANDICAPÉS
M. Jacques Domergue. Madame la secrétaire d'État aux personnes handicapées, ma question concerne les personnes lourdement handicapées. Sans doute faudra-t-il un jour bien définir cette notion, qui désigne essentiellement les tétraplégiques ou des patients atteints de maladie comme la myopathie, lesquels sont tributaires d'une personne à demeure. Certains d'entre eux sont même équipés de systèmes d'assistance ventilatoire à domicile.
Dans la plupart des cas, ces personnes sont si handicapées qu'elles vivent dans des maisons spécialisées où la structure hôtelière est organisée à leur intention. Leur prise en charge est alors assurée par la sécurité sociale. Mais certaines sont amenées à vivre à leur domicile, soit parce qu'elles ne trouvent pas de place dans les établissements spécialisés, MAS ou foyers d'hébergement pour adultes handicapés, soit parce qu'elles désirent rester dans leur milieu familial ou garder leur autonomie. Dans ce cas, elles ne disposent que des 787,74 euros de l'AAH et des 756,70 euros - au maximum - de l'ACTP, l'allocation compensatrice pour tierce personne. Le total cumulé de 1 344 euros est largement insuffisant quand la personne est tributaire d'une tierce personne à plein temps.
J'ai vu, dans ma circonscription, des situations extrêmement dramatiques : des personnes handicapées, obligées de s'organiser par elles-mêmes, vont jusqu'à recourir, en toute illégalité - elles ne les déclarent pas - des étudiants qu'elles paient 2 euros de l'heure, car c'est la seule solution pour qu'elles puissent continuer à vivre à leur domicile.
Pour celles qui ont besoin de la présence quasi permanente d'une tierce personne, vous conviendrez que de telles sommes ne permettent pas de compenser dignement le handicap. Pourtant, permettre à la personne handicapée comme à toutes les autres de choisir son mode de vie, c'est répondre à un souhait tout à fait légitime et contribuer à la volonté exprimée par le Président de la République de faire que la personne handicapée puisse être un citoyen à part entière.
Madame la secrétaire d'État, dans le texte qui reviendra en discussion devant nous, reste-t-il une marge de manoeuvre pour trouver une solution en faveur de ces personnes qui seraient au nombre de 5 000 environ en France, ce qui n'est pas énorme ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Monsieur le député, vous attirez mon attention sur la situation des personnes lourdement handicapées qui peuvent difficilement, aujourd'hui, faire un véritable choix entre l'accueil dans un établissement et la vie à domicile. Je vous en remercie car vous me donnez l'occasion de dire à quel point je suis sensible à ce problème.
Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui sera prochainement examiné par votre assemblée en deuxième lecture, tend à permettre aux personnes handicapées d'exercer précisément ce libre choix entre la vie à domicile et l'accueil en établissement, en leur facilitant l'accès au droit commun et en leur offrant des dispositifs adaptés à leurs besoins, évalués de façon individualisée, à partir de ce qu'il est convenu d'appeler leur projet de vie. C'est le coeur même du texte de loi que je porte.
Il s'agit, dans ce projet de loi, de reconnaître le droit à compensation et, en particulier, d'apporter un financement à la prise en charge des aides humaines nécessaires au maintien à domicile et à l'accomplissement des actes essentiels de la vie, à l'accompagnement social, aux aides techniques et aux produits destinés à améliorer le confort de vie, lesquels constituent, évidemment, un surcoût pour la personne handicapée. La prestation de compensation aura cette vocation de prendre en charge ce qui reste à la charge de la personne. Il s'agit également des dépenses d'aménagement du logement ou du véhicule que nécessite souvent le handicap.
S'agissant des personnes très lourdement handicapées, 180 millions d'euros sur une dotation " aides humaines " de 350 millions d'euros, prévus dans le cadre de cette prestation de compensation, permettront aux départements de répondre favorablement aux demandes de déplafonnement de l'actuelle allocation compensatrice pour tierce personne, et ce dès le budget de 2005. Ils permettront, le cas échéant, à la personne handicapée qui en a besoin de bénéficier d'une tierce personne vingt-quatre heures sur vingt-quatre car, et vous avez eu raison de le souligner, monsieur le député, c'est cela la réalité de la personne très lourdement handicapée.
Très curieusement, parmi les personnes que vous évoquez, grands myopathes ou tétraplégiques, beaucoup travaillent dans le domaine des services, parfois à domicile, et il faut souligner la qualité de leur travail. Mais lorsque le travail n'apparaît pas comme une perspective réelle, je souhaite qu'elles bénéficient d'une garantie de ressources.
Pour définir les modalités de cette garantie de ressource, j'ai créé un groupe de travail, constitué d'associations représentatives de personnes handicapées, d'experts de l'administration et de membres de mon cabinet. Il me remettra très bientôt ses conclusions.
Mon but est de pouvoir, avant la fin de la deuxième lecture de mon projet à l'Assemblée, proposer la création de cette garantie de ressources pour la personne handicapée qui ne peut pas travailler.
Il y aura donc à la fois la prestation de compensation, qui sera fléchée pour les personnes très lourdement handicapées - je le répète, 180 millions d'euros dès 2005 - et un dispositif beaucoup plus structurant, une garantie de ressources pour celles qui ne peuvent pas travailler. Il s'agit de faciliter leur autonomie financière.
M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue.
M. Jacques Domergue. Madame la secrétaire d'État, vous avez répondu en partie à nos interrogations.
Si j'ai bien compris, l'ACPT ne serait plus plafonnée...
Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Pour les personnes très lourdement handicapées !
M. Jacques Domergue. Comment se fera l'attribution de cette allocation ? Une commission en sera-t-elle chargée ?
Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Elle sera attribuée en 2005 selon les conditions actuelles.
M. Jacques Domergue. Et quand cela sera-t-il applicable ?
Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Dès le 1er janvier 2005.
M. Jacques Domergue. C'est une très bonne nouvelle.
La garantie de ressources viendrait donc en plus de l'AAH et de l'ACPT ?
M. le président. Je préfère, madame la secrétaire d'État, vous redonner la parole pour quelques mots d'éclaircissement.
Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Vous avez bien compris, monsieur le député. Le projet de loi, dont votre assemblée va débattre en deuxième lecture dès le 20 décembre prochain, crée une prestation de compensation destinée à apporter des aides techniques et humaines en plus de ce que propose l'actuelle ACTP qui continuera à être servie pendant l'année 2005 de la même manière qu'aujourd'hui ; pour les personnes très lourdement handicapées, la dotation sera renforcée de 180 millions d'euros, ce qui permettra de la déplafonner.
C'est à partir du 1er janvier 2006 que s'appliqueront de nouvelles dispositions, notamment l'évaluation par la commission des droits et de l'autonomie, créée par la loi. Nous garantissons, dès le 1er janvier 2005, pour les personnes très lourdement handicapées, ces aides supplémentaires à hauteur des 180 millions dont je vous ai parlé. Tout cela constitue la partie " compensation du handicap ".
Je proposerai en outre à votre assemblée d'approuver la création d'une " compensation de ressources ", car l'AAH existante n'est pas suffisante pour les personnes qui ne peuvent pas travailler. Elle s'intitulera " garantie de ressources des personnes handicapées ". Elle permettra de compléter le revenu et n'aura donc rien à voir avec la compensation du handicap.
M. Jacques Domergue. Merci beaucoup de votre réponse.
Auteur : M. Jacques Domergue
Type de question : Question orale
Rubrique : Handicapés
Ministère interrogé : personnes handicapées
Ministère répondant : personnes handicapées
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2004